TEMOIGNAGES. "On ne pourra plus se nourrir demain", deux agricultrices alertent sur la souveraineté alimentaire

Plusieurs cortèges d'agriculteurs convergent vers Lyon ce matin en direction de la préfecture. Inquiets pour leur avenir, céréaliers et éleveurs souhaitent "assurer la souveraineté alimentaire de la France". Deux exploitantes témoignent.

Ce matin, comme chaque matin, Christel Cesana, arboricultrice ardéchoise, conduit son tracteur. Ce matin, comme chaque matin, Elise Michalet, éleveuse de vaches blondes d'Aquitaine, prend sa bétaillère. Mais ce matin, pas de champs ni d'étable en vue, l'objectif est d'atteindre la préfecture de région à Lyon. Christel et Elise ne se connaissent pas, mais partagent le constat que l'agriculture française est en danger. Et toutes deux ont des enfants passionnés par leurs exploitations, mais ne voient pas comment ils pourront en vivre plus tard.

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Témoignage de Chrystel Cesana, arboricultrice ardéchoise ©Marie Bail / FTV

Christel Cesana nous prévient, " la liste de nos revendications est très longue". Et dans cette liste se cache une autre liste pour Elise Michalet, celle des augmentations. Elle les énumère. " Augmentation des charges, augmentation du prix des céréales, augmentation des emballages, augmentation des engrais, augmentation des produits phytosanitaires, augmentation de l'électricité. Les répercussions se feront surtout ressentir sur 2023. Mais le prix de ma viande est déjà passé de 5,30€ le kg à 5,60 en 2022." Alors, pour " sauver l'agriculture française", qui comptait 1,6 million d'agriculteurs il y a 40 ans contre 400.000 aujourd'hui, elles dénoncent une " concurrence déloyale".

"Pas d'interdiction sans solution"

"Le consommateur prend le moins cher. Le pouvoir d'achat baisse" constate Christel Cesana, venue manifester pour " toute l'agriculture française qui est en grand danger aujourd'hui." "On ne pourra plus se nourrir demain" à cause des " normes franco-françaises" selon elle.

" Nous rencontrons de grosses difficultés, il y a une concurrence déloyale entre pays, regrette Elise Michalet. Sur la viande, on nous enlève plein de molécules pour soigner les bêtes alors que le traitement aux hormones est autorisé aux USA. Et si l'animal est abattu en France, il aura l'étiquette française."

"Les premiers écologistes c'est nous, entendez-nous faites nous confiance ! Nous sommes des producteurs de biodiversités. on a fait de l'agriculture française une des plus propres et des plus sûres au monde!"

Christel Cesana, arboricultrice ardéchoise

Ces agricultrices militent pour une souveraineté alimentaire française. Christel Cesana prend pour exemple le protectionnisme suisse, qui " permet d'importer selon les besoins". La viande américaine n'est qu'un exemple selon elle, exaspérée par nombre d'incohérences. " Je suis allée dans une épicerie où des amandes des États-Unis sans aucun label étaient vendues 19,90€, c'est le prix du bio chez nous ! Les miennes sont à 15 €. Comment on peut laisser faire ça ? Par rapport à l'impact écologique, ça ne devrait pas être possible ! Cette année, on a importé des pommes de Pologne. Des producteurs français n'avaient alors plus de marché et comme le coût de l'énergie augmente, ils ont préféré couper les frigos et jeter leurs marchandises."

"Il n'y a pas d'interdiction sans solution" clame Christel l'arboricultrice depuis ses cultures d'abricots et de cerises. " On a baissé de 40% nos produits phytosanitaires en une dizaine d'années seulement. Il faut nous laisser le temps de s'adapter." Selon elle, l'exemple de la drosophile suzukii, insecte asiatique qui ravage des cultures en France depuis 2009, démontre que les agriculteurs n'ont pas "les moyens de remplacer les produits phytosanitaires." 

Pour une reconnaissance de l'utilité de l'agriculture

" N'importons pas l'agriculture que nous ne voulons pas, s'emporte Christel. Si on veut une souveraineté agricole, il faut soutenir notre agriculture. Quand je vois que la grande distribution donne des paniers solidaires avec du Coca, ce n'est pas possible ! On est assommé sous les contraintes alimentaires et on offre aux gens des produits qui n'ont pas ces contraintes. 

En 2020, l'espoir suscité par la Covid a été de courte durée. "Pendant la Covid, les consommateurs avaient une grande considération pour la production locale et d'un coup, ça s'est estompé, regrette Elise. C'est impossible de tenir ce modèle économique, on ne peut pas vivre de subventions."

Rapidement, les vieilles habitudes ont repris le dessus. " Aujourd'hui, la France importe 60% de ses fruits et légumes" selon Elise .

L'inquiétude pour la génération future 

Christel énumère une nouvelle liste. " Il y a la viticulture va très mal. Il y a les producteurs de lait qu'on a incité à passer au bio et maintenant, ils se retrouvent en dessous du prix de revient. Il y a l e loup qui cause des dégâts matériels et psychologiques." Elle aimerait que sa profession soit reconnue pour son utilité vitale. " On ne voit pas les discours positifs sur notre activité comme la captation du carbone ou l'alimentation de la population."

Mais aujourd'hui, elle constate que sa profession est toujours en déclin malgré les adaptations et que le dérèglement climatique représente un combat de plus. "On a diversifié, passé la culture d'abricots au bio, mais on a eu trois gels consécutifs, je suis inquiète pour mes enfants qui veulent reprendre."

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