Le dessinateur de Savigny-lès-Beaune a sorti le 1er mars "Carnet d’un jardinier amoureux du vivant", le deuxième volume de son carnet regroupant dessins, poèmes et réflexions sur la nature qui l'entoure. Une œuvre rare qui raconte l'attachement d'un homme à sa terre natale...et à son petit espace vert. Rencontre.
Pour parler de lui, Frédéric Bernard emploie souvent la même expression : "touriste de jardin". "Que ce soit dans mon village, ou même dans mon jardin, je ne suis que de passage", sourit malicieusement le dessinateur de bande dessinées et d'ouvrages pour enfants.
Pourtant, lorsque nous passons la porte d'entrée de son domicile de Savigny-lès-Beaune (Côte-d'Or), ce que nous voyons n'a rien de passager. La maison "ancien corps de ferme acheté en 1999 puis rénové avec l'aide de mon frère", selon l'artiste, est ainsi entourée d'arbres, fleurs et arbustes savamment disposés. Le tout constitue un jardin, qui, lui, est bien construit sur le long terme.
"J'avoue que ces 1000 m2 d'espaces verts, je m'en occupe depuis plus de vingt ans", confesse Fred Bernard. Lui, l'enfant du pays né à Beaune en 1969 avant de partir à Lyon puis Paris pour vivre du dessin, est ici dans son cocon. Quand on lui demande de nous expliquer quelles essences composent son jardin, la liste est longue : "j'ai laissé un vieux poirier, quelques noisetiers et un saule marsault. Il y avait aussi une forêt de bambous quand je me suis installé. Moi, j'ai ramené un arbre de Judée, un gingko biloba, un cognassier, un cerisier du Japon, quelques glycines et forsythias". De son propre aveu, la liste de fleurs est encore plus importante.
Un journal intime tout en couleurs
Revenu définitivement à Savigny-lès-Beaune, son village d'enfance, en 2018, Fred Bernard prend alors l'habitude de consigner par dessin tout ce qui se passe dans son jardin. Une sorte "d'inventaire" à destination de son fils, "pour qu’il sache quels étaient les animaux, d’où venaient les plantes, qui les avait installées ici et qu'il connaisse toutes les interactions au sein de la nature".
Au feutre et à l'aquarelle, le dessinateur croque "instantanément" ces éléments de vie. "J'avais pris l'habitude de faire ça pendant mes voyages. Il y a des imperfections, mais ça me fait mes petits souvenirs à moi", témoigne-t-il. Une sorte de journal intime tout en couleurs, réunissant dessins d'animaux, d'arbres, de fleurs mais aussi de paysages, comme les hospices de Beaune, ou de scènes de vie, comme des vacances en famille.
Puis en 2020 vient le Covid. Fred Bernard le passe dans sa maison de Savigny. C'est alors que sa maison d'édition, Albin Michel, a une idée. "Mes éditrices adoraient mes dessins. Elles ont donc voulu les publier sous forme de recueil. On a donc sélectionné 200 croquis, agrémentés de poèmes et d'extraits de romans qui parlaient de la nature et des jardins".
Sort alors Carnet d’un voyageur immobile dans un petit jardin (2020), qui rencontre un grand succès. "On a écoulé plus de 15 000 exemplaires. J'étais le premier à penser que ça n'intéresserait personne. Le jardinage, pour moi, c'était un truc de vieux ! Mais non, au contraire, j'ai eu beaucoup de jeunes qui m'ont envoyé des messages. J'ai sans doute pu profiter d'un effet confinement, avec des gens qui voulaient s'évader un peu", explique le dessinateur, presque gêné.
Aujourd'hui, le recueil a été publié en version coréenne. Le livre devrait également sortir sous peu en Italie et en Espagne. Devant cet engouement, Albin Michel encourage Fred Bernard a sortir un deuxième opus de ses "carnets de jardins". "Le premier tome couvrait la période 2018-début du confinement. Mais je ne me suis pas arrêté pour autant ! Le 2e opus, 'Carnet d’un jardinier amoureux du vivant', commence en plein Covid et se termine juste avant 2022."
Un deuxième tome plus engagé
Si la nature y est toujours omniprésente, le contenu change un petit peu. "Il y a plus de dessins qui témoignent des changements dus au réchauffement climatique. Des nouveaux oiseaux qui arrivent, des rivières qui s'assèchent, des arbres qui noircissent et donnent moins de bois, etc." Fred Bernard chronique les changements de la nature qu'il aime tant... et s'interroge : "Le propos est écologique, plus engagé. Ca me peine de voir certains changements, de voir les saisonnalités bouleversées. J'agrémente tout cela par des paroles ou des essais sur le climat."
Une chose ne change pourtant pas : la présence du jardin, toujours là, au fil des pages. "Ce que j'aime avec mon extérieur, c'est que c'est une des seules choses qui n’accélère pas. Il continue son rythme, malgré tout les changements technologiques et de communication. Il y a encore quatre saisons, même si elles se sont un peu abîmées. C’est très apaisant. Tout cela change, mais en même temps, reste immuable."
Pour ceux qui se poseraient la question, non Fred Bernard n'a pas arrêté de dessiner le quotidien de son jardin beaunois. Qui sait, il pourrait peut-être écrire un troisième tome. Pour une nouvelle balade philosophique entre jardins, vignes et villages, nous, on ne dit pas non.