Ce vendredi 19 mai, le tribunal correctionnel de Paris a expliqué que la plainte de 1 850 victimes de l'amiante était irrecevable. Jean-François Borde, président en Bourgogne du Caper, une association d'aide aux victimes, réagit à la décision de justice.
La nouvelle est tombée ce vendredi 19 mai. Le tribunal correctionnel de Paris a prononcé l'irrecevabilité pour "imprécision" de la procédure lancée en novembre 2021 par 1 850 victimes de l'amiante. Ils voulaient faire juger 14 personnes, dont plusieurs hauts fonctionnaires, des anciens représentants de ministères, des dirigeants d'entreprise ou encore des médecins, pour avoir fait retarder l'interdiction de la fibre.
Pour rappel, le Centre international de la recherche sur le cancer a classé l'amiante comme une substance cancérogène en 1977. Il a fallu attendre 20 ans pour qu'elle soit interdite en France. Selon le Haut Conseil de la Santé publique, cette fibre pourrait être responsable de 70 000 à 100 000 décès d'ici 2050. L'Inserm, de son côté, estime entre 140 000 et 180 000 le nombre de morts provoqués par l'amiante.
La Bourgogne ne compte pas de victimes concernés par cette décision de justice. Mais dans la région, le Caper, Comité Amiante Prévenir et Réparer, s'occupe de près de 400 personnes, réparties sur la Côte-d'Or, la Nièvre, la Saône-et-Loire et même une partie de l'Ain. Son président, Jean-François Borde réagit à la décision du tribunal correctionnel de Paris.
Comment jugez-vous la décision de justice tombée ce vendredi ?
Les dirigeants ne sont pas condamnés. Personne n'est condamné... Les associations emploient la procédure de citation directe pour faire bouger les choses. Mais peu importe les procédure lancées contre les responsables de cette catastrophe sanitaire, c'est toujours la même décision des tribunaux. Il y a des malades, des milliers de morts et pas de responsable...
Depuis 1990, beaucoup de procédures judiciaires sont lancées... Elle donne majoritairement lieu à des classements sans suite. Pour la justice, il n'est pas possible d'établir un lien entre la maladie des employés et la responsabilité des entreprises.
C'est l'impunité ! Ça nous scandalise. On nous parle d'accidents du travail, de maladies professionnelles, de prévention. Mais pourquoi faire de la prévention quand on empoissonne les gens et qu'on est sûr de ne pas être condamné ? Il y a trop de gens qui sont malades... On continue de laisser penser qu'on ne risque rien en laissant faire. Ceux qui font mourir les gens ne sont pas condamnés ! On ne demande pas que les gens soient emprisonnés à vie. On demande une condamnation pour l'exemple.
Est-ce qu'il y a du découragement chez les associations et les victimes ?
Non. On ira jusqu'au bout ! On refuse de se dire que c'est perdu. On ne baisse pas les bras. On fera tout pour les coupables soient reconnus et qu'il y ait une condamnation pour l'exemple. C'est surtout pour que ça n'arrive plus qu'on fait ça. On savait depuis 1977 que l'amiante était dangereuse. Mais des lobbies ont été mis en place avec des industriels qui ont tout fait pour que l'amiante ne soit pas interdite et que la décision soit repoussée. Ils savaient que c'était dangereux. Ils ont continué à employer l'amiante qui n'était pas chère et très lucrative... alors que des hommes mourraient.
La Bourgogne est-elle une région particulièrement touchée, de par son passé industriel ?
Dans notre association, on tourne autour des 400 adhérents. Il y aussi Addeva qui fait du très bon travail dans l'Yonne. Rien que pour l'entreprise Eternit (une des entreprises transformatrices de l'amiante), en Bourgogne, on compte 156 certificats de décès pour "mort de maladie professionnelle". C'est incontestable, c'est dû à l'amiante ! Et ce n'est que pour un seul établissement...
Les 1 850 plaignants dont la procédure a été retoquée par le tribunal correctionnel de Paris ont désormais deux options : déposer une nouvelle citation directe ou faire appel.