Samedi 2 avril, le château médiéval de Guédelon rouvre ses portes au public, jusqu'au 6 novembre : 7 mois pour visiter un château-chantier qui se construit avec les métiers traditionnels du moyen-âge et découvrir leurs méthodes.
C'est une réouverture très attendue par les équipes du chantier de Guédelon : sans contraintes sanitaires et avec de nouvelles étapes importantes dans la construction du château.
70 000 scolaires par an
Le statut de chantier permanent du château de Guédelon est un formidable moyen pédagogique pour montrer aux scolaires les méthodes ancestrales de construction de la pierre et comment la vie se déroulait au moyen-âge.
Maryline Martin, co-fondatrice du chantier de Guédelon, s'enthousiaste déjà à la veille de la réouverture : "On commence déjà à avoir des réservations de scolaires, d'enseignants qui s'intéressent, ils veulent revenir à Guédelon !"
Le grand public est aussi en attente
Le printemps est synonyme du redémarrage de la saison touristique pour le chantier de Guédelon. Et à ce titre, cela se perçoit à travers les nombreuses demandes de renseignements, de prises de rendez-vous pour les ateliers de taillage de pierre. Maryline Martine se réjouit : "on sent vraiment que l'on peut repartir sur une logique normale."
Il en est de même pour les touristes étrangers, comme le confirme Maryline : "on sent aussi un frémissement sur la clientèle étrangère, c'est un peu tôt car elle arrive vraiment à partir de mai-juin."
Un terrain de jeu inépuisable pour les scientifiques
Toute l'année, le chantier de Guédelon accueille des scientifiques, soit dans le cadre de recherches, soit dans le cadre de travaux dirigés avec des étudiants.
Les scientifiques sont principalement des archéologues, mais Maryline Martin se rappelle du passage d'une chercheuse du CNRS atypique : Mylène Pardoën pendant la saison dernière.
Cette chercheuse est une archéologue du paysage sonore. Elle avait pour commande de reconstituer les sons qu'il y avait sur le chantier de la Cathédrale Notre-Dame de Paris au XIIème siècle. Elle a donc passé du temps à capter tous les sons présents à Guédelon. Comme Maryline Martin le pense "il y a quelque chose de l'ordre de la musique, quand les ouvriers travaillent, quand les chevaux passent, il y a vraiment une harmonie musicale sur le chantier."
La chercheuse du CNRS a passé suffisamment de temps pour reconstituer "ce que pouvait être la vie quotidienne sur le chantier de Notre-Dame, en utilisant les éléments sonores de Guédelon : les tailleurs de pierre, les tombereaux qui se déversent, le bruit de la forge..."
Nos collègues de Radio-France (France Culture) avaient élaboré un reportage retraçant le travail de Mylène Perdoën : https://www.franceculture.fr/emissions/comme-personne/mylene-pardoen-archeologue-du-paysage-sonore
Maryline Martin cite alors la venue de Nicolas Faucherre à Guédelon dès l'ouverture ce week-end : cet archéologue est professeur d'histoire de l'Art à l'université d'Aix-Marseille et historien spécialiste des fortifications : "Il suit depuis l'origine le chantier de construction du château et vérifie qu'il n'y a pas d'erreur casteologique de la construction."
De même, Frédéric Epaud, chercheur au CNRS, oeuvrant au laboratoire Cités, territoires, environnement et sociétés à Tours, est un spécialiste archéologue du bois. Il va venir pour rencontrer les équipes d'ouvriers sur Guédelon. Ce que Maryline met aussi en avant, c'est le travail scientifique élaboré sur le chantier, que le grand public connaît moins : "Ce sont les scientifiques de la première heure à Guédelon. L'idée au départ, c'était de construire pour comprendre. Et finalement, c'est un peu la leçon du Covid : on a réduit un peu la voilure en matière de touristes, et maintenant on a deux jours de fermeture au public dans la semaine, ce qui nous permet de travailler avec une équipe plus légère d'ouvriers et de spécialistes, pour reprendre du temps pour nos recherches."
Par exemple, le prochain sujet d'étude est "l'obturation des fenêtres", "quelle était la température d'une pièce au moyen-âge ?", cela fait partie des expériences auxquelles les scientifiques réfléchissent dans le "laboratoire" que représente Guédelon.
25 ans de chantier et de découvertes
Pour l'été 2022, Maryline Martin annonce la sortie d'un livre qui retracera "25 ans de chantiers, de découvertes et de rencontres. Ce sont les rencontres qui nous ont mis sur la piste, soit c'est un scientifique, soit c'est un visiteur, qui nous a fait une remarque et qui nous a permis de nous mettre sur des voies positives pour notre travail !"
Concernant la portée scientifique du chantier de Guédelon, très modestement, Maryline Martin affirme : "On ne s'en est pas rendu compte au démarrage, car on devait faire nos preuves et on a eu beaucoup de succès ! Les gens se sont un peu interrogés car, à la fois, on avait des visiteurs et à la fois on avait la rigueur scientifique. On a fait ce chantier par passion, avec une belle équipe de passionnés, et on est restés fidèles. Nous sommes restés en contact."
"Ces 25 ans on ne les a pas vu passer ! Quel bonheur d'avoir le temps de faire les choses bien, de démonter, on a le droit d'échouer, de rater, de recommencer !"
Cette année 2022, au programme des travaux à finir : les créneaux et merlons de la tour du pigeonnier, ainsi que la charpente de cette tour : "elle sera posée avant l'automne. On travaille encore sur la porte entre deux tours, celle qui va accueillir la herse. On continue aussi les peintures murales de la chapelle, avec les couleurs extraites autour de Guédelon. On va travailler cette année sur les plantes médicinales aussi et sur la sculpture du bois."
Le programme est chargé, et comporte de quoi occuper suffisamment la vingtaine de métiers qui œuvrent à Guédelon.
Du côté des visiteurs, ce sont maintenant des "chroniqueurs" qui accueillent les groupes, et se chargent de différentes thématiques. Par exemple, des cours de géométrie sont donnés par un des chroniqueurs, à l'aide de grands compas.
"On a vraiment de quoi passer un bon moment à Guédelon !" conclut Maryline Martin.