Le SIA 2021 prévu en février à Paris n'aura pas lieu. Le salon est annulé en raison de l'épidémie de coronavirus covid-19. En Franche-Comté, les éleveurs et producteurs se disent déçus, le monde agricole n'avait pas besoin de cela.
La perte d'une immense vitrine pour l'agriculture
À la FDSEA de Haute-Saône, la nouvelle de l’annulation du SIA n’a pas vraiment surpris Emmanuel Aebischer, président départemental. "Un salon de l’agriculture ça ne s’annule pas 15 jours à l’avance, c’est des mois de préparation", dit-il. Après la foire agricole de la Sainte Catherine annulée en novembre prochain à Vesoul, les agriculteurs perdent une autre grande vitrine, la plus grande de France. 630.000 personnes en 2019, 483.000 personnes en 2020 ont franchi les portes de la grande foire agricole. "Le salon de l’agriculture, c’est un grand lieu de communication, et l’agriculture en a bien besoin par rapport à tout ce qu’on vit", ajoute l’agriculteur. "C’est le moment aussi où la France agricole se retrouve, on peut exposer nos problèmes, rencontrer les élus, mettre en valeur les régions. Cela se fera par un autre biais, mais ça n’aura pas le même impact", estime-t-il. Quant aux conséquences économiques, forcément, il y a en aura même si selon le patron de la FDSEA, il est difficile de les évaluer. "Les médailles sont une reconnaissance médiatique. Ça peut aussi avoir un impact sur le prix de ventes des bêtes lors d’enchères par exemple". Privés de SIA, les agriculteurs vont perdre aussi un temps fort de la profession. "La grande france agricole se retrouve là-bas, ça donne du baume au coeur, c’est un grand moment d’échanges et de décision, cette annulation, c’est quand même au final un coup à l’agriculture", conclut l’éleveur de Haute-Saône.
Alain Mathieu, président de l’interprofession du comté, n'est, lui non plus, pas très étonné : "On sentait cette annonce se rapprochait." "C’est l'un des plus grands salons. Les maisons d’affinage avaient déjà anticipé et choisi leurs meules à présenter. Les fromageries et les éleveurs s'organisaient. Au-delà des ventes qui ne feront pas, il y a aussi, et surtout, les échanges entre consommateurs et acteurs de la filière qui n'auront pas lieu. C'est une perte économique certes, mais c'est surtout une déception", regrette-t-il.
Une annulation jugée un peu prématurée par certains agriculteurs
Michel Delacroix, président de l’association de défense et de promotion des saucisses de Morteau et de Montbéliard, regrette cette annulation qu’il juge "un peu prématurée" : "C’est dommage qu’on en soit là. Peut-être qu’ils ont pris une décision trop hâtive. Je ne sous-estime pas l’épidémie, mais d’ici l’année prochaine, les choses ont le temps de changer." Comme ses homologues des autres appellations, Michel Delacroix est frustré : "Ça nous perturbe. Le salon, c’est un rendez-vous international de toute l’agriculture et de la ruralité. C’est l’occasion de faire de la promotion. En plus, on avait prévu de fêter les 10 ans de l’IGP saucisse de Morteau."
Pas de concours, pas de médailles, l'inquiétude tout de même chez les producteurs d'absinthe
Arnaud Bourgeois, propriétaire de la distillerie à Arçon (Doubs), est dans l’expectative : "On comprend, mais on est déçus. Je ne sais pas sous quelle forme le concours va, lui, être maintenu." En 2019, la distillerie Bourgeois décroche sa première médaille d’or au salon de l’agriculture de Paris. En mars dernier, double récompense avec l'or pour son absinthe "la Verte" et l'argent pour son absinthe "la Saugette". "La médaille sur la bouteille, ça fait quelque chose quand même. Les gens y font attention. Juste après le salon, on a plus de particuliers qui nous appellent. Chez les professionnels aussi, c’est un argument de vente. Quand on va démarcher un caviste, ça le met en confiance. Après les récompenses, on avait augmenté nos ventes et nos volumes", raconte Arnaud Bourgeois. L’annulation de l’édition 2021 et celle du concours des Absinthiades, très important pour les professionnels du secteur, génèrent donc une inquiétude pour ce patron : "On a passé un printemps très difficile sans rémunération. Cet été, ça avait redémarré. Si ça rechute, ça va être très dur."
Une quinzaine de chevaux comtois devaient monter à Paris
Dans le berceau du cheval comtois à Maîche, Gérard Maillot, membre du syndicat d’élevage des Comtois espère que la filière pourra à nouveau monter à Paris en 2022. Une quinzaine de chevaux devaient encore faire le voyage cette année au SIA. "C’est toujours un grand plaisir, une fierté de monter à Paris", explique Gérard Maillot. Les sélections étaient en partie faites. "Ceux qui ont des juments primées à Paris, les vendent plus cher", ajoute-t-il. Un sentiment que partage Emmanuel Perrin, le président de l’association nationale du cheval de trait comtois (ANCTC) : "Ce genre de salon, c’est important d’y être d’un point de vue commercial. Il peut y avoir d’énormes retombées." Emmanuel Perrin a aussi une pensée pour les éleveurs. Depuis l’annonce de l’annulation, les SMS de déception se multiplient : "Il y a des éleveurs qui ont l’opportunité d’aller à Paris qu’une seule fois dans leur vie. Participer au salon avec sa pouliche, c’est une consécration. Pour ces gens là, je suis triste." La déception dans les lycées agricoles
Cela fait neuf ans que le lycée agricole Granvelle à Dannemarie-Sur-Crête participe au salon de l’agriculture, par le biais du Trophée national des lycées agricoles (TNLA). Un concours qui met en compétition une trentaine de lycées agricoles français. Chaque année, les lycéens sont heureux d’y participer. "Ça représente une charge de travail importante. C’est six mois de travail en amont. Pour eux, ce salon c’est une vraie aventure humaine et c’est souvent quelque chose de très marquant. Il y a en général une grosse fierté de participer, de se mesurer à d’autres lycées", explique Laurence Maire du Poset, la directrice de l’exploitation agricole du lycée. Alors, son annulation est forcément synonyme de déception pour les jeunes agriculteurs. "Cette année, j’avais une équipe de filles super motivées, alors c’est vraiment une tristesse. Moi, je m’y attendais un peu, vu l’état sanitaire. Après, il vaut mieux être triste que malade", conclut Laurence Maire du Poset.
Un manque à gagner pour la promotion des produits régionaux
Pour la région Bourgogne-Franche-Comté, le salon de l’agriculture est un moyen de promouvoir les produits régionaux. L’annulation du salon provoque ainsi un certain manque à gagner. "Le salon de l’agriculture c’est une formidable vitrine pour la région. C’est à la fois une promotion des produits pour les vendre, mais aussi une promotion du territoire. C’est un manque à gagner pour les entreprises en terme d’image, commerciale, en terme de promotion", explique Sophie Fonquernie, vice-présidente de la région Bourgogne Franche-Comté, en charge de l’agriculture.La vice-présidente compatie avec les agriculteurs de la région : "J’ai une réaction que je partage avec le monde agricole, c’est-à-dire une deception parce que c’est un moment très fort de rencontre, de communication et de fête. C’est vrai que c’est une nouvelle un peu triste, mais on s’y attendait tous un peu, c’est un moment difficile à passer".