Les attaques de Joué-lès-Tours, Dijon et Nantes sont "trois histoires différentes", sans véritable lien entre elles, estime Jean-Pierre Bouchard, psychologue et criminologue. Peut-on pour autant écarter tout risque de répétition de ces actes ?

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eut-on rapprocher ces trois affaires ?

Il faut être très prudent et attendre les résultats de l'enquête pour se prononcer. Mais il y a, à mon avis, trois profils différents qui se dégagent, trois mobiles différents et trois histoires différentes, même si on peut trouver quelques points communs : le rôle joué par un embryon d'idéologie religieuse dans l'attaque commise dans un commissariat de Joué-lès-Tours et dans une moindre mesure, dans celle survenue à Dijon, et un mode opératoire similaire (un automobiliste qui fonce sur la foule, NDLR) à Dijon et Nantes.




Mais, malgré un mode opératoire identique, les auteurs des attaques de Dijon et de Nantes n'ont pas agi pour les mêmes raisons.
Le premier à Dijon a fait 157 passages en hôpital psychiatrique, ce qui est exceptionnel. Il a pu vouloir, de façon archaïque et psychotique, avec une intention d'ordre religieux mal digérée, s'en prendre aux passants qui représentent des personnes désignées comme mécréantes, à la suite des appels au jihad. Ces appels peuvent avoir un rôle désinhibiteur et une extrême minorité de gens peuvent passer à l'acte. C'est très dangereux parce que cela peut avoir lieu n'importe où.

Le deuxième à Nantes a, en revanche, pu vouloir se suicider dans un baroud d'honneur, en fonçant dans la foule, c'est-à-dire la société heureuse et équilibrée, mais lui seul pourra l'expliquer aux enquêteurs.



Est-ce que la période des fêtes, et plus spécialement de Noël, peut favoriser le passage à l'acte ?

On sait très bien que Noël est un moment où les gens qui ont des problèmes, qui sont plutôt seuls, qui ont des conflits relationnels ou sont déprimés, peuvent voir leurs troubles s'aggraver parce qu'ils se sentent en opposition avec les gens qui passent Noël de façon joyeuse. On sait qu'il y a plus de suicides au cours de cette période.

On peut imaginer que l'auteur de l'attaque de Nantes a choisi délibérément le marché de Noël, c'est-à-dire le regroupement de gens heureux alors qu'il était en détresse, en difficulté.

D'après une récente enquête, le nombre de gens qui vivent mal les fêtes de fin d'année est nettement plus important que ceux qui le vivent bien, contrairement aux clichés. Pour les gens qui sont déjà dans la détresse ou ont des problèmes, cela peut aggraver leur état.




Est-ce qu'on peut craindre d'autres actes de ce type ?

Le risque zéro n'existe pas. Il y a plus de 10 000 suicides et plus de 1 000 homicides par an en France. S'il y avait eu trois passages à l'acte purement idéologiques comme le premier cas (Joué-lès-Tours), le risque de contamination aurait été plus fort. Mais dans les deux derniers cas, où les auteurs ont agi pour des raisons pathologiques ou personnelles, le risque est moins fort.

Ce sont des choses qui peuvent difficilement être évitées


Il ne faut pas tomber dans l'angélisme et dire n'ayez pas peur, rien ne va arriver. Il ne faut pas non plus affoler les gens. Il faut que les pouvoirs publics soient vigilants, car ce sont des choses qui peuvent difficilement être évitées.

La parade, c'est que les gens qui connaissent les personnes à risques, la famille, les proches, le personnel sanitaire amené à les côtoyer, soient en mesure d'évaluer les risques et les signalent aux autorités.

Les mesures existent, la France n'est pas un pays dépourvu de moyens, mais pour les mettre en oeuvre, il faut détecter les gens et cela passe par une prévention de proximité.
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