Témoignage. "L'autisme est une forme d'humanité tout à fait digne" : atteint du syndrome d'Asperger, le pianiste William Theviot se confie

Ce jeudi 2 février, le pianiste William Theviot, dont la famille est originaire de Beaune, s'est confié sur les discriminations subies par les artistes porteurs d'handicap dans le milieu musical.

Sa famille est d'originaire de Beaune en Côte-d'Or mais il est né à Bordeaux en 1993. À sept ans, William Theviot tombe dans la musique et suit les traces de ses deux sœurs aînées, en apprenant le piano. Le jeune homme gravit les échelons et intègre le conservatoire de Bordeaux, où il sera diplômé. Grand amoureux de la musique classique, le Bordelais rêve de vivre de sa passion. Mais à 19 ans, William est diagnostiqué du syndrome dit d'Asperger, un trouble à l'ordre autistique.

Dès lors, le jeune homme constate que sa différence psychique n'est pas bien perçue au conservatoire. "J’aimais bien poser beaucoup de questions car je suis quelqu’un de très perfectible. Je veux tout savoir et tout connaître sur le morceau. Les professeurs voyaient cela d’un mauvais œil, comme si je leur tendais un piège. J’ai été mis à mal par plusieurs personnes. Pourtant je n’étais pas insolent, j’essayais juste de communiquer avec eux."

On se méfie de vous, c’est très délicat. Pourtant, je ne suis pas le seul et ce genre de profil comme le mien peut beaucoup apporter à la musique mais on ne nous en laisse pas l’opportunité.

William Theviot

Pianiste - Conférencier atteint du syndrome d'Asperger

"On a de grandes capacités pour faire de la musique"

À 29 ans, la carrière du jeune homme est déjà marquée par de nombreuses discriminations. "Au début du mois de janvier, une pianiste géorgienne très connue était à Bordeaux pour un showcase à l'opéra. Lors d'une conférence, je me suis permis de lui demander si elle s'intéressait aux artistes en situation de handicap. Je ne sais pas si elle était sincère, mais elle a répondu oui."

Le jeune homme poursuit : "à la fin, j'ai été la voir pour lui demander si je pouvais faire sa première partie pour son concert du 2 avril, qui est par ailleurs la journée mondiale de la sensibilisation à l'autisme. On m'a répondu "pourquoi pas" mais ils ne m'ont plus jamais répondu par la suite." 

Selon William, le milieu musical montre encore des lacunes et manque d'ouverture d'esprit face aux artistes porteurs d'handicap. "Les personnes atteintes d'autisme ont de grandes capacités pour faire de la musique. Mais à un moment, la personne en face de nous n'est pas préparée à avoir quelqu'un d'intransigeant, qui va poser des questions. Nous avons un souci de perfectibilité, une obsession qui va toujours vers un idéal. Nous sommes des personnes qui ont besoin d'avoir la note juste, de travailler sur plusieurs tableaux pour essayer de rassembler différentes composantes de ce qu'on veut entendre dans une œuvre."

"L'autisme est une forme d'humanité tout à fait digne"

Comme William, les personnes atteintes de ce syndrome présentent des lacunes au niveau des compétences sociales et de la communication, mais n'ont pas de déficience intellectuelle. Et le Bordelais avoue que, sa différence psychique, ce ne sont pas lui mais les autres qui lui font remarquer. "C'est comme si vous étiez dans une cage de verre. Nous sommes dans une société hostile qui vous rejette. Elle provoque l'autisme plutôt que la personne le développe."

Au-delà du domaine musicale, c'est toute une société qui rejette les personnes atteintes de syndrome d'Asperger, selon William. "On dit que le monde change, que les mentalités évoluent mais ce n’est pas vrai. Ce que j'aimerais, c'est qu'il y ait une écoute bienveillante. Il serait temps de donner la parole aux artistes en situation de handicap et en particulier d'autisme qui sont absolument inoffensifs, et pourtant ont beaucoup de choses à apporter."

"C'est un angle mort de la médiatisation, il y a très peu d'articles sur la musique et le handicap. Les médias n'en parlent pas de façon positive, ils utilisent le terme de maladie par exemple. Mais c'est une particularité, un syndrome, une différence psychique… Il faut faire avancer le débat public qui est souvent sourd et qui n’est pas pour le moment ouvert à ces thématiques. L'autisme, c‘est une autre forme d’humanité qui est tout à fait digne et extrêmement défendable, et pourtant rejeté par des canons sociaux."

On brûle de désespoir quand on voit que les choses ne vont pas être entendues spécifiquement, et pour de mauvaises raisons. Peut-être que mon discours est atypique et original mais pourtant il a tout lieu d'être et si on pouvait y prêter attention on se dirait "ah oui bon ce gars, il avait pas forcément la forme mais le fond".

William Theviot

Pianiste - Conférencier atteint du syndrome d'Asperger

"Stop, je ne peux plus tenir"

Actuellement, le pianiste souffre de la situation. "Il y a des moments où je me dis "stop je ne peux plus tenir". Il faut absolument que je fasse une pause ou même arrêter définitivement, si c'est nécessaire. J'ai ma maman qui a 72 ans et je voudrais absolument qu'elle sache que je suis sur la bonne voie avant qu'elle parte."

William Theviot ambitionne un jour de faire un documentaire sur des artistes atteints d'autisme qui essaient de se faire entendre. Vous pouvez le retrouver sur sa chaine YouTube où il publie des vidéos de musique et de conférence. Mais aujourd'hui, le jeune homme continue les concerts au plus grand plaisir de son public. Avec son piano, le Bordelais est bien décidé à prouver que la musique est un domaine que tout le monde peut s'attribuer, et ne désespère pas pouvoir un jour modifier les codes d'un milieu qui l'a trop souvent rejeté.