Après la sécheresse de cet été, les pluies exceptionnelles de ces dernières semaines perturbent le travail des agriculteurs bourguignons. Ceux qui ont terminé à temps leur récolte de maïs et semé leurs cultures d'automne s'en tirent à bon compte. Les autres ne peuvent qu'attendre une fenêtre météo favorable et le désengorgement des sols pour espérer rattraper le temps perdu.
Des pluies abondantes et prolongées : voilà ce que les agriculteurs de Bourgogne se reçoivent sur la tête depuis plus de 3 semaines, après des mois de sécheresse et de restrictions.
Une eau précieuse, certes, mais qui aujourd'hui empêche le travail dans les champs. La terre est gorgée d'eau et aucun tracteur ne peut s'aventurer dans les parcelles au risque de creuser des ornières et d'aggraver la situation.
Des céréaliers bloqués par la météo
Sébastien Noize est agriculteur céréalier à Seurre, en Côte-d'Or. Il a semé ses cultures d'automne début octobre - essentiellement du blé et de l'orge - et se retrouve bloqué par la météo.
"Normalement, je devrais être en train de traiter mes jeunes plants contre les mauvaises herbes et les insectes, ou de labourer mes champs pour préparer mes cultures de printemps, mais là je ne peux rien faire de tout cela", déplore l'agriculteur, qui a une pensée pour ceux qui ont trop tardé à récolter leur maïs et n'ont pas encore attaqué leurs semis.
"Avec les restrictions sur les herbicides, on sème plus tard qu'autrefois. Ça explique pourquoi certains de mes collègues céréaliers se sont retrouvés coincés", nous explique-t-il avec une certaine amertume.
80 à 90 % des semis ont été effectués à temps
Selon Mickaël Mimeau, agronome à l'Alliance BFC (une union régionale qui regroupe les 3 coopératives Bourgogne Sud, Terre Comtoise et Dijon Céréales), la situation est exceptionnelle. D'après ses chiffres, il serait tombé en moyenne 250 mm d'eau depuis le 15 octobre sur la Bourgogne Franche-Comté.
"Il est tombé en 3 semaines ce que l'on reçoit en 3 mois à cette époque de l'année. C'est un record depuis 20 ans pour cette période !"
Mickaël Mimeauagronome
Par chance, d'après ses recensements, 80 à 90 % des exploitations céréalières de la grande région ont pu faire leurs semis à temps. Pour les autres, la situation est préoccupante. "Ceux-là devront être opportunistes. Il leur reste en gros jusqu'au 15 décembre pour trouver une fenêtre météo favorable, avec suffisamment d'interruption en terme de précipitations pour retrouver un sol ressuyé (sec) et espérer semer l'orge et le blé d'hiver ou encore le triticale (un hybride blé/seigle)", nous explique Mickaël Mimeau.
Les plus malchanceux n'auront d'autre choix que de se reporter sur les cultures de printemps, comme celle de l'orge printanier, qu'ils ne pourront semer qu'à partir de février prochain.
"Il faudra laisser passer l'hiver et le printemps pour évaluer l'ampleur des dégâts"
Quant aux plants d'orge et de blé qui ont été semés avant cet épisode pluvieux, ils sont en majorité bien sortis, mais tous ne sont pas pour autant tirés d'affaire, nous explique l'agronome.
"La terre est saturée en eau, ce qui peut provoquer une certaine asphyxie des jeunes pousses et les faire dépérir. Le sol était très sec après la canicule de cet été, mais cela ne jouera qu'à la marge. Il faudra laisser passer l'hiver et le printemps pour évaluer l'ampleur des dégâts sur les récoltes à venir."
Pas d'amélioration en vue dans les prochains jours
La météo annoncée pour les prochains jours ne va clairement pas dans le sens d'une amélioration. "Ça reste perturbé jusqu'à la fin de la semaine. Au-delà, ça pourrait légèrement s'améliorer - mais c'est à prendre avec des pincettes", nous explique Clément Meirone, ingénieur à Météo France, qui évoque un phénomène de "rail de dépressions" bien dirigé sur la France et qui est à l'origine de cumuls assez importants en eau de pluie.
Ce qui est certain, toujours selon le météorologue, c'est qu'aucun anticyclone n'est à l'approche pour apaiser l'angoisse des agriculteurs en souffrance. Ce mercredi 15 novembre, Météo France a placé deux départements de Bourgogne, la Nièvre et la Saône-et-Loire, en vigilance jaune aux crues.