Les greffiers en ont assez d’être déconsidérés. Leurs syndicats appelaient à la grève mardi 29 avril 2014 pour réclamer la revalorisation de leur statut et de leur rémunération. Des Bourguignons ont participé à la manifestation organisée à Paris, d'autres se sont rassemblés à Dijon.
En quoi cette grève est-elle exceptionnelle ?
Les greffiers exercent une profession de l'ombre qui est essentielle au fonctionnement du système judiciaire. Ils accueillent le public, enregistrent les demandes des plaignants, informent les différentes "parties" des dates d'audience, retranscrivent officiellement les débats, rédigent les arrêts du tribunal, etc.Le mouvement de grogne est parti d'Agen depuis près d'un mois déjà. Jusqu’ici, il se limitait à des rassemblements sur les marches de dizaines de palais de justice en France, mais les greffiers continuaient à assurer leur travail. En Bourgogne, de nombreuses actions ont déjà eu lieu, notamment à Dijon et Mâcon.
Mardi, un palier a été franchi avec la première grève d'ampleur nationale depuis près de 14 ans, à l'appel des quatre principaux syndicats de la profession (Unsa-Services judiciaires, CGT Chancellerie et services judiciaires, SDGF-FO et CFDT-Interco justice).
Pourquoi les greffiers sont-ils en colère ?
C'est le grand chantier dit de la "Justice du XXIe siècle", en gestation, qui a mis le feu aux poudres et déclenché cette grogne venue de la base. Parmi les pistes évoquées pour cette réforme figure la création d'un greffier aux missions élargies. Il pourrait notamment prononcer un divorce par consentement mutuel, une compétence qui relève aujourd'hui du seul juge. "Beaucoup de greffiers sont intéressés par le greffier juridictionnel, mais c'est beaucoup ce qu'on fait déjà au quotidien. Depuis longtemps, les magistrats se reposent sur leurs greffiers", affirme Camille, greffière au tribunal de grande instance de Paris."Depuis plusieurs années, ça a toujours été les magistrats qui ont été revalorisés", s'indigne Christian. Le décalage passe d'autant plus mal que les magistrats ne sont pas toujours tendres avec les greffiers. "Avec certains, cela se passe très bien, mais d'autres nous considèrent comme des domestiques", observe-t-il.
Que réclament les greffiers ?
Les greffiers estiment qu’il est temps que leur travail soit reconnu par le biais, notamment, d'une revalorisation de la grille des salaires. Celle-ci n'a quasiment pas bougé depuis 2003. Aujourd'hui, un greffier du premier niveau en fin de carrière plafonne à 2.315 euros bruts par mois.Un niveau de rémunération qu'ils rapportent à celui de leurs études : bac+2 est nécessaire pour le concours de l'Ecole nationale des greffes, mais "tous les collègues que je connais ont des bacs+4 ou +5", assure Christian, du TGI de Paris.
"Chez nous, c'est comme partout, il y a des fainéants, mais il y a aussi beaucoup de gens très investis, qui ne comptent pas leurs heures. Quand une audience se termine à minuit, on est là. Quand quelqu'un doit être déféré à une heure tardive, on est là", explique un jeune greffier.
Combien de greffiers ont manifesté ?
Les deux principaux syndicats de la magistrature soutiennent le mouvement. A Paris, quelques magistrats se sont joints au cortège qui est parti de la place du Châtelet pour arriver à proximité du ministère de la Justice. Les greffiers, eux, étaient là en nombre et pour beaucoup en robe. De Paris, d'Ile-de-France, mais aussi de province, d'où sont arrivés plusieurs autocars. Près de deux mille personnes ont manifesté. "Il y a un mécontentement qui gronde depuis plusieurs années. Les jeunes sont d'ailleurs beaucoup plus virulents que nous, les vieux", a expliqué André Toutain, greffier à Nevers et représentant syndical Unsa.Des rassemblements ont aussi eu lieu en régions. A Dijon, le taux de grévistes atteignait 42%, selon Jean-Jacques Bosc, procureur général de la cour d'appel. Si une trentaine de Dijonnais se sont rendus à Paris en car, ceux qui ne peuvaient se rendre à la capitale ont participé à un rassemblement à 13h devant la cité judiciaire. "Il y a un manque de reconnaissance. Nous sommes des praticiens et on a tendance à l'oublier", a regretté Dominique Prêtre, greffier au conseil de prud'hommes à Dijon, qui dit ne pas avoir été augmenté depuis sept ans.
Dijon abrite l’ENG (l'Ecole nationale des greffes) qui a été créée en 1974. L’établissement forme cette année, sur 18 mois, 1 241 stagiaires greffiers et greffiers en chef.