Quatre ans après le meurtre du caporal Arthur Noyer, 23 ans, le procès de Nordahl Lelandais va s'ouvrir devant les assises de la Savoie. France 3 Alpes retrace la chronologie de cette affaire avant la comparution du trentenaire, mis en cause dans plusieurs affaires criminelles.
Des affaires Lelandais, le meurtre d'Arthur Noyer sera la première à être jugée. Le trentenaire de Domessin va comparaître devant la Cour d'assises de la Savoie, à Chambéry, à partir du lundi 3 mai pour le meurtre du caporal Noyer, en avril 2017.
La personnalité de Nordahl Lelandais, également mis en cause dans le meurtre de la petite Maëlys, sera passée au crible par des experts. Une personnalité déjà décrite comme "clivée de type pervers" dans une expertise psychiatrique, avec une partie "fonctionnant de façon à peu près adéquate à la réalité" et "une partie fonctionnant en dépit des interdits". L'ancien maître chien, dont l'avocat s'est fait discret dans les médias depuis quatre ans, livrera sa version des faits devant le jury.
De la disparition du caporal Noyer à l'identification de la piste Lelandais, de sa mise en examen aux aveux, voici ce qu'il faut retenir de cette affaire avant l'ouverture des débats.
"Disparaître comme ça, ça ne lui va pas"
Mercredi 12 avril 2017, le caporal Arthur Noyer, 23 ans, ne se présente pas au 13e Bataillon de chasseurs alpins (BCA) de Barby, en Savoie. Pour la première fois, il manque à l'appel. Ses supérieurs hiérarchiques préviennent la famille qui s'en inquiète aussitôt. La disparition est signalée dans la foulée puis ses parents, Didier et Cécile, se rendent à Chambéry. A plusieurs centaines de kilomètres de leur domicile du Berry.
Cette disparition interroge ses proches qui mettent leur vie entre parenthèses dans l'espoir de retrouver sa trace. "C’est un mec extraordinairement à l’aise dans sa vie. Il est sportif, ouvert dans ses relations. Ce n’est pas un introverti. Il vit normalement comme on peut espérer que tous les gamins vivent", nous racontait son père, Didier Noyer, quelques jours après sa disparition. Des affiches sont placardées en ville, la presse est alertée, les habitants mobilisés pour organiser des battues. Mais toujours aucune trace du jeune caporal.
Un mois s'écoule depuis la disparition. Sa famille organise une marche blanche à Chambéry pour rappeler qu'Arthur Noyer est toujours recherché. Plus de 300 personnes y participent, dont des militaires du 13e BCA et des proches du jeune homme qui ont fait le déplacement depuis Bourges. "Disparaître comme ça, ça ne lui va pas. Tous ses amis le savent, relevait Chanel, l'une de ses amies, lors de cette marche. Ca me fait beaucoup de peine quand les gens disent qu’il aurait pu déserter parce que je n’y crois pas une seule seconde."
De l'affaire Maëlys aux affaires Lelandais
Dans le même temps, les enquêteurs poursuivent leurs investigations sur la disparition du jeune homme. Jusqu'à une centaine de gendarmes sont mobilisés pour retrouver sa trace dans le cadre de l'enquête ouverte par le parquet de Chambéry pour enlèvement et séquestration. Une procédure classique dans le cas d'une disparition pour laquelle la piste criminelle est privilégiée.
L'affaire connaît un premier rebondissement le 7 septembre 2017. Un promeneur découvre un crâne humain en contrebas d'un sentier de randonnée non loin de Montmélian (Savoie), à quelques kilomètres de la dernière trace d'Arthur Noyer. Il faudra attendre près de trois mois pour que les analyses ADN confirment qu'il s'agit bien du crâne du caporal.
Entretemps, les pièces s'assemblent et l'ombre de Nordahl Lelandais vient planer sur le dossier. Les téléphones du trentenaire bornent aux mêmes endroits que celui de sa victime à plusieurs moments la nuit de sa disparition. Et le véhicule de Lelandais, une Audi noire, est repéré non loin d'Arthur Noyer sur des images de vidéosurveillance. Les enquêteurs découvrent également que le suspect "avait effectué le 25 avril 2017 des recherches sur internet en utilisant les mots-clé 'décomposition d'un corps humain'", indiquait le parquet.
Le jeune caporal s'était rendu dans trois bars du Carré Curial avant de poursuivre la soirée en boîte de nuit jusqu'aux environs de 3 heures. C'est là qu'il aurait croisé le chemin de Nordahl Lelandais. Un nom qui commence à circuler dans la presse au moment de l'enquête sur la disparition de la petite Maëlys, à l'été 2017.
