Le torchon brule entre l'ARS et certains maires de Bourgogne. En cause la réaction de l'agence après la publication par certains maires d'arrêtés amendants les règles du confinement mis en place pour lutter contre l'épidémie de Covid-19.
C’est un communiqué de l’ARS qui a mis le feu aux poudres. Publié samedi en fin d’après-midi, le directeur de l’Agence régionale de Santé de Bourgogne Franche-Comté, Pierre Pribile y emploie des mots forts pour déplorer que « le débat public soit presque exclusivement saturé de polémiques consternantes à la faveur de quelques arrêtés municipaux manifestement aussi clientélistes qu’illégaux, au risque de perdre de vue l’enjeu vital que constitue la réussite du confinement. »
Cible de l’ARS, les arrêtés municipaux permettant l’ouverture des commerces non-essentiels pendant le confinement. Depuis vendredi, ils se sont multipliés, d’abord à Migennes (Yonne) et Décize (Nièvre) avant que l’initiative ne soit reprise par des villes plus importantes : Chalon-sur-Saône, Beaune ou encore Dijon.
Réaction épidermique de certains élus locaux
Le communiqué de l'ARS n'a pas tardé à faire réagir du coté des élus."L'horreur technocratique en action" estime par exemple Gilles Platret, le maire (LR) de Chalon-sur-Saône, candidat aux élections régionales et auteur d'un arrêté municipal autorisant ses commerces non-essentiels à ouvrir. "Depuis combien de temps le directeur de l'ARS n'a-t-il pas poussé un caddie dans un supermarché ?" Une remarque qu'il avait adressée quasiment dans les mêmes termes quelques heures plus tôt au préfet de Saône-et-Loire. Ce dernier avait publié un communiqué ainsi titré : "L’arrêté de Monsieur le Maire de Chalon-sur-Saône est illégal" "Monsieur le Préfet, allez donc faire la queue avec des dizaines d’autres clients devant une caisse enregistreuse, et on en reparle… "
L’horreur technocratique en action : l’ARS, machine à broyer l’hôpital public depuis tant d’années, nous donne des leçons. Depuis combien de temps le directeur de l’ARS n’a-t-il pas poussé un caddie dans un supermarché ? Il trouverait alors les #PetitsCommerces bien plus sûrs. https://t.co/m2NpheRnAl
— Gilles PLATRET (@gillesplatret) October 31, 2020
De son coté, le président du conseil départemental (UDI) de Côte d'Or demande au directeur de l'ARS de "retirer ses propos inadmissibles à l’encontre des élus locaux". "Les maires ne peuvent pas être qualifiés de «clientélistes ». Ils sont confrontés directement à la réalité du terrain et eux ont la légitimité du peuple" ajoute François Sauvadet.
Certains élus de droite vont même jusqu'à envisager la révocation de Pierre Pribile, le directeur général de l'ARS. "Je suis bouche bée devant un fonctionnaire qui qualifie les arrêtés des maires de clientélisme... Où quand la technocratie juge la démocratie!" écrit par exemple le sénateur LR de Côte d'Or, Alain Houpert. Défenseur de l'usage de la chloroquine et soutien du Professeur Raoult, il demande au ministre de la Santé de sanctionner le directeur de l'ARS. "Monsieur le ministre, cet irrespect envers les élus mérite la révocation !"
Communique de l’#ARS de ce soir.
— Alain Houpert (@alainhoupert) October 31, 2020
Je suis bouche bée devant un fonctionnaire qui qualifie les arrêtés des maires de clientélisme... Où quand la technocratie juge la démocratie ! Monsieur le ministre cet irrespect envers des élus mérite la révocation ! @frebsamen @gillesplatret pic.twitter.com/9oyWnhL0Uq
A gauche, sans adopter une position si tranchée contre les autorités sanitaires, le maire de Dijon, François Rebsamen (PS) a lui aussi pris un arrêté municipal. Cette fois pour autoriser uniquement les librairies dijonnaises à ouvrir. Etonnament, l'élu socialiste met en avant comme premières motivations de son arrêté la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et l'article 11 de la déclaration universelle des droits de l'Homme. "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement." Le contexte sanitaire sur la métropole de Dijon n'est en revanche pas mentionné.
Des élus pas unanimes
Dans la majorité, les initiatives de ces maires ne sont évidemment pas plébiscitées. Le député (LREM) de Saône-et-Loire, Rémy Rebeyrotte répond au maire de Chalon-sur-Saône. "Il me semble désormais utile de rappeler au Maire de Chalon-sur-Saône, même si son orgueil et sa suffisance doivent en souffrir, que les Lois votées par le Parlement et les décrets et arrêtés pris par le pouvoir exécutif sont supérieurs et s'imposent aux arrêtés du Maire, fût-il en campagne électorale des Régionales. C'est ce qu'on appelle la hiérarchie des normes."Nous, Maires, devons faire preuve du plus grand esprit de responsabilité pour renforcer l’autorité Républicaine et soutenir les mesures décidées pour lutter contre la Covid19"
De son coté, le sénateur de Côte d'Or (LREM), François Patriat appelle à "rejeter les postures politiques, telles que les arrêtés pris par certains maires pour ouvrir tous les commerces. Au-delà de leur absence de légalité, les arrêtés pris par des maires pour ouvrir les commerces nous font courir un très grand risque, celui de masquer l’enjeu vital du confinement."
Dans l'opposition de droite comme de gauche, certains élus appellent également à éviter le conflit direct avec les représentants de l'Etat dans le contexte de crise sanitaire liée au Covid-19. Le maire de Venarey-les-Laumes, Patrick Molinoz et quatre autres élus de Bourgogne Franche-Comté ont publié ce dimanche un communiqué intitulé "pourquoi nous ne prendrons pas d’arrêté municipal".
S'ils expliquent partager "l'incompréhension des commerces fermés", ils appellent les maires "à faire preuve du plus grand esprit de responsabilité pour renforcer l'autorité Républicaine". "Nous incarnons, au côté de l’État, l’autorité publique et nous ne devons pas saper cette autorité en prenant des actes juridiques illégaux. Prendre de tels arrêtés alimente un climat de contestation et de sédition qui dessert la cohésion Républicaine et la lutte contre l’épidémie et fait peser des risques juridiques et sanitaires supplémentaires sur les commerçants eux-mêmes."
Sollicitée ce lundi matin, l'Agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté ne souhaite pas réagir à la polémique.