Une cellule psychologique doit être mise en place par la Préfecture du Jura pour accompagner les salariés de la fonderie MBF Aluminium à Saint-Claude (Jura) dont l'avenir a été scellé par le tribunal de commerce. Près de 300 personnes vont perdre leurs emplois.
Des mois de lutte, d’actions, de combat, d’espoir, de peur. Et un terrible coup de massue pour les 270 salariés de la fonderie MBF plus les intérimaires. Mardi 22 juin, le tribunal de commerce de Dijon a prononcé la liquidation judiciaire de l’entreprise qui était en redressement judiciaire depuis novembre 2020. Les larmes, l’incrédulité, la douleur, la colère. A la sortie du tribunal, la souffrance des MBF se lisait sur les visages. Une voiture de la société était renversée, puis brûlée. Les mots “assassins” tagués dessus le véhicule visant clairement l’Etat et les constructeurs automobiles qui, selon les syndicats, ont laissé tomber la fonderie, délocalisant la production de pièces automobiles en aluminium vers l’Espagne notamment.
"C'est l'Etat qui nous a condamné" : la colère et la rage des salariés de la fonderie MBF, 282 emplois, placée en liquidation judiciaire #jura #dijon #automobile Lire note article ► https://t.co/IN3Fa9Mhz4 pic.twitter.com/jT6BgfGp8U
— France 3 Franche-Comté (@F3FrancheComte) June 22, 2021
“Cette cellule psychologique sera nécessaire”
Deux jours après la condamnation du tribunal, la colère est toujours là. “On est écoeurés, décapités, on ne s’attendait pas à cela” explique Saverio Vadala, délégué CFDT. Lui, comme les autres syndicats doivent rencontrer les services de l’Etat pour en savoir plus sur cet accompagnement proposé aux salariés qui le souhaiteront.
Le dispositif d’écoute, de soutien et d’accompagnement psychologique sera assuré par des professionnels à l'écoute, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.
“Cet accompagnement psychologique sera nécessaire, on a des gens plus fragiles que d’autres, qui ont des problèmes personnels, des gens qui auront des difficultés à retrouver du travail. Parmi les salariés, il y a des femmes isolées, avec des enfants. Ce sont les plus fragiles, pour se déplacer, pour retrouver du travail, ce sera difficile” confie le syndicaliste.
L’administrateur judiciaire a sur le papier trois semaines pour liquider l’entreprise. A ce terme, les salariés n’auront plus de salaires. "Le plus dur, c'était d'encaisser le coup mardi. Maintenant, le moment le plus dur, va être l'arrivée des lettres de licenciement quand les gens vont réaliser qu'ils n'ont plus de travail" s'inquiète Nail Yalcin, élu CGT figure du mouvement.
Alors que le combat des MBF dure depuis des mois, le mot CHÔMAGE devient terriblement concret. Cette usine dans laquelle certains travaillaient depuis des décennies est vouée à la fermeture. Le bassin de Saint-Claude est déjà fragilisé économiquement, 280 chômeurs de plus, ce sont 1000 personnes impactées avec leurs familles. Des lendemains qu’il faut accepter et gérer psychologiquement. “Certains des salariés ne vont pas bien, et n’en sont pas conscients” complète Koray Sukran, délégué SUD. “La colère est encore là, elle n’est pas passée. On a le sang chaud, mais on essaie de garder la tête froide” résume-t-il. “Certains salariés ont bien pris conscience de la liquidation judiciaire, mais on cherche encore d’autres solutions pour être viables, on va prendre contact avec les clients, on ne ferme aucune porte, ni avec l’Etat, la Région, ni le projet de Scop, on est toujours dans le combat. On a perdu une bataille mais pas la guerre” estime le délégué SUD.
Un soutien mutuel des salariés qui ne suffit pas
A la fonderie, le combat des derniers mois a parfois divisé, crispé les hommes et les femmes. Certains acceptant le fait que tout est perdu, d’autres espérant encore. “Il y a des gens qui se donnent le courage pour se motiver, pour se rassurer entre nous, mais on n’est pas des psy, on ne peut pas maîtriser tout ça” avoue Koray Sukran pour qui la cellule psychologique est un besoin évident.
En complément du numéro vert, une cellule d’appui à la sécurisation professionnelle sera mise en place à compter du lundi 28 juin jusqu’à la fin du mois de juillet pour accompagner et conseiller les salariés dans la sécurisation de leur parcours (informations sur le contrat de sécurisation professionnelle, démarches administratives, projets de reclassement, ...).
Dès lundi 28 juin, les salariés pourront prendre rendez-vous avec une équipe de conseillers mis à leur disposition dans des locaux dédiés à Saint-Claude, détaille la Préfecture du Jura qui a mis en place un comité de pilotage.
Un fonds de 50 millions d'euros pour accompagner les salariés de MBF
Elisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion et Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie, ont assuré mercredi 23 juin que l'Etat resterait mobilisé aux côtés des salariés concernés et du territoire pour leur permettre de rebondir. Un fonds d’accompagnement et de reconversion des salariés de la filière automobile sera mobilisé. "Doté de 50 millions d’euros – 20 millions d’euros mobilisés par les constructeurs Renault et Stellantis et 30 millions d’euros par l’État –, ce fonds permettra d’accompagner les salariés de MBF, ainsi que tous les salariés des entreprises de la filière automobile sous-traitantes faisant l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire en France, ou les salariés des entreprises de moins de 1 000 salariés en procédure de sauvegarde" écrit le ministère. "Ces 50 millions on n'en veut pas, on voulait garder notre travail" confiait un jeune salarié de MBF après l'annonce du tribunal.