Une enquête de l'UFC-Que choisir révèle les pratiques "inquiétantes" des opticiens et dénonce leurs "liaisons dangereuses" avec les complémentaires santé. La Bourgogne fait partie des régions qui « trichent » le moins.
Les lunettes vendues en France figurent parmi les plus chères d'Europe, avec un coût moyen de 470 euros. L’association de consommateurs UFC-Que choisir a enquêté sur ce phénomène du 9 au 23 novembre 2013, dans 1 188 points de 83 départements.
Comment la fraude a-t-elle été détectée ?
Des clients mystère (les enquêteurs des associations locales) devaient sélectionner une monture plus coûteuse que le maximum remboursable par leur mutuelle, en informer le vendeur, et observer sa réaction.Dans 28% des cas, la première solution proposée par les opticiens était de s'orienter vers des montures moins chères. Mais, dans près d’un cas sur cinq (17,9 %), alors que l’on était qu’au stade des renseignements, l’opticien a spontanément proposé à l’enquêteur de falsifier la facture envoyée à la complémentaire santé, pour augmenter le remboursement perçu.
L'enquête montre d’importantes différences entre les régions : cela va de 5 % de propositions d'arrangement en Bourgogne à 35 % dans le Languedoc-Roussillon.
Quelles sont les conséquences de cette fraude ?
Cette "fraude à la complémentaire santé" consiste à modifier la facture en majorant artificiellement le prix des verres (pour parvenir au maximum de 390 euros) et en réduisant celui de la monture, à 90 euros. Le coût de cette fraude est évalué par l'UFC Que Choisir à 142 millions d'euros par an pour le consommateur."Il y a une double responsabilité des opticiens et des complémentaires, et les deux s'alimentent", a déclaré Alain Bazot, président de l'UFC-Que choisir, lors d'une conférence de presse mardi 20 mai 2014.
Ces pratiques entraînent un surcroît de prestations de la part des complémentaires santé et donc une augmentation des cotisations versées par l'assuré (+38% entre 2006 et 2013).
Comment en est-on arrivé là ?
Les complémentaires santé ont pris une part grandissante dans le remboursement des frais d'optique (de 56,8% en 2006 à 71,5% en 2012)alors que celle de la Sécurité sociale est devenue marginale. Ces organismes ont "proposé des garanties toujours plus élevées" et "contribué à déséquilibrer le marché de l'optique" en "solvabilisant la demande parfois au-delà du raisonnable", selon l'association.En parallèle, le nombre de boutiques a augmenté de 47% entre 2000 et 2012 quand les besoins progressaient de seulement 13%. Conséquence, "les magasins vendent moins et la seule solution est de vendre très cher", explique Mathieu Escot, responsable adjoint des études.
Comment remédier au problème ?
Pour tenter de remédier au problème, le gouvernement prépare un décret visant à plafonner les remboursements par les complémentaires, qui seraient limités à 450 euros (verres simples et monture) tous les deux ans, à partir de 2015.Mais pour l'UFC-Que choisir, cette option n'est pas suffisante : "une fois les prix montés très haut, il est illusoire de croire que cela les fera baisser", estime Mathieu Escot. L'association plaide pour les réseaux de soins, qui permettent au consommateur de bénéficier de prix plus bas chez les opticiens conventionnés par sa complémentaire.