Interdire un spectacle, comme le prône le gouvernement dans le cas de l'humoriste Dieudonné, s'avère juridiquement très complexe. Et si la tournée de Dieudonné passait malgré tout à Mâcon en avril prochain ?
1-Quelle est la jurisprudence sur l'interdiction de réunions ?
Le texte fondateur est une décision rendue le 19 mai 1933 par le Conseil d'Etat, "l'arrêt Benjamin", que cite la circulaire envoyée lundi 6 janvier 2014 aux préfets par Manuel Valls.Le maire de Nevers avait interdit une conférence que devait donner René Benjamin, écrivain, journaliste et polémiste, contre lequel s'élevaient notamment les syndicats d'instituteurs. Mais, la plus haute juridiction administrative de France avait estimé que les risques de troubles à l'ordre public allégués par le maire ne justifiaient pas d'aller contre la liberté de réunion, garantie par les lois du 30 juin 1881 et du 28 mars 1907.
En clair, "est-ce que l'interdiction se justifie, c'est-à-dire est-ce que les autorités n'avaient pas d'autre moyen pour prévenir le trouble à l'ordre public ? Si on déploie des moyens de police suffisants, logiquement, le spectacle doit pouvoir se dérouler", dit Pascal Jan, professeur de droit public à Sciences Po Bordeaux. En la matière, le trouble pourrait venir de la présence éventuelle de contre-manifestants.
2-L'atteinte à la dignité humaine offre-t-elle une nouvelle voie pour interdire les spectacles de Dieudonné ?
La circulaire de M. Valls cite un autre arrêt célèbre du Conseil d'Etat, du 27 octobre 1995, autorisant le maire de Morsang-sur-Orge a interdire des spectacles de "lancer de nains", en invoquant une "atteinte au respect de la dignité de la personne humaine"."Il faut être en mesure de dire qu'on est quasiment certain qu'il va porter atteinte à la dignité humaine", estime-t-on au ministère de l'Intérieur. "On n'est pas sur un dérapage ponctuel. Il le fait tout le temps, c'est le coeur de son discours, c'est facile à établir devant le juge : on sait ce qu'il va dire". Pour M. Jan, cette base "semble extrêmement fragile". "Ce n'est pas parce qu'on dit quelque chose dans un spectacle au jour J qu'on va le dire à J+1. On est dans la supposition, donc on est dans du droit un peu mou, un peu faible."