Coronavirus Covid-19 : "Si le virus rentre dans l'EHPAD, ce sera une catastrophe"... paroles de soignants en EHPAD

Alors que l'épidémie engendrée par le coronavirus continue à progresser, nous nous sommes intéressés aux conditions de travail des personnels des EHPAD de la région. Quelles sont leurs conditions de travail ? Comment gèrent-ils le manque de matériel ? Paroles de soignants en EHPAD francs-comtois.

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"C’est la plus grave crise sanitaire qu'ait connue la France depuis un siècle", a déclaré le président de la République, jeudi 12 mars 2020. L’épidémie due au coronavirus a fait trois nouveaux décès dans la région ce jeudi 19 mars, ce qui porte à 23 le nombre de victimes du COVID-19 en Bourgogne-France-Comté.

Partout en France, les chiffres continuent à grossir et inquiètent. Alors qu'une bonne partie de la population est confinée à domicile, certains travailleurs sont réquisitionnés pour oeuvrer sur le terrain et assurer ainsi une continuité. Les soignants des établissements hospitaliers français sont évidemment en première ligne pour soigner les malades et prendre soin des personnes fragiles.

Les personnes âgées de plus de 80 ans sont les plus à risque face au coronavirus. En effet, le taux de mortalité augmente nettement avec l'âge. Dans les EHPAD de la région, la situation est préoccupante. A Thise, par exemple, 11 personnes âgées sont décédées depuis le début de l’épidémie sans pour autant attribuer ces morts au covid-19, faute de test. Selon une source interne jointe par nos confrères de l'Est Républicain, là bas, "la situation s’aggrave fortement et très rapidement".  

"Dès que le virus est rentré dans l’Ehpad, c’est 5, 10, 15, 20, 75% de résidents atteints pas le virus, et des taux de mortalité qui dépassent dans certains Ehpad les 30%", déplorait Gaël Durel, président de l’association nationale des médecins coordinateurs (MCOOR), sur France 2, le 19 mars.
 

"Nos nerfs sont à rude épreuve"


Nous avons contacté plusieurs soignants travaillant dans des EHPAD de Franche-Comté. Quelles sont leurs conditions de travail ? Comment gèrent-ils le manque de matériel ? Comment les résidents vivent-ils le confinement et l'arrêt des visites ? "Nos nerfs sont à rude épreuve en ce moment mais on tient le coup, pour nos patient·e·s, nos résident·e·s, nous devons assurer la continuité des soins coûte que coûte" nous explique un soignant de l'EHPAD Marcel Guey, situé aux Auxons, dans le Doubs.

Jointe par téléphone, une aide-soignante d'un EHPAD situé à Lons-le-Saunier détaille la situation : "Il y a deux semaines, on a demandé à ce qu'il n'y ait plus de visite extérieure, bien conscients que ça priverait les résidents de leurs familles. Mais nous, on a tout de suite compris que la situation dégénérait. Si quelqu'un l'attrape chez nous il ne sera pas soigné. Ils ne vont pas intuber des personnes de 90 ans, c'est la triste réalité. Si le virus rentre dans l'EHPAD, ce sera une catastrophe."

Dans son EHPAD, aucun cas officiel n'est à déplorer. De toute façon, les résidents ne sont pas testés officiellement. Cependant, deux personnes âgées ont été mises en confinement par mesure de précaution. Pour les soignants, le stress et l'anxiété se fait sentir à chaque fois qu'ils reviennent au travail, craignant d'apporter avec eux le coronavirus, depuis l'extérieur. "Ce n'est que le début" prédit la Jurassienne.
 

"On doit garder notre déontologie"


Là bas, comme dans tous les EHPAD, le matériel fait cruellement défaut. "On a pas de matériel de protection. On travaille sans masque et sans sur-blouse. On est en rupture de gel hydroalcoolique. Aucun soignant n'était prêt à vivre cette situation. On est pas préparés psychologiquement. La phrase 'On va au front sans arme' est totalement vraie" explique Lucie*.

Dans certains établissements, les médicaments, notamment le paracétamol, pourraient commencer à faire défaut. Selon une source interne, des consignes ont été données par certains directeurs d'établissement dans le but de rationner leur utilisation, afin de ne pas en manquer au moment du pic épidémique.

A l'EHPAD des Auxons, du matériel est encore disponible mais en très petite quantité. Le gel hydroalcoolique se fait rare et cela complique évidemment la tâche des soignants. "Quand nous n'en aurons plus du tout, cela va être très problématique, car on se lave les mains jusqu'à 50-60 fois par jour. Si on utilise du savon, j'ai fait le calcul par rapport aux 30 secondes nécessaires avec du gel, on aurait besoin de 1h40 en plus chaque jour. Et on ne les a pas" détaille Hugo*, aide-soignant dans cette petite structure qui accueille 24 résidents. Pour l'instant, aucun cas n'a été recensé dans cet établissement.
 

Lucie*, quant à elle, redoute surtout le moment où le virus s'introduira dans l'EHPAD dans lequel elle travaille. C'est à ce moment là que la situation deviendra, selon elle, très dure à gérer. "C'est un peu le stress, car on a deux cas en isolement. Ils comprennent donc ils restent en chambre. Mais comment nous allons pouvoir tenir certaines personnes, alzheimer par exemple, si elles attrapent le virus ? On ne peut pas les attacher, c'est interdit. On doit garder notre déontologie" s'interroge la soignante.
 

"C'est encore pire pour eux"


Cette situation est bien évidemment extrêmement difficile à vivre et à comprendre pour les résidents, notamment en fonction de leur niveau de conscience et de leurs pathologies. Pour ces personnes fragiles, les visites et les contacts humains sont indispensables quotidiennement. Beaucoup souffrent de stress et de dépression chronique. "L'urgence c'est de les maintenir psychologiquement. On a peur des syndrômes de glissement, des gens qui ne vont plus se nourrir parce qu'ils ne voient plus leurs familles par exemple. C'est encore pire pour eux" confie Lucie*. Les personnels des EHPAD se mobilisent donc pour permettre au maximum de résidents de téléphoner et de prendre des nouvelles de leurs familles.

Pour les personnels soignants, cette gestion de crise est également source de stress. D'autant que ces derniers sont exposés à l'extérieur et subissent eux-aussi les effets du confinement. "On voit des résidents tristes, qui ne voient plus leurs familles, mais nous non plus nous ne les voyons plus" se désole Lucie*. Et d'ajouter : "Moi je ne vais plus en courses mais on sort à l'extérieur pour rentrer chez nous, on travaille... On est susceptible de ramener ce virus à la maison mais aussi dans l'EHPAD."

Tous espèrent que cette épidémie cesse le plus vite possible et en appellent au civisme de chacun : "Que les gens restent bien chez eux. On le répète, mais c'est important.
Il faut respecter le travail du corps médical."


les prénoms ont été changés pour respecter l'anonymat de nos sources.
 
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