Bourgogne : pourquoi les sangliers s'aventurent-ils près des villes cet hiver ?

Fin décembre, une battue administrative était organisée à Semur-en-Auxois, en Côte-d'Or, pour faire fuir des sangliers qui avaient investi un quartier de la commune. La faim pousse les animaux à sortir des forêts.

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Quand ils arrivent en ville, les Semurois changent de trottoir. A la nuit tombée, les sangliers sont une trentaine à trottiner dans les rues de la cité, du côté de la route de Massène.

En décembre dernier, ils se sont aventurés jusqu'à la biscuiterie Mistral, près du magasin biologique et même de la gare. Certains habitants les ont vus sur des aires de jeux. C'est ce qui a incité la maire de Semur-en-Auxois, en Côte-d'Or, à demander une battue administrative le 30 décembre 2021.

Cela pose un vrai problème de sécurité. Les habitants commençaient à retrouver des sangliers dans les rues, ils s'approchaient des habitations et les gens avaient peur.

Catherine Sadon, maire de Semur-en-Auxois

La mobilisation de chasseurs et de lieutenants de louveterie lors de cette battue dite de "décantonnement" devait permettre d'effaroucher les animaux pour les dissuader de revenir dans cette zone aux abords de la rivière Saussiotte où deux friches de ronces fournissent un garde-manger aux cochons sauvages.

Depuis, les riverains constatent qu'il y a moins de sillons et de boutis, traces de leurs passages dans les terrains environnants depuis la battue. 

Une recrudescence de la population de sangliers

Semur-en-Auxois n'est pas un cas isolé. Les sangliers commencent à quitter les forêts de la combe à la Serpent, sur les hauteurs de Dijon, pour s'aventurer dans les champs à Plombières-les-Dijon et à Corcelles-les-Monts. Comment expliquer que les sangliers, animaux plutôt craintifs, pénètrent en ville ?

C'est la faim qui pousse les sangliers à sortir des forêts.

Pascal Sécula, président de la fédération départementale de la chasse de Côte d'or

Cet hiver, les fruits forestiers, comme les glands et les faînes, manquent cruellement. Pascal Sécula explique : "Les épisodes de gelées qui ont impacté les arbres fruitiers ont aussi touché les forêts. Les sangliers se retrouvent sans nourriture. Ce sont des animaux très intelligents donc ils