Le rétablissement des contrôles aux frontières franco-suisses complique la circulation des quelque 35.000 travailleurs frontaliers vivant en Franche-Comté.
Richard, qui vit dans l'agglomération de Besançon, part tous les matins en Suisse, où il travaille dans une entreprise d'horlogerie.
Ce mardi, le trajet qu'il partage avec plusieurs covoitureurs, a été plus long que prévu.
"C'est la misère, nous raconte-t-il au téléphone lors de sa pause-café. On était bloqué à partir de Morteau." Soit une douzaine de kilomètres avant la frontière, qu'il franchit d'ordinaire au Locle.
Finalement, Richard et ses collègues sont passés par Les Brenets, une douane secondaire, censée être fermée: "Il n'y avait personne, cela nous a permis d'éviter le bouchon. On était peut-être amendable, on ne sait pas trop".
Des milliers de frontaliers, eux, n'ont pu éviter les bouchons. Certains ont mis quatre heures ce matin pour parcourir la vingtaine de kilomètres entre Pontarlier et Vallorbe. D'ordinaire, c'est une demi-heure tout au plus.
Permis de travail obligatoire pour les 35.000 frontaliers de Franche-Comté
Ces bouchons sont causés par le rétablissement des contrôles aux postes-frontières. Ce matin, les douaniers suisses exigeaient un permis de travail pour ceux qui franchissent la frontière. En Franche-Comté, ils sont 35.000 environ, sur 175.000 Français travaillant en Suisse.Pour endiguer la pandémie de coronavirus, le gouvernement fédéral suisse a décidé lundi de rétablir le soir même, à minuit, les contrôles aux frontières françaises, allemandes et autrichiennes. La frontière italienne était déjà contrôlée depuis vendredi. L'entrée en Suisse n'est plus possible que pour les citoyens suisses et les étrangers ayant un permis de séjour ou un permis de travail.
"Pour l'instant, on ne nous a rien donné", affirme Richard. Ici, nous appliquons les consignes de sécurité: les réunions sont annulées, on travaille à distance les uns des autres. On est confiné au bureau pour ainsi dire".
"Vu la grosse baisse d’activité, il serait plus raisonnable de fermer les usines, estime de son côté Guy Vandel, administrateur de l'Amicale des Frontaliers. Dans l'horlogerie, c'est un salarié par mètre carré. Ca ne sert à rien de travailler pour choper ce virus. De toute façon les ventes s'écroulent. Fabriquer des montres de luxe, ça n'a rien d'urgent. Ce n'est pas un produit de première nécessité".Fabriquer des montres de luxe, ça n'a rien d'urgent
Dans la Vallée de Joux, une manufacture au moins a mis ses salariés en chômage partiel. Rolex a officialisé ce mardi la fermeture de ses sites de production de Genève, Bienne et Crissier.
"Il y a une telle baisse d’activité qu’ils ne peuvent pas faire autrement", réagit Guy Vandel. Les salariés en chômage partiel seront indemnisés à hauteur de 80% de leur salaire".
Des contrôles aussi côté français
Richard, lui, continue à travailler. Pour combien de temps ? Il ne sait pas. Un de ses collègues, malade, est rentré chez lui. Toute l'équipe attend les résultats du test covid-19.Ralenti par les contrôles suisses ce matin, il ne sait pas non plus combien de temps il mettra à revenir à son domicile ce soir. En fin de journée, la police aux frontières française pourrait prendre le relais des douaniers suisses. "Ne rentreront en France que les personnes qui ont un motif légitime, dont professionnel, nous précise la préfecture du Doubs ce mardi. On ne peut plus venir en France pour se balader ou pour le tourisme »
La crise liée au coronavirus bouleverse en tout cas le quotidien des travailleurs frontaliers, qui chaque jour circulent désormais d'un pays confiné à un autre en état d'urgence.