Les conseils municipaux, même déjà élus le 15 mars, n’ont pas pu élire leur maire. Dans certaines communes, la situation est insupportable, notamment quand le maire sortant a été battu. Tout devrait être résolu fin mai, quand les élus pourront enfin se réunir.
Les situations sont très disparates d’une commune à l’autre. Sur les 35 000 et quelques communes de France, 30 000 ont déjà élu, au premier tour le 15 mars, leurs représentants à la mairie.
Mais, situation inédite dans notre pays : aucun maire n’a été élu car les réunions prévues pour installer les conseillers municipaux ont été jugées trop dangereuses en pleine épidémie. Déjà, suite au premier tour des municipales, des présidents et des assesseurs de bureau de vote ont été contaminés… Pas besoin d’en rajouter !
La cohabitation est donc inédite entre un maire qui n’a plus de pouvoir, bien qu’il doive gérer la crise, et une nouvelle équipe qui n’a pas de légitimité légale.
Les communes où ça va bien...
Dans certaines communes, comme à Dole, Vesoul ou Pontarlier, pas de difficulté. Le maire sortant se représentait et il a été élu. Sa légitimité s’en est donc trouvée renforcée. Il avait peut-être envie de changer d’équipe ou d’adjoints, il devra juste patienter un peu.
Arbois
D’autres maires avaient choisi de ne pas se représenter. C’est le cas à Arbois où Bernard Amiens avait décidé de ne pas rempiler pour un nouveau mandat. Pour lui, il n’y a actuellement aucun problème : « La situation est relativement simple. Il y a une bonne entente avec celle qui sera maire, Valérie Depierre, et son équipe. D’ailleurs, on se rencontre, toujours en respectant les distances. Toutes les décisions sont prises ensemble et je les assume comme maire puisque je suis toujours maire. C’est vrai que je ne suis pas un battu, ça doit aider les choses. » Valérie Depierre, élue le 15 mars et futur maire, confirme : « Dès le lundi 16 mars, Bernard, mon équipe et moi, on s’est réuni. Il n’y a aucune animosité entre nous. Notre priorité, c’est de s'occuper des Arboisien, c’est de gérer l’urgence. On a envie d’agir, c’est normal, on est élu pour ça. Bernard fait comme si on était déjà en place. »
Les communes où la situation est insupportable
Gros plan maintenant sur des villes où la situation est particulièrement difficile. C’est le cas à Ornans, Metabief, Mouchard ou encore Valdoie. Dans ces communes, le maire sortant, qui se représentait, a été battu. Il est toujours en place et doit gérer la crise et son déconfinement alors qu’il a perdu l’élection, l’envie quelques fois de le faire et surtout la légitimité auprès des habitants.
Metabief
« J’en ai gros sur la patate. » Au moins, Gérard Deque, maire emblématique de Metabief depuis 2001 le dit sans détour. La défaite du 15 mars passe mal, surtout la campagne électorale : « Sur Facebook, j’ai eu droit à des propos haineux. La campagne a été haineuse. C’est ça qui est le plus difficile. Faut tirer un trait, même si moi j’avais encore envie de faire des choses. C’est comme un deuil. »
Celui qui est encore maire et vice-président de la communauté de communes enchaîne : « J’étais encore en réunion à la Comcom hier soir pour préparer la rentrée dans les écoles. Je m’inquiète : comment nettoyer les salles trois fois par jour, assurer la cantine, faire que les élèves ne se croisent pas ? On a plus de questions que de réponse... » On sent qu’il est encore dans l’action.
Son futur successeur, Gaël Marandin, raconte que les échanges se font avec Gérard Deque « a minima. On a pris contact avec les personnes âgées de la commune, lui aussi. On ne travaille pas ensemble mais on met les informations en commun. »
Mouchard
Michel Rochet, le futur ex-maire de Mouchard, à défaut de parler de sa défaite, préfère évoquer la situation : « On n’a fait que la moitié des élections. On aurait dû élire les maires dans la foulée. On n’a jamais vu ça ! La vie d’une collectivité ne peut pas s’arrêter. On ne se voit pas trop, mon ancienne adjointe et moi. »
Eh, oui, la « futur maire », Sandra Hahlen, a été son adjointe aux affaires sociales. Situation pas facile... Elle se désole : « Nous ne pouvons décider de rien. Je voudrais bien freiner certains travaux, mais je n’ai pas le droit. Moi, je suis professeure des écoles. Je ne sais même pas comment on va s’organiser pour la reprise. Oui, la communication est très compliquée entre nous. »
Ornans
« C’est inconfortable pour tout le monde. » constate Sylvain Ducret le maire d’Ornans battu. Voilà un point, et peut-être le seul, sur lequel la future maire Isabelle Guillame est d’accord. Après une élection municipale en 2014 et une partielle en 2018 perdues, elle a remporté le scrutin de mars dernier à sa troisième tentative.
