3e jour du procès Adoma : suivez les temps forts de l'audience

Jeudi 5 décembre 2013, la 3e journée d'audience a été consacrée à l'examen des faits de la nuit du 14 novembre 2010, au cours de laquelle l'incendie criminel du foyer a provoqué la mort de 7 résidents. Les accusés se sont déclarés responsables, mais ils ont continué à se renvoyer la faute..

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9h : l'audience débute avec la déposition d'une voisine témoin des faits


Cette enseignante vit à 50 mètres du foyer Adoma. Cette nuit-là, elle rentrait chez elle en voiture à 1h15 quand elle aperçoit deux jeunes adultes d'une vingtaine d'années, de type européen, qui pénétraient ensemble sur le parking du foyer Adoma. Quinze minutes plus tard au moment de se coucher, elle a vu des flammes importantes qui atteignaient déjà le premier étage de l'immeuble. Ce témoignage s'est révélé capital pour la suite de l'enquête.



9H20 : témoignage d'un jeune homme hospitalisé au centre psychiatrique de la Chartreuse


Après le drame, ce témoin est hospitalisé car il est bouleversé. Il avait un ami qui vivait dans le foyer. Ils rentraient tous deux au foyer quand l'incendie faisait rage. Il a entendu le bruit de la défenestration d'une des sept victimes, des femmes qui fuient avec des enfants en bas âge dans les bras. Le hasard a fait qu'il est hospitalisé le dimanche dans la même chambre que Rémi Kukulinski. Il m'a raconté ce qui s'est passé, qu'il a appelé les pompiers, qu'il a essayé d'évacuer des résidents. Il ne m' a pas dit qu'il avait allumé le feu. 

Quand je lui ai demandé s'il avait vu qui avait fait ça, il m'a répondu que s'il avait vu la personne, il l'aurait tuée.

9h45 : le témoignage de l'amie d'enfance de Rémi Kukulinski



Cette jeune femme a vécu aux côtés de Rémi Kukulinski pendant 4 ou 5 ans dans un Institut Médico-Educatif à Aisey-sur-Thil quand ils étaient enfants. C'était son ami. "Je sais par les autres qu'il faut se méfier de lui, qu'il est méchant, que sa famille. Mais je lui faisais confiance. C'est notre caractère qui nous a rapprochés. Nous sommes têtus", précise la jeune femme. Rémi Kukulinski sourit en écoutant les souvenirs d'enfance égrenés par son amie.



"Je l'ai toujours connu gentil, serviable, à l'écoute. Il avait des excès de caractère mais rien d'important", se rappelle le témoin








Pendant plusieurs années, les deux amis se perdent de vue. Elle renoue avec Rémi Kukulinski en octobre 2010 alors qu'elle vient de commencer le lycée à Semur-en-Auxois. "Il avait changé, il avait un regard noir. Il m'a dit qu'il sortait de prison."  Le samedi, ils passent une grande partie de la journée ensemble en ville à Dijon. "Ce jour-là, il était bien, on délirait bien ensemble. Il n'y avait rien à dire sur son comportement. Je me rappelle l'avoir laissé au parc Darcy avec sa copine en lui disant de ne pas faire de bêtise. C'est ce que je dis en quittant les gens que j'aime bien. (...) Quand j'ai appris les faits, j'ai été déçue et en colère. Il a tout gâché". Sur le banc des accusés, Rémi Kukulinski pleure.

10h45: témoignage de la petite amie de l'époque de Rémi Kukulinski



Rémi Kukulinski a rencontré Delphine, début novembre 2010, sur un site de tchat pour adolescents sur internet. Saoul, il lui confie qu'il a eu maille à partir avec la justice pour avoir donner un coup de couteau, pour avoir jeté des oeufs sur des policiers et d'un dépôt de plainte contre lui pour viol. Cette jeune fille de 16 ans au moment des faits commence à prendre peur. Mais elle accepte de passer tout le samedi avec l'accusé, et ce jusqu'à 22 heures. Ils ont ensuite continué à communiquer par ordinateur interposé, téléphone et SMS durant une grande partie de la nuit.


Des textos ont été envoyés jusqu'à quelques secondes avant le début de l'incendie. La jeune femme déclare ne pas se souvenir de la teneur de cet échange.




Le président de la cour l'interroge: que vous êtes-vous dit à cet instant? Comment était Rémi Kukulinski? En colère? Énervé? "Je ne sais plus. J'ai l'habitude d'effacer mes SMS", balbutie le témoin qui suit un traitement pouvant occasionner des difficultés de mémoire. 

