L’affaire Alexia Daval prend une nouvelle tournure sociétale et médiatique. Face à la montée au créneau de l’association Osez le féminisme 25 et 90, dénonçant “l’instrumentalisation de l’assassinat de la jeune femme”, l’avocat ne sera pas présent comme prévu à la librairie l’Intranquille ce vendredi 19 novembre.
L’affaire Alexia Daval. Sans fin. Alors que deux livres viennent de paraître, celui des parents d’Alexia, Isabelle et Jean-Pierre Fouillot (“Alexia, notre fille”), et celui de l’avocat de Jonathann Daval (“Je voulais qu’elle se taise”, co-écrit avec Frédéric Gilbert), le calendrier de la journée de lutte contre les violences faites aux femmes s’est invité dans l’affaire. Vendredi 19 novembre, Me Randall Schwerdorffer devait dédicacer son ouvrage. Un rendez-vous qui se télescope de quelques heures avec la manifestation prévue samedi à 14 heures à Besançon contre les violences faites aux femmes.
"Avoir une ouverture d’esprit sur des sujets difficiles, complexes, et le féminisme en est un"
La dédicace est annulée. “A titre personnel, je le regrette, mais on ne me fera pas plier le genou à terre bien au contraire” réagit l’avocat au micro de France 3 Franche-Comté. Il se dit farouchement attaché à la liberté d’expression, celle de débattre. “Je lirai le livre des parents d’Alexia, même si je sais qu’ils sont diamétralement opposés au livre que nous avons écrit avec Frédéric Gilbert. Ça procède de l’esprit qu’on doit avoir. Si on n’est pas capable d’avoir une ouverture d’esprit sur des sujets difficiles, complexes, et le féminisme en est un, le néo féminisme en est un autre, le fascisme en est un autre. J’accepte de débattre avec tout le monde, mais dans un cadre démocratique, pas hystérique, et certainement pas dans un cadre violent, surtout sur un livre qui traite de violences, c’est aberrant !”.
Pour l’avocat, Osez le féminisme du Doubs et Territoire de Belfort défend une noble cause, mais la défend mal en employant le terme d’assassinat qui n’est pas le qualificatif retenu par la cour d’assises. Pour l’homme de loi, cette volonté de censure est un aveu de faiblesse.
L’association se dit soulagée par l’annulation de cette dédicace, mais explique n’avoir pas voulu faire taire l’auteur, se plaçant sur le débat de fond. “Rejeter la faute sur la victime, ça ne fait pas avancer la reconnaissance de la société sur ces violences, et c’est usant d’avoir à se battre pour que les violences soient reconnues pour ce qu’elles sont” précise Claire Peuvrier, militante d’Osez le féminisme du Doubs.
“Ce livre est une insulte à toutes les victimes de féminicides”
L’association Osez le féminisme 25 et 90 avait réagi dès dimanche 14 novembre dans un communiqué faisant pression à quelques heures de la dédicace de l’avocat dans sa ville de Besançon.
“Nous ne pouvons pas tolérer l’instrumentalisation de l’assassinat d’Alexia Fouillot par l’avocat de son tueur, condamné l’année dernière à 25 ans de réclusion, ni la complicité de la librairie” estimait l’association pour qui la mort d’Alexia Fouillot est un féminicide.
“Alexia aurait été violente, hystérique, folle, poussant ainsi son mari au crime, la rendant responsable de sa propre mort ! Un corps roué de coups, étranglé, brûlé, abandonné dans un bois, vaudrait ainsi des prétendues violences verbales qui auraient été proférées ? À nouveau, la prétendue hystérie féminine viendrait excuser la violence de l’homme blessé dans son ego. Ce livre est une insulte à toutes les victimes de féminicides, à toutes les femmes victimes de violences conjugales ainsi qu’à leurs proches. L’avocat nie le caractère sexiste du meurtre d’Alexia et en nie la violence. Il va même jusqu’à en rendre responsable les propres parents d’Alexia, rengaine familière” décrit l’association.
“C’est une honte, la veille de la manifestation pour les femmes, c’est scandaleux” voici quelques-uns des commentaires qui ont été publiés sur la page facebook de la librairie, après l’annonce de cette séance de dédicace, amenant certainement la librairie à prendre la décision de fermer ses portes à l’auteur pour éviter toute polémique.
L’éditeur de l’avocat Jonathann Daval défend la libre expression d’un avocat
Dans un communiqué, l’éditeur Hugo Doc regrette cette annulation de dédicace sous la contrainte.
“Alors que cette rencontre aurait pu être un moment d’échanges constructifs, l’affaire Daval prouve encore une fois qu’elle déchaîne les passions quatre ans après les faits, quasiment un an jour pour jour après la condamnation de Jonathann Daval à 25 ans de réclusion pour meurtre, jugement accepté et jamais remis en cause ni par l’accusé ni par sa défense...Cet ouvrage a pour objet d’expliquer les circonstances d’un passage à l’acte abominable au sein d’un couple devenu toxique. En aucun cas de le justifier” rappelle l’éditeur.
Deux livres et une série télé en préparation
L’affaire Alexia doit faire également l’objet d’une série TV. Gaumont a acquis les droits du livre des parents d’Alexia Fouillot. Six épisodes de 52 minutes devraient voir le jour. La chaîne qui diffusera cette série n’est pas connue à ce jour. Un téléfilm était également envisagé par une grande chaîne française. Verra-t-il lui aussi le jour ?