Le Royaume-Uni a entamé mardi 6 février son troisième confinement national depuis le début de la pandémie de covid-19. Dure nouvelle, même si beaucoup de ses habitants s’y attendaient. Des Comtois expatriés nous ont confié le regard qu’ils posent sur ce nouveau "lockdown".
On ne peut pas vraiment dire que l’année 2021 commence de la meilleure des façons pour tous les Francs-Comtois qui ont choisi de vivre au Royaume-Uni. Alors que le Brexit est entré en vigueur le 1er janvier, le Premier ministre britannique, Boris Johnson a annoncé le lundi 4 janvier un nouveau confinement national, le troisième depuis le début de la pandémie, et ce, à compter de ce mercredi 7 janvier.
On n’est pas sortis des ronces
Un "lockdown" prévisible
Tous les Francs-Comtois expatriés au Royaume-Uni qui nous ont contactés le reconnaissent volontiers : ce nouveau "lockdown" national, ils l’avaient vu venir. Christelle Lorin, enseignante de français dans le South Yorkshire, dans le Nord de l’Angleterre, le résume ainsi : "Je m'attendais à ce troisième confinement car la situation sanitaire est catastrophique ici", précisant que "les hôpitaux ne peuvent plus faire face au nombre de patients, surtout avec cette nouvelle variante du virus". "On savait que ça nous pendait au nez" confirme Sabrina Lebnaoui-Fennell, assistante de direction haut-saônoise expatriée à Londres : "On a essayé de se préparer psychologiquement".
Je l’attendais, j’étais prête. Et puis on fait avec, on n'a pas trop le choix.
Mais il n’est pas toujours simple d’être dans les meilleures dispositions mentales, d’autant plus que dans certaines régions, les habitants sont plus ou moins confinés depuis début décembre, voire octobre. Sophie Bourdenet, salariée dans une agence de recrutement londonienne, l’avoue : "Cela devient épuisant, je travaille à la maison depuis mars 2020, et depuis fin octobre je ne peux voir personne d’autre que mon compagnon qui vit avec moi". Même ceux qui disent avoir toujours gardé le moral, comme Yannick Zaidi, un Bisontin d’origine, conseiller indépendant dans la publicité, accusent le coup : "On est le 4 janvier, on démarre l’année, et là, boum, on y retourne. C’est dur à avaler".
La politique du gouvernement Johnson vivement critiquée
Sabrina Lebnaoui-Fennell ne s’en cache pas : "ici on est très frustrés, très en colère". Au cœur des critiques : des choix gouvernementaux décrits comme flous, effectués en retard, ou même incohérents. Un sentiment partagé par Sophie Bourdenet : "Ce qui me rend furieuse, ce sont les volteface permanentes du gouvernement". Un constat qui pourrait rappeler des souvenirs aux Français. "Un jour ils nous disent blanc, et soutiennent mordicus que cela restera blanc, explique-t-elle, pour nous annoncer du noir le lendemain, droits dans leurs bottes."
Des changements de ligne politique qui ne simplifient pas l’organisation des familles au quotidien. Sabrina Lebnaoui-Fennell s’agace par exemple que les écoles aient été ouvertes ce lundi, après deux semaines de vacances, pour fermer le soir même. "Comme ils sont allés à l’école lundi, toutes les mesures de protection prises pendant les vacances sont parties par la fenêtre", constate-t-elle. Dans son discours lundi, le Premier ministre britannique a expliqué que "les écoles peuvent jouer un rôle de vecteur de transmission". Alors, "tous ceux qui auraient pu demander aux grands-parents de les aider ne peuvent plus", remarque la Haut-Saônoise, qui avoue éprouver une certaine lassitude à jongler entre son métier en télétravail et la garde de ses enfants ; quand bien même son employeur est compréhensif.
Pas simple pour les professeurs non plus. Christelle Lorin, enseignante de français, continue de faire cours, car "les écoles restent ouvertes pour les enfants vulnérables et de l'éducation spécialisée, aussi pour les enfants des travailleurs essentiels". "Nous n’avons eu qu’une journée pour tout organiser", raconte-t-elle ; "ça va être très stressant pour tout le monde". Et si les écoles sont fermées, les crèches, privées au Royaume-Uni, elles, restent ouvertes.
Pas d’attestations de déplacement, mais le Brexit qui s’ajoute aux difficultés logistiques
Autre source d’agacement face aux mesures gouvernementales : beaucoup des restrictions ne sont pas forcément contraignantes. "Il n’y a eu aucune mesure pour empêcher les gens de changer de zone", note Sabrina Lebnaoui-Fennell.
Vous pouvez mettre des règles contraignantes ou non, il y aura toujours la même proportion de gens qui s’en fichera et fera n’importe quoi
Mais de nombreux Francs-Comtois nous ont aussi confié qu’ils étaient plutôt contents que le gouvernement n’ait pas opté pour la même politique que la France. Pierre-Emmanuel Faivre, chef de projet, originaire de Villers-le-Lac dans le Doubs et expatrié à Londres, explique : "Je pense qu’au Royaume-Uni on a cherché avant tout à ne pas donner de coup d’arrêt à l’économie". D’ailleurs, malgré ses vives critiques des mesures britanniques, Sophie Bourdenet nous le confie : "Je suis néanmoins contente de ne pas avoir le système d'attestation, de limite de distance et de couvre-feu comme en France. Je trouve ces dérives autoritaires dangereuses et malsaines."
En revanche, s’ils n’ont ni attestations, ni limites de distance, ces expatriés doivent faire face au Brexit. Entré en vigueur le 1er janvier, il a lui aussi compliqué pour quelques jours au moins le quotidien. "C’est un peu la misère", lâche Sabrina Lebnaoui-Fennell. Après quelques jours où les rayons de produits frais étaient parfois vides, ils sont maintenant à très courte durée de consommation. "Mardi [5 janvier, NDLR], le plus que les produits pouvaient durer c’était le vendredi 8 janvier", se souvient-elle. Difficile de faire des provisions pour éviter de sortir. Quant aux livraisons, "j’ai réussi à en trouver une pour le 12 janvier, mais sinon la prochaine c’était en mars". "Ça ne va pas durer", préfère penser Yannick Zaidi.
Une lueur au bout du confinement : le vaccin
On se dit qu’on pourra peut-être commencer à vivre, parce que là on ne vit pas, on survit
Atout des expatriés sur leur famille restée en France : la vaccination, qui se déroule en Grande-Bretagne à un rythme bien plus soutenu. D’ailleurs, pour Nathalie Lyautey, entrepreneuse originaire de Vesoul et installée dans le sud de l’Angleterre, la campagne vaccinale semble bien partie. "Mon beau-père de 86 ans a eu son premier vaccin avant Noël et il aura la deuxième dose à 21 jours d’écart", raconte-t-elle. "Il a rendez-vous demain".
Tous ceux qui nous ont parlé s’accordent pour dire que les réticences au vaccin leur semblent bien moins présentes au Royaume-Uni qu’en France. Yannick Zaidi y voit une différence culturelle : "c’est la mentalité anglo-saxonne", expose-t-il, "si vous voulez que les choses repartent, il faut que ce soit réglé, c’est business first". Entrepreneur de 37 ans et atteint d’une maladie cardiaque, il espère être vacciné d’ici à la fin du mois de février.