Elle retrouve Rémi Kukulinski le lendemain au Palais des Sports où tous les sinistrés sont hébergés. Une femme propose à l'accusé d'aller à la Chartreuse. Delphine l'accompagne en taxi. Elle ne le reverra plus.

11h15 : les accusés sont interrogés sur leurs antécédents judiciaires autres que des feux de poubelle


Rémi Kukulinski est interrogé sur le coup de couteau qu'il a asséné en août 2009 au Lac-de-Pont à un jeune homme qui l'avait agressé un mois avant avec d'autres. Il a pris 8 mois avec sursis.

Par ailleurs, il s'était confié à Delphine, sa petite amie, d'un viol qu'il aurait subi par un homme. Rémi Kukulinski confirme: "je lui ai demandé une cigarette. Je lui ai expliqué que je ne savais pas où dormir cette nuit-là. Il m'a invité, il m'a bourré et m'a violé. J'en ai parlé à personne, seulement à Delphine."

Nicolas Dos Reis revient sur un tabassage auquel il a participé en septembre 2010 à Dijon. Il était ivre. Avec un ami et d'autres, il s'est rendu au domicile de quelqu'un qui devait de l'argent à une personne qu'il ne connaissait pas. La porte a été enfoncée, l'homme roué de coups. Il affirme n'avoir porté aucun coup. Mais il a été condamné à 6 mois de prison avec sursis.

Les deux accusés ont également été condamnés pour outrage et violence sur policiers en marge d'une manifestation contre la réforme des retraites en octobre 2010 peu de temps avant les faits.

 

14h15: l'audience reprend avec le récit des enquêteurs qui ont mené les interrogatoires en garde-à-vue


La fonctionnaire de police, qui a conduit la garde-à-vue de Nicolas Dos Reis, explique que ce dernier a spontanément accusé son cousin des faits. Ses déclarations ont varié en fonction des dires de Rémi Kukulinski et du témoignage de la voisine. Mais il a toujours maintenu que ce n'était pas lui qui avait allumé le feu, qu'il est resté à l'avant du foyer quand Rémi Kukulinski est allé à l'arrière du bâtiment. Il n'était pas au courant du dessein de son cousin.

 

"Pour lui, il n'était responsable de rien. Ni dans cette affaire. Ni dans les précédentes à Précy-sous-Thil et à Semur-en-Auxois, résume l'enquêtrice.




Nicolas Dos Reis a évoqué la défenestration d'une des victimes, sans réaction particulière : "j'ai vu un homme tombant du vide. Il s'est explosé sur la barrière." Il paraissait calme, normal en disant cela. Mais l'officier de police se garde d'interpréter cette attitude.

A la question de savoir pourquoi son cousin l'incrimine, Nicolas Dos Reis rétorque que Rémi Kukulinski a une dent contre lui sans en donner la raison. 

"Il sait qu'il va plonger. Il veut que je plonge avec lui", a déclaré en garde-à-vue Nicolas Dos Reis à propos de son cousin.




L'enquêteur, qui a auditionné Rémi Kukulinski en garde-à-vue l'a trouvé abattu, terrorisé au souvenir de l'homme qui s'est jeté de sa fenêtre. "Il était vraiment mal. Il semblait traumatisé à l'idée de ne pas avoir pu aider les résidents à évacuer. Cette émotion n'était pas feinte. Elle était crédible", explique l'officier de police.


14h45 : Le deuxième enquêteur à la barre



Rémi Kukulinski semblait traumatisé. "Une émotion crédible", selon l'enquêteur



Les déclarations de Rémi Kukulinski ont également varié au cours des 48 heures de garde-à-vue. Une constante, il incrimine Nicolas Dos Reis d'avoir incendié la poubelle après en avoir déjà brûlé 4 ou 5 à proximité dans le quartier quelques minutes auparavant. Quant à lui, il n'y prêtait pas attention car il envoyait des SMS à sa copine, Delphine. 

Lors d'un deuxième interrogatoire le lendemain matin, Rémi Kukulinski affirme que son cousin a brûlé un Coran sur le rebord de sa fenêtre avant qu'ils quittent tous deux la chambre. Nicolas Dos Reis aurait alors dit qu'il allait "cramer ces Arabes". Ce qu'a toujours démenti l'intéressé.

Au cours de la confrontation en fin de garde-à-vue, Rémi Kukulinski s'énerve et finit par dire que c'est lui. Plus qu'un réel aveu, les enquêteurs ont mis cela sur le compte de la fatigue, de la saturation.

