Le mois de septembre, c'est la rentrée universitaire et aussi un moment spécial pour de nombreux jeunes qui découvrent le monde étudiant. Mais cela veut aussi parfois dire passer par le bizutage. Aujourd'hui, les écoles se battent contre cette pratique, qui s'est avérée fatale par le passé. Illustrations en Bourgogne.
Son bizutage, il s'en rappelle comme si c'était hier. 2019, Mattéo a 18 ans et intègre l'Esirem, une école d'ingénieurs à Dijon. Alors que les cours ont commencé depuis quelques jours, il est convoqué un samedi matin avec le reste des étudiants en première année.
"On nous a fait croire qu’on avait un examen d’anglais, l'enseignant était complice", raconte le jeune homme de 23 ans. "On nous a donné les sujets, mais le contrôle était beaucoup trop dur pour des élèves de première année. Au bout de 15 minutes, plusieurs élèves des années supérieures sont rentrés dans l’amphithéâtre. Ils criaient, chantaient les chants de l’école. Un étudiant s’est fait attraper et ils lui ont rasé le crâne, mais c'était un complice."
C'est comme une balle au prisonnier, sauf qu'à la place du ballon, c'est un vrai poulpe acheté chez le poissonnier.
MattéoAncien étudiant
Les "bizuts" sont ensuite sortis de l'amphithéâtre et alignés le long d'un mur. Les étudiants leur jettent alors de la farine, des œufs et du cacao. "Après, il y avait plein de petits jeux. Je me souviens avoir fait un poulpe au prisonnier. C'est comme une balle au prisonnier, sauf qu'à la place du ballon, c'est un vrai poulpe acheté chez le poissonnier. Le soir, on a fini par une soirée étudiante."
Des bizutages fatals par le passé
Si Mattéo garde un bon souvenir de cette journée, l'Esirem n'a plus jamais autorisé ce genre de bizutage. Il y a quelques années, beaucoup d'établissements du supérieur avaient vu leur image prendre un coup, avec des "intégrations" qui ont mal tourné.
En 2012, un élève de l'école militaire de Saint-Cyr est mort noyé lors d'un bizutage. En 2017, un étudiant en chirurgie dentaire a perdu la vie lors d'un bizutage en week-end d'intégration. En 2018, un étudiant a trouvé la mort à la suite de son "intégration" en Belgique.
En 2021, un jeune homme est décédé lors d'une soirée d'intégration à Lille. Plusieurs étudiants avaient été jugés pour "bizutage" et "complicité " et l'université avait été mis en cause dans un rapport.
C’est pour éviter ce genre de problèmes qu’on a mis ça en place. On a vu ce qui pouvait se passer dans d’autres écoles.
Alexandrine BornierResponsable département du développement et accompagnement personnel à la BSB
Aujourd'hui, les établissements comme la Burgundy School Business à Dijon, une école de commerce, mettent un point d'orgue à rassurer les nouveaux étudiants lors de leur arrivée. "On les réunit dans un amphithéâtre pour les sensibiliser. On a le chef de l'état-major de la direction interdépartementale de la police qui vient leur parler", explique Alexandrine Bornier, qui a la mission de s'occuper de la vie du campus et la vie associative à la BSB.
Le danger des week-ends d'intégration
Les écoles sensibilisent également autour des week-ends d'intégration, un moment charnière pour les tout jeunes bacheliers dans leurs nouvelles vies d'étudiants. Et là aussi, la direction de l'établissement ne laisse rien au hasard. "On se met d’accord avec la police et on embauche deux policiers pour gérer la sécurité. On fouille aussi les bagages au moment du départ pour s’assurer que les étudiants n'ont rien."
Bien souvent, il y a tout un imaginaire sur le week-end d’intégration.
Alexandrine Bornier
Avant le début du week-end d'intégration, des règles sont mises en place et les étudiants doivent signer une charte d'engagement. "On a connu des événements un peu bêtes par le passé, mais rien de dramatique. Chaque année, la préfecture nous met en garde sur l’organisation du week-end d’intégration. Il vaut mieux organiser et encadrer ce genre d'événement que laisser les étudiants en organiser un sauvage."
Ainsi, la BSB assure que les nouveaux étudiants se sentent plus en sécurité à l'approche de l'événement. "C’est quelque chose de rassurant pour eux. Bien souvent, il y a tout un imaginaire sur le week-end d’intégration. Ils peuvent avoir peur par rapport à tout ce qu’ils ont entendu et ça rassure les parents et les étudiants. Le but du jeu, c’est de s’amuser, et pas de bizuter."
"On est dans un encadrement assez stricte des périodes d’intégration"
Du côté de l'École Supérieure Nationale d'Arts et Métiers (ENSAM) de Cluny (Saône-et-Loire), on assure que le bizutage fait partie du passé. En 2002, deux élèves ont été sanctionnés pour bizutage, ce qui a conduit à la manifestation de 700 personnes pour le maintien de "l’usinage."
"La politique de l’établissement, c’est l’interdiction de tout comportement relationnel entre les élèves qui puisse être qualifié de bizutage" explique Michel Jauzein, directeur du campus de Cluny. Désormais, il y a une co-construction d’un programme d’intégration qui est discuté chaque année par l’union des élèves, la société des ingénieurs Arts et Métiers et la direction. "On établit un document qui est co-signé. Il y a un suivi renforcé avec des rencontres d’élèves de première année pour vérifier la bonne application de cette charte".
Pour rappel, il est interdit de forcer quelqu'un à commettre des actes humiliants. Selon le Code pénal, c'est un délit punissable de 7 500 euros d'amende, ainsi que de six mois de prison.