Selon la Cour des comptes, les abattoirs publics sont "des charges pour les contribuables locaux rarement justifiées".
La Cour des comptes a mené une vaste enquête sur 80 abattoirs publics de neuf régions françaises, dont plusieurs en Bourgogne-Franche-Comté. Et elle n'est pas tendre avec ces structures.
Dans son rapport public annuel 2020 diffusé ce mardi 25 février, elle épingle la gestion des abattoirs publics d'animaux de boucherie par les collectivités locales, proposant de confier leur gestion à tous les acteurs concernés ou de basculer vers l'abattage mobile.
La situation financière des abattoirs publics d'animaux de boucherie est dégradée. Ce constat amène la Cour à considérer que l'intervention des collectivités locales en matière d'abattage a perdu ses justifications
Des équipements "surdimensionnés et sous-exploités"
Selon l'institution, la plupart des 80 abattoirs publics connaissent de graves difficultés économiques. "Alors que 90 % de la production et de l’abattage relève aujourd’hui de cinq opérateurs industriels privés, la place des équipements publics est devenue résiduelle (7,2 % de la production totale en 2017), leur situation économique est dégradée et leur gestion par les collectivités se révèle particulièrement coûteuse." En Bourgogne-Franche-Comté, trois abattoirs sur sept sont concernés.Selon la Cour, "les tarifs pratiqués ne permettent toujours pas d'assurer l'équilibre des services et les budgets communaux supportent de lourdes charges qui s'assimilent souvent à des aides économiques consenties à des opérateurs privés".
Elle donne plusieurs exemples, dont certains en Bourgogne-Franche-Comté : "L’abattoir de Champagnole, dans le Jura, a reçu 1,8 millions d'euros de subventions entre 2008 et 2014 […] ; l’abattoir du Sud Morvan, dans la Nièvre, a perçu 26 000 euros en 2017 venant, là encore, fausser la signification des résultats d’exploitation de ces équipements"
Et l'activité peu importante, en comparaison des abattoirs industriels, est elle-aussi pointée du doigt. "L’abattoir du Sud Morvan à Luzy, dans la Nièvre, agréé pour une production annuelle de 1500 tonnes équivalents carcasse (TEC), réalise moins de 600 TEC alors que son principal concurrent est l’abattoir public d’Autun (capacité de 1 600 TEC), situé à 30 km", détaille la Cour des comptes.
"Il semble aujourd’hui impératif de s’interroger sur la viabilité du réseau des abattoirs publics et sur la pertinence de son financement en sa forme actuelle", affirme l'institution de la rue de Cambon.
Quelles recommandations ?
De nouveaux modes d'abattage et de nouvelles modalités de gestion pourraient permettre de proposer des solutions de substitution, selon la Cour des comptes. Celle-ci rappelle ainsi que la loi alimentation ("Egalim") a prévu de mener une expérimentation d'abattoirs mobiles permettant un abattage à la ferme.Elle propose également un mode de gestion privé collectif des abattoirs qui associerait tous les acteurs concernés: petits exploitants, bouchers chevillards (grossistes) et même les salariés des équipements, sous la forme soit de coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA), soit de sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC).
Ces abattoirs assurent un "service public" avec "un maillage du territoire", a rappelé à l'AFP Bruno Dufayet, président de la fédération nationale bovine (FNB), en réaction au rapport. "Quand on parle de plus en plus d'intégrer les enjeux du bien-être animal, ça dépasse les simples calculs économiques", a-t-il souligné, ajoutant qu'il attendait une "cohérence politique" sur la question.
Le président Emmanuel Macron avait pour sa part proposé le financement d'abattoirs pour échapper à l'emprise du groupe dominant dans le secteur de la viande, accusé de maintenir des prix trop bas, en octobre au Sommet de l'élevage à Cournon d'Auvergne.