De nouvelles attaques du loup ont eu lieu dans la nuit du 9 au 10 septembre dans le secteur de Fougerolles. Face à l’émoi des agriculteurs et à la multiplicité des attaques du prédateur, des tirs simples vont avoir lieu.
Deux exploitations sont concernées sur le secteur de Fougerolles. Comme elle l’avait laissé entendre mardi 8 septembre lors de la réunion du comité loup, Fabienne Balussou, préfète de Haute-Saône accorde donc l’autorisation de pratiquer des tirs de défense simples pour effaroucher le loup. "La finalité des nouvelles mesures à mobiliser est la défense des troupeaux et non l’élimination du loup", rappelle la Préfecture. Tout s’est précipité après une nouvelle attaque du loup la nuit dernière.
Il est au bord des larmes au téléphone. Sous le choc et la gorge nouée par une nouvelle attaque sur son exploitation de Fougerolles en Haute-Saône. La nuit dernière, Nicolas Fleurot explique ne pas avoir supporté la scène. Un veau, debout, vivant, mais dépecé entièrement, décrit-il. Il était 23h15 quand l’agriculteur a entendu du bruit. Il s’est levé, le loup a pris la fuite, mais il s’en était pris à deux veaux pourtant parqués dans des box, derrière des barrières, selon l’éleveur. Un bovin a dû être euthanasié, un autre est blessé.Pour moi, cette nouvelle attaque a été terrible à vivre
Nicolas Fleurot venait de terminer la veille au soir son dossier de demande d’autorisation de tirs de défense. Car c’est la seconde fois qu’il est attaqué en quelques jours par ce loup. L’animal qui rôde dans le pays fougerollais et le secteur du val d’Ajols dans les Vosges a tué depuis le 26 août 18 brebis, 7 jeunes bovins. Il attaque régulièrement, presque chaque nuit, ce qui surprend les spécialistes, comme les services de l’Etat. Ce loup a adopté un comportement très atypique. En effet, s’il se comporte comme un loup en recherche d’un nouveau territoire et testant les limites des protections, ses réactions sont inhabituelles : il n’hésite pas ainsi à se rendre dans les stabulations, au plus près des habitations.
"Ce loup, il faut le tuer"
A bout de nerfs, l'éleveur espérait ce matin obtenir rapidement l’autorisation de tirs de défense sur son exploitation. La préfecture a expliqué lors d’un comité loup qu’elle étudierait les dossiers au cas par cas. Les tirs de défense seront autorisés pour effaroucher le loup, sur les exploitations déjà victimes d’attaques uniquement. Ces tirs sont possibles dans des conditions bien précises, ils ne pourront avoir lieu que si le loup s’apprête à attaquer. Les tireurs seront bien définis, agriculteurs, ou louvetiers.En attendant ces tirs de défense, Nicolas Fleurot continue à s’organiser. “Je vais enfermer mes animaux la nuit… Surveiller le loup sur le secteur de Fougerolles chaque nuit, c’est impossible” estime -t-il. Avec cette nouvelle attaque sur son cheptel, le moral en a pris un coup. “J’aurais voulu voir les défenseurs du loup, devant mon animal dépecé et debout. Il faut tirer le loup. On ne ne peut pas continuer comme ça. J’aime cet animal qu’est le loup, mais on ne peut pas laisser souffrir ainsi nos bêtes” lance ému Nicolas Fleurot.
L’agriculteur reste prudent sur la suite. Selon lui, le loup se déplace sur le secteur. Sur des kilomètres. Comment l’effrayer le jour J, au bon moment, selon les conditions définies dans le cadre des tirs de défense ?. “Il bouge ce loup, je crains que ça ne dure encore longtemps ces attaques dans le secteur” confie, interrogatif Nicolas Fleurot.
