Mardi 5 novembre 2024, un Franc-comtois travaillant en Suisse a partagé sur les réseaux sociaux sa solution pour résoudre les bouchons à la frontière : une ligne aérienne franco-suisse. Une boutade qui fait beaucoup réagir et relance le débat sur les mauvaises conditions de circulation des frontaliers dans le Haut-Doubs.
Une plaisanterie qui a pris une ampleur inattendue. Mardi 5 novembre 2024, un post original est publié sur le groupe Facebook Info Trafic Haut Doubs. "Face au ras bol des frontaliers qui font la navette entre Pontarlier et la Suisse", peut-on y lire, Peter Traxx, du nom de l'auteur de la publication, assure qu'un nouveau "moyen de transport va bientôt prendre son envol" : la compagnie aérienne "Frontaliair lines". Son but : "permettre aux frontaliers de drastiquement réduire leur temps de trajet entre la France et la Suisse", thématique qui fait beaucoup parler ces derniers mois.
S'en suit de nombreux détails, comme une image de cet avion imaginaire, son trajet "entre l'aérodrome de Pontarlier et l'aéroport de Lausanne Blécherette" dans le canton de Vaud voisin, le prix du billet qui pour un "aller-retour sera disponible à partir de 25 euros" et l'annonce qu' "un premier vol aura lieu au printemps 2025". Beaucoup d'éléments qui paraissent réalistes et qui expliquent peut-être la popularité qu'a rencontré le post, partagé près de 200 fois, qui, nous le rappelons, est faux.
Utiliser l'humour pour "faire réagir"
"Je le répète, c'est bel et bien une blague" assure Peter Traxx, de son vrai nom Peter Vereecken, interrogé par France 3 Franche-Comté. "Je suis frontalier depuis maintenant 12 ans, je fais tous les jours les allers-retours depuis ma maison près de Pontarlier jusqu'aux environs de Lausanne. Les galères de transport, je sais ce que c'est. J'ai donc posté cela pour, via l'humour, faire réagir les gens et nos politiques".
Tous les matins, je prends ma voiture pour aller prendre un train en Suisse afin d'aller à Lausanne. Parfois, je le loupe, à cause des bouchons en France. Et j'aimerais bien prendre le train en France mais il n'y en a presque aucun. On aimerait que les choses évoluent.
Peter Vereecken,frontalier depuis 12 ans
Peter Vereecken nous précise avoir, avec d'autres frontaliers, sollicité l'aide de plusieurs politiques sur le sujet en demandant l'organisation de tables rondes sur le sujet. Sans succès. "Donc je me suis dit : "pourquoi pas essayer l'humour", pour continuer à faire parler de nous et sensibiliser les gens à ce propos".
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Mission accomplie. Dans les commentaires de la publication, de nombreux internautes ont relevé le côté humoristique, d'autres se sont pris à y croire. "Bonne idée", "si seulement" ou "c'est top". "C'est la preuve que cette problématique impacte beaucoup de gens" veut croire Peter Vereecken. "Beaucoup de monde souffre de ces trajets longs jusqu'au travail. On est de plus en plus à aller exercer en Suisse, car certains métiers n'attirent plus la population locale. Pourtant, les conditions de circulation ne s'améliorent pas".
Des frontaliers de plus en plus nombreux
En effet, alors qu'en 2022 déjà, l'INSEE soulignait le record d'habitants de Bourgogne-Franche-Comté travaillant en Suisse (44 000, dont les trois quarts venant du Doubs), ce nombre a encore augmenté en 2024. Selon un rapport de France Travail (février 2024), le nombre de travailleurs frontaliers en Suisse venus de Bourgogne-Franche-Comté était de 47 475 en décembre 2023. Une hausse de 7 % en un an. Et de 29 % en cinq ans.
“+ 10% depuis le début de l’année 2024 sur le secteur de Genève. La démographie n’est pas bonne au niveau de la Suisse. Les “boomers” partent en retraite" précisait au mois d'octobre Thomas Fischer, directeur du groupement transfrontalier européen. "Ces migrations du travail sont donc nécessaires. Des frontaliers historiques aussi quittent le monde du travail, une nouvelle génération arrive, et elle arrive de plus loin, Lille, Bordeaux, Marseille”.
Comment améliorer la circulation ?
Quelles solutions adopter, alors que les flux de travailleurs ne vont pas réduire dans les prochains mois ? "Il faut agir sur les moyens de transport, fluidifier les allers et venues" reprend Peter Vereecken. En ce sens, un groupement de frontaliers a lancé il y a quelques jours une consultation publique pour proposer des solutions aux autorités. De son côté Peter Vereecken et quelques collègues souhaitent de leur côté lancer une association pour développer les trains traversant la frontière. "On veut faire remonter les lignes suisses jusqu'à Frasne et Pontarlier".
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Des vœux ne figurant pour l'instant pas dans les priorités des collectivités gérant les transports. Dans un article publié en début de semaine, Michel Neugnot (PS), vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté, notamment en charge des mobilités, précisait que "les lignes que pointent les frontaliers sont régies par les accords franco-suisses".
"Nous sommes tenus de travailler avec le réseau ferroviaire suisse, qui n'a pas le même fonctionnement que nous" assure-t-il. Pour Michel Neugnot, des aménagements peuvent être faits "quand il y a des compatibilités avec le réseau suisse". Il concluait en précisant que, pour ces trains, "de futurs aménagements ne sont pas d'actualité".
Pas de quoi faire fléchir Peter Vereecken. "On continuera à essayer de créer un dialogue, de proposer des solutions". Et si ça ne suffit pas ? "On comptera sur l'humour. À ce sujet, une nouvelle publication loufoque sera publiée dans les prochaines semaines. Si elle obtient encore de la visibilité, les politiques ne pourront pas l'ignorer". On attend de voir.