Ce lundi 21 février 2022, le tribunal judiciaire de Nancy devait juger Dmitry Malinosky et six autres prévenus, mis en cause pour blanchiment en bande organisée dans l'affaire du château de la Rochepot (Côte-d'Or).
Le procès devant cette juridiction spécialisée dans les affaires financières, devait être l'épilogue d'une escroquerie impliquant sept mis en cause ainsi qu'une personne morale, la SCI GACM.
L'audience finalement renvoyée
Dans la matinée, une demande de requête en nullité a été formulée par l'avocate d'Irina Malinosvky, la mère de Dmitry Malinovsky. Maître Anne-Charlotte Charrier a demandé "la nullité du mandat d'arrêt" à l'encontre de sa cliente, ainsi que "la nullité de sa mise en examen."
L'avocate a rappelé la "bonne foi" de l'Ukrainienne, qui avait répondu aux sollicitations de la justice à chaque convocation.
Le procureur de la République, Vincent Legault, a rappelé qu'une audience était possible, tout en régularisant la procédure à l'encontre d'Irina Malinovska.
En début d'après-midi, la présidente Brigitte Roux a rappelé elle aussi qu'une régularisation devait se faire, mais sans pour autant interrompre le déroulé de l'audience prévue à Nancy.
Maître Gérard Baudoux, avocat de l'ex-femme de Malinovsky, Alla Tscherkasova, est intervenu pour demander le renvoi de la totalité du dossier, en argumentant qu'il fallait que « celle dont j’assure la défense ait une possibilité de confrontation ». Pour l'avocat, "l’ensemble de la procédure doit être renvoyée au magistrat de l’instruction."
Sa cliente était "persuadée" que les parents (de Dmitry Malinovsky) allaient se porter acquéreurs du château. Aussi Maître Gérard Baudoux souhaite que dans le respect de la procédure, un renvoi "de toute la procédure soit effectué, pour un procès équitable et contradictoire."
Olga Kiselova (ép. Kalina), la maîtresse de Dmitry Malinovsky, a émis le souhait que le procès se tienne.
Même position pour le principal prévenu, Dmitry Malinovsky. Les avocats des parties civiles ont aussi exprimé le souhait de ne pas renvoyer le procès.
Délibéré en milieu d'après-midi
Le tribunal s'est retiré pour délibérer en milieu d'après-midi autour de la nécessité du renvoi total de la procédure, ou de poursuivre de façon partielle.
Finalement, après discussion, il a été décidé que la nullité de la mise en examen de la mère de Dmitry Malinovsky, Irina Malinovska, impliquait le renvoi de l'intégralité de la procédure.
Le maintien sous contrôle judiciaire des 4 prévenus qui étaient déjà sous contrôle judiciaire est resté inchangé. Dmitry Malinovsky reste placé sous écrou extraditionnel.
Un nouveau procès pourrait se tenir d'ici 18 mois au moins, une attente qui peut paraître longue pour celles et ceux qui s'interrogent sur l'avenir du château de la Rochepot.
"pas de déception" pour Dmitry Malinovsky
L'avocat de Dmitry Malinovksy, Maître Benoît Diry, a réagi face à la décision du renvoi total de la procédure devant le Ministère Public. Une telle décision n'était pas spécialement attendue par son client, qui espérait une affaire jugée le plus vite possible. Le principal prévenu ne ressent pourtant "pas de déception".
Son avocat explique : "Il avait une position ambiguë qui peut être compréhensible. Quand les procédures durent, vous avez aussi envie d'en terminer ! Il a saisi aussi l'ensemble de toutes les nullités qui étaient à prouver, des droits à faire valoir pour sa défense."
L'avocat poursuit : "J'ai un client qui est attaché à ce que les défauts d'une procédure qui n'est pas de son pays puissent être reconnus, ce qui a été le cas avec cette nullité reçue dans ce dossier, par ce tribunal. J'ai le sentiment d'un tribunal qui a eu le courage de rendre cette décision, de relever ce qui n'a pas fonctionné dans la procédure, les défauts de l'instruction."
L'avocat conclut "ça donne surtout l'espoir que l'instruction puisse être plus fournie, que d'autres questions soient résolues sur d'autres aspects du dossier. Finalement, si ça paraît long, 3 ans d'instruction ça n'était peut-être pas suffisant, ça laissera peut-être la porte ouverte à des investigations complémentaires."
L'actuelle propriétaire du château trouve le renvoi "problématique"
D'après Maître Stéphane Bonifassi, l'avocat d'Olga Kiselova (épouse Kalina), la maîtresse de Dmitry Malinovsky, le renvoi du procès est vécu comme "problématique" : elle, qui revendique la propriété du château et qui nie le blanchiment "serait désireuse que le procès avance. Elle vit avec cette affaire, elle ne sait pas ce que va devenir le château de la Rochepot, dont elle est toujours la propriétaire. Elle souhaiterait que ce dossier progresse."
Pourquoi un procès à Nancy ?
Le procès s'est présenté devant la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) qui est compétente sur les affaires internationales aux ramifications multiples.
Créées par la loi du 9 mars 2004 et mises en place en octobre 2004, les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) regroupent des magistrats du parquet et de l’instruction possédant une expérience en matière de lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière dans des affaires présentant une grande complexité.
La loi a donné une compétence territoriale étendue, interrégionale, à 8 juridictions implantées, eu égard à l'importance des contentieux traités et aux aspects liés à la coopération transnationale, à Paris, Lyon, Marseille, Lille, Rennes, Bordeaux, Nancy et Fort de France. Les JIRS ne sont donc pas un nouvel ordre de juridiction.
Spécialisés dans ces matières techniques, les magistrats sont déchargés des dossiers plus simples et bénéficient du soutien d'assistants spécialisés (douane, impôts…) Les JIRS bénéficient de dispositifs novateurs en matière d'enquête (infiltrations, sonorisations, équipes communes d'enquête entre plusieurs pays).