Sylvain Ducret poursuit : « Je gère juste les affaires courantes. La page se tourne pour moi, même si je suis tous les jours en mairie. Le directeur général des services fait à Isabelle Guillame des compte-rendus. Et je ne veux surtout pas polémiquer. »
Isabelle Guillame ne voit pas les choses de la même manière : « Moi non plus, je ne veux pas polémiquer mais je ne suis au courant de rien ! Sylvain Ducret ne fait aucun effort pour nous impliquer. J’ai peur qu’on perde beaucoup de temps. Pour le budget, pour la suite. Je reçois plein d’appels de commerçants, d’artisans mais je ne peux rien faire. Mon équipe et moi, on continue de travailler pour préparer la suite. Je ne veux surtout pas que le centre ville d’Ornans soit rempli de vitrines noires, de magasins fermés... L’après-crise prépare maintenant. »
Valdoie
Dans cette commune du Territoire de Belfort, la situation est très, très difficile pour Corinne Coudereau, maire sortante battue. Pendant la campagne, elle a attrapé le Coronavirus, elle a même été hospitalisée. Elle a été battue le 15 mars après une campagne très tendue et qu’elle n’a pas pu mener jusqu’à son terme : les 15 derniers jours, elle était couchée. Et, cerise sur le gâteau, elle ne peut compter que sur peu d’agents municipaux : elle était en opposition avec eux, suite à des licenciements et des suppressions d’avantages...
(Un recours a même été déposé devant le tribunal administratif pour demander l’annulation de cette élection municipale à Valdoie.)
Son adversaire, ancienne employée de la mairie, constate, elle aussi, que la campagne a été très compliquée : « Aujourd’hui, mon équipe et moi, on ressent surtout de la frustration. On n’a aucune satisfaction à être élu ! Les Valdoyens nous interpellent, nous demandent ce que nous faisons. Rien, en fait. On ne peut rien faire. Elle ne nous informe même pas. Ah, si... Elle m’a envoyé un mail pour me dire qu’elle avait commander des masques et le coût. »
Pour Corinne Coudereau, malgré les circonstances, il est important qu’elle continue son job de maire : « Je me sens un peu seule, c’est vrai. Je ne peux compter que sur très peu de gens à la mairie et dans mon ancienne équipe. Malgré tout, il faut gérer cette crise. A l’Ehpad, la Rosemontoise , on a eu beaucoup de décès. C’était des gens que je connaissais, auxquels je rendais visite. Il faut s’ocuper aussi des personnes âgées qui sont chez elles, trouver des masques. Et aussi préparer la reprise des écoles. J’ai commandé 10 000 masques, sans engager trop de frais, 36 000 euros, car je ne veux pas que la nouvelle équipe me reproche des dépenses inconsidérées. »
Elle semble vraiment fatiguée, même au téléphone, sa lassitude est perceptible : « J’ai vraiment hâte que cette situation s’arrête ! »
La situation devrait revenir à la normale fin mai
Situation anormale qui doit prendre fin le plus vite possible : c’est ce que demandent tous les élus, battus et vainqueurs.
Justement, à la séance des questions au gouvernement, Jean-Marie Sermier, député LR, du Jura a posé une question à ce sujet. C’est le Premier Ministre lui-même, Edouard Philippe, qui lui a répondu. Prochaine date importante sur le déroulement de cette crise sanitaire : le 23 mai, le conseil scientifique fera le point sur la première phase du deconfinement. S’il donne son feu vert, les conseils municipaux, en ajoutant les 5 jours pour le délai réglementaire de convocation, pourront se réunir, enfin, dès le 28 ou plus certainement à la fin de semaine c’est à dire les 29, 30 ou 31 mai.
Les conseils municipaux pourront alors élire les maires et les adjoints, mettant ainsi fin à une situation intenable dans certaines communes.
Les exécutifs, nouveaux, pourront alors faire leur travail d’elus.
Et comme dit Isabelle Guillame, future maire d’Ornans: « On pourra enfin fêter notre victoire !. »