En Haute-Saône, c’est la première fois que le monde agricole est confronté à une série si rapprochée d’attaques du loup. Les mesures de protections, barrières, caméras, effaroucheurs, présence des louvetiers n’ont pas permis d’enrayer les attaques du prédateur. “Cela ne peut plus durer, c’est devenu ingérable pour les éleveurs. J’espère qu’on aura rapidement une réponse sur les tirs de défense. On est dans l’obligation de le faire. Les agriculteurs ne peuvent pas surveiller leurs troupeaux nuit et jour” expliquait en milieu de journée Emmanuel Aebischer, président départemental de la FDSEA.”Je n’ai rien contre le loup, mais qu’il reste dans la nature, qu’il ne vienne pas s’attaquer à nos troupeaux” lance l'agriculteur confronté depuis une dizaine de jours à la détresse des éleveurs, sur un terrain rural où les exploitations sont petites et clairsemées.“Je n’ai rien contre le loup, mais qu’il reste dans la nature, qu’il ne vienne pas s’attaquer à nos troupeaux”
“Le loup revient coloniser la France, on en aura toujours, il y en aura d’autres, il faut protéger les troupeaux”
Pour l’association nationale Ferus pour la conservation du loup, lynx, ours, ces tirs de défense sont prématurés. Car selon l’association, tous les moyens de protection des troupeaux n’ont pas été mis en oeuvre en Haute-Saône. “On a fourni aux éleveurs des filets de 80 cm de haut, ces filets sont insuffisants pour le loup, il faut au moins des clôtures d’1,40 m, électrifiées en dessus, et en dessous” explique Jean-Claude Odile, référent Ferus pour le Grand Est.L’autre moyen de défense, l’arrivée de chiens de protection de troupeaux comme le patou n’est pas adapté aux petits troupeaux qu’on trouve sur le secteur du nord de la Haute-Saône, estime Ferus.
Protections, effarouchement, louvetiers… “la première chose, c’est de continuer à dire à ce loup qu’il ne doit pas s’installer. Il faut le faire fuir pour qu’il reste en forêt, il va en ce moment au plus facile, c’est plus facile de tuer une brebis qu’un chevreuil” argumente le référent Ferus. Pour l’association de défense du grand canidé,” il est hors de question qu’on tue ce loup, c’est une espèce protégée” ajoute Jean-Claude Odile qui prône le dialogue avec les éleveurs.Il est hors de question qu’on tue ce loup, c’est une espèce protégée
“Le loup revient coloniser la France, on en aura toujours, il y en aura d’autres, il faut protéger les troupeaux” dit-il. “Je comprends la rage des éleveurs même si je suis pro-loup” ajoute le défenseur de la nature qui s’inquiète d’un éventuel abattage illégal du loup, pas farouche et très visible, même en plein jour dans ce secteur de Fougerolles et du Val d’Ajol.
En France, les ministères de l'Agriculture et de la Transition écologique ont publié un arrêté qui permet de tuer 100 loups en 2020 en cas d’attaques répétées et de protection impossible de certaines zones.
97 loups ont été abattus en 2019 et aucune baisse de la prédation des troupeaux n’a été constatée d’après l’association Ferus.
En cas d’arrêté préfectoral autorisant des tirs de défense en Haute-Saône, il est fort probable que des associations déposent des recours. La mort possible d’un loup, mobilise la société civile et les protecteurs des animaux. Une pétition en ligne contre l’abattage du loup a déjà récolté en quelques heures, plus de 48.000 signatures.
Les différents tirs possibles en cas d'attaques répetées de loups
- Tir d’effarouchement (moyens de tirs non létaux)
- Tir de défense simple (1 seul tireur posté à proximité d’un troupeau protégé, le loup est tiré en situation d’attaque)
- Tir de défense renforcé (jusqu’à 10 tireurs postés à proximité d’un troupeau protégé, le loup est tiré en situation d’attaque)
- Tir de prélèvement (il s'agit d'une action de recherche du loup encadrée par un lieutenant de louveterie, type battue administrative, en présence des troupeaux mais sans notion de proximité)