Le trentenaire de Domessin est rapidement mis en cause pour l'enlèvement puis le meurtre de la fillette de 8 ans. Et c'est seulement à l'aune de cette affaire que la piste Lelandais a pu être explorée dans la disparition d'Arthur Noyer. Les emplois du temps sont comparés, des relevés téléphoniques effectués et les éléments concordent.
Nordahl Lelandais est mis en examen pour l'assassinat du jeune caporal le 19 décembre 2017 à l'issue de sa garde à vue, huit mois après la disparition d'Arthur Noyer. Il nie alors toute implication dans sa mort, reconnaissant toutefois avoir été en sa compagnie la nuit de sa disparition. "Nous allons continuer à nous battre pour toi jusqu'à ce que la vérité éclate", déclare la mère de la victime, Cécile Maltet. C'est seulement plus tard que Nordahl Lelandais passera aux aveux.
Aveux progressifs
Après la double mise en examen du maître chien, la presse s'empare de l'affaire, divulguant des éléments soumis au secret de l'instruction. La défense et les parties civiles s'en inquiètent, mais le dossier suit son cours. De nouveaux ossements sont mis au jour en janvier 2018, entraînant les premiers aveux du maître chien moins d'un mois plus tard. Entendu pour la première fois par une juge d'instruction en charge du dossier, il admet avoir pris en stop le jeune militaire, déclarant que le caporal était alcoolisé au moment des faits et qu'il lui aurait demandé de le déposer quelques kilomètres plus loin.
Pourquoi leurs téléphones ont été éteints simultanément à 3h40 ? Comment expliquer la mort d'Arthur Noyer ? De nombreux éléments restaient encore sans réponse. Mais lors d'une reconstitution, le 29 mars 2018, l'ancien militaire reconnaît son implication dans la mort du caporal Noyer, sans donner de détails. S'en suivront des auditions et reconstitutions pour retracer le parcours du meurtrier présumé et les circonstances de la mort du jeune homme.
Lelandais finit par mentionner une altercation avec le caporal qui se serait achevée en bagarre. Il affirme qu'Arthur Noyer aurait fait une mauvaise chute entraînant sa mort. L'ex-maître chien aurait alors pris la décision de jeter le corps dans un ravin. Le suspect "admet donc uniquement avoir commis des violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", précisait le parquet.
Des aveux progressifs, comme dans l'affaire Maëlys. Tout un procédé "sans doute impossible sans le travail entrepris avec les psychologues et les psychiatres du Vinatier" où Lelandais était hospitalisé, évoquait son avocat, Me Alain Jakubowicz sur le plateau de France 3 Alpes.
La préméditation écartée
Après un an d'enquête sans rebondissement, une annonce fait figure de coup de tonnerre pour la famille Noyer. Le parquet de Chambéry requiert, en février 2020, le renvoi de Nordahl Lelandais devant la Cour d'assises pour le meurtre du jeune caporal, et non plus pour assassinat, écartant de fait la préméditation et faisant passer la peine maximale encourue de la réclusion criminelle à perpétuité à trente ans de réclusion. Le magistrat instructeur suit les réquisitions, suscitant l'incompréhension des proches de la victime.
"On lui sort le tapis rouge à Nordahl Lelandais. Ce n'est plus à lui de prouver qu'il n'y avait pas de préméditation (...) Ca va être à nous de nous battre pour prouver que le dossier aille dans ce sens", s'était indignée la mère de la victime, Cécile Maltet, lors d'une conférence de presse à Bourges. "Quand on voit sur les vidéos de la ville un prédateur en chasse d'une victime. Quand on le voit tourner à pied, tourner en voiture, si ce n'est pas de la préméditation, où est-elle ?", questionnait son père.
C'est dans ce contexte que va s'ouvrir le procès de Nordahl Lelandais devant les assises de la Savoie. Le trentenaire est aujourd'hui mis en examen pour des agressions sexuelles commises sur deux petites cousines, âgées de quatre et six ans au moment des faits, et toujours mis en cause dans l'affaire Maëlys. La cellule Ariane a également été créée au sein de la gendarmerie pour étudier des disparitions non résolues qui pourraient être liées à Lelandais. Plus de 900 dossiers ont été étudiés et une quarantaine d'affaires rouvertes pour déterminer si le trentenaire a pu croiser le chemin des victimes.
Ce premier procès s'annonce donc très suivi, avec une quarantaine de médias accrédités. Il représentera aussi une nouvelle étape dans le deuil de la famille Noyer. Le verdict n'est pas attendu avant le 12 mai.