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17h : les accusés exposent les faits de la nuit


Le président de la cour rappelle que les versions des faits n'ont cessé changé de la part des deux accusés non seulement en garde-à-vue mais aussi au cours des nombreuses présentations au juge d'instruction. Philippe Theurey explique que Nicolas Dos Reis a fait évoluer ses déclarations avant et après la reconstitution.

A la toute fin de l'instruction, Nicolas Dos Reis a reconnu être allé, lui aussi, à l'arrière du bâtiment, près du local et avoir mis le feu à une poubelle en même temps que son cousin. Sauf que la sienne n'a pas pris.

"Je voulais le dire avant mais je n'avais pas le courage. J'avais peur qu'on me prenne pour le seul responsable. C'était la dernière fois que je voyais le juge. Je me suis dit :on va quand même avouer. Pour les victimes! (...) On ne pensait pas que cela prendre cette ampleur. Quand on la fait, c'était juste comme ça. Pas pour donner la mort ou faire des blessés", se justifie Nicolas Dos Reis.






A son tour interrogé, Rémi Kukulinski dément cette version des faits. Selon lui, c'est son cousin l'unique responsable. " C'est Nicolas qui a décidé d'aller foutre le feu et moi, machinalement, je lui ai dit oui. (...) C'était juste histoire de faire les cons.(...) C'est lui qui a mis le feu. Moi, je m'en foutais." 
 

"Je sais que j'ai une part de responsabilité car je n'ai pas empêché de le faire. Je n'ai pas pensé que cela pouvait prendre une telle ampleur", admet Rémi Kukulinski.







 


Pendant toute la déposition de son cousin, Nicolas Dos Reis est parcouru de tressaillements de nervosité. Il enfonce le clou : "il n'y en a pas un qui a allumé le feu et l'autre qui a regardé. On a agi ensemble. On est tous les deux responsables."

17h30 : les deux accusés expriment des regrets


Rémi Kukulinski s'excuse le premier : "J'ai beaucoup de regrets. J'ai toujours cette image de la personne qui a sauté et s'est écrasé, les brancards avec les corps dessus recouverts par un drap, les gens coincés dans l'ascenseur qui tapaient et criaient. Tout ça me choque encore aujourd'hui. "

Nicolas Dos Reis renchérit : "J'ai du mal à montrer mes sentiments. Mais je peux vous garantir que je pense aux victimes tous les jours. Je suis désolé. (...) Dans ma cellule, je pleure. Je suis dégoûté. Je ne suis pas là pour me défendre mais pour les victimes, pour leur apporter un maximum de réponses. Si je ne prends pas de médicaments, c'est pour ne pas les oublier."

18h: les avocats et l'avocat général reviennent sur les diverses versions de Nicolas Dos Reis

 



"Il vous a fallu deux ans pour dire un soupçon de vérité. Pendant deux ans, vous avez dit que vous n'aviez rien fait, que vous n'aviez pas de briquet", tonne Pascal Labonne-Colin, l'avocat général. "Pourquoi devrions-nous plus vous croire aujourd'hui?", renchérit Me Baldini, avocate des parties civiles.

Me Alexis Janier, l'avocat de Nicolas Dos Reis, explique que "son client s'est enfermé dans une logique un peu enfantine qui consistait à se dire que si ce n'est pas sa poubelle qui a brûlé, il ne peut être considéré comme responsable. Aujourd'hui, il a pleinement conscience que cela ne change rien. Peu importe quelle poubelle est à l'origine du drame. A partir du moment où il était là, qu'il a essayé d'allumer, il est tout autant pénalement responsable."

 À LIRE AUSSI : Incendie du foyer Adoma : Rémi Kukulinski a été condamné à 14 ans de prison en appel

L'audience est suspendue à 18h30. Elle reprendra lundi à 9h.







Reportage de Pauline Ringenbach, Jean-François Guilmard et Thierry Doudoux avec :

  • Maître Séverine Beuchet, avocate de Rémi Kukulinski
  • Maître Jean-Philippe Morel, avocat des parties civiles

Le point sur les trois premiers jours du procès 



Reportage de Pauline Ringenbach et Jean-François Guilmard avec :

  • Me Delphine Baldini, avocate de la partie civile
  • Me Samuel Estève, avocat de Rémi Kukulinski
  • Me Olivia Colomes, avocate de Nicolas Dos Reis

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