Lundi 24 juillet, un violent orage de grêle a pilonné la zone de Chapareillan, en Savoie. Certains viticulteurs ont perdu la quasi-totalité de leur récolte à venir. Les dégâts sont considérables et devraient avoir des conséquences jusqu'en 2024.
Des feuilles déchiquetées, des raisins écrasés, des grappes au sol, arrachées à leurs sarments sous les coups de boutoirs des boules de glace tombées du ciel. Dans les vignes de la famille Cartier, à Chapareillan, les stigmates de l'orage de grêle sont partout. Venu du Granier, il a ravagé des dizaines d'hectares en direction de la Combe de Savoie.
"Cette parcelle était au cœur du nuage", raconte Laurent Cartier. La météo et ses aléas font partie de son métier. Mais l'orage de lundi, avec "des impacts de grêle de cette taille, gros comme des balles de golf, je n'en ai jamais vu de ma vie", dit-il. "Des grêlons oui, mais pas des cailloux comme ça".
Dans les dix hectares de vigne, c'est l'hécatombe. Les pieds de vignes tiennent encore debout mais les rameaux, les sarments et les grappes de raisins ont été battus par la grêle.
Les viticulteurs expriment leur "dégoût de la vie"
Laurent est découragé après deux mois difficiles. "On s'est battu, déjà, contre le climat de mai et juin avec cette météo qui était très pluvieuse, qui nous a créé beaucoup de maladies et de contraintes. On s'est épuisé au travail pendant deux mois et aujourd'hui, c'est anéanti", commente-t-il.
"Quand on voit cette catastrophe, limite, on a envie de pleurer", poursuit-il. Ses mots sont forts. A la hauteur de la sidération.
"C'est un dégoût de la vie. La conjoncture est déjà difficile, avec le commerce, les deux ans de Covid qu'on a passés. On a déjà du mal à joindre les deux bouts et là, on sait qu'on va partir avec une demi-récolte, donc ça veut dire un demi-salaire. Ca va être compliqué pour investir, pour continuer", regrette le vigneron.
Dans une parcelle voisine, Stéphanie Brun-Prince exprime elle aussi son "dégoût". Avec son fils, elle vient de reprendre l'exploitation familiale, après le départ en retraite de sa mère.
"On a les trois-quarts de l'exploitation qui ont été touchés. On est impuissants. C'est fait et on ne peut plus rien y faire. Les raisins ont noirci", constate-t-elle dans la désolation.
"Beaucoup de travail et d'investissements anéantis en 30 secondes"
"Ça fait peur. On est dans l'année de reprise, avec mon fils. Comment on va s'en sortir ? On a perdu une année de travail, on a perdu notre récolte, donc notre vente, notre commercialisation. Et puis, la taille, l'année prochaine va être très compliquée aussi. C'est beaucoup de travail et beaucoup d'investissements cette année qui ont été anéantis en trente secondes", dit-elle, sous le choc.
Reste à espérer de la chaleur et du vent, d'ici aux vendanges à la mi-septembre, pour sauver ce qui peut l'être. "On ne sait pas comment ça peut évoluer. Cela peut brûler au soleil, partir en pourriture, etc. Une parcelle comme celle-là, si on ramasse 10 à 15 % du quota, ce sera bien. Tant que ce n'est pas dans le pressoir, on n'a aucune idée de l'impact réel", explique Laurent Cartier.
Soleil et vent comme remèdes ?
"On espère qu'il y aura du soleil et du vent pour sécher la vigne, que la vigne refasse des feuilles. Si on n'a pas de chlorophylle, on n'aura pas de sucre et pas de maturité sur les raisins. On verra vraiment au moment de la récolte", complète-t-il.
Laurent Cartier en appelle à la solidarité entre viticulteurs, mais aussi au niveau de la commune, pour que l'état de catastrophe naturelle soit déclaré. La mairie de Chapareillan a indiqué, ce mardi, que "malheureusement, les dégâts provoqués par les vents violents et la grêle (n'entraient) pas dans le champ de cette garantie catastrophe naturelle". Ils sont du ressort des assureurs dans le cadre de contrats "tempête, neige et grêle".
Des conséquences jusqu'en 2024
Les conséquences de l'orage risquent de se faire sentir jusqu'à l'année prochaine, car les jeunes rameaux, censés porter les grappes à l'été 2024, ont été fragilisés.
"On a tous les bois qui ont été abîmés donc pour la taille, l'année prochaine, on risque d'avoir une perte. Ce bois, quand on va le plier, qu'il aura séché, il risque de casser à chaque impact, et des bourgeons qui ne ressortiront pas", indique Laurent Cartier.
Ce mardi, les viticulteurs savoyards se sentent impuissants devant l'étendue des dégâts. Mais pour eux, pas question de jeter l'éponge.
"On s'y attendait, avec la chaleur qu'il faisait, ça nous pendait au nez. Mais on ne va pas baisser les bras. Si on baisse les bras, c'est la fin des petites exploitations. On est fiers de faire ce que l'on fait, donc on espère se relever", assure Stéphanie Brun-Prince.
Laurent Cartier tient le même discours. Pas question de se laisser abattre. "C'est un patrimoine qu'on a de père en fils depuis quatre générations. On est nés dans les vignes. On aime nos terres, notre région, on aime notre travail. On ne peut pas abandonner comme ça. C'est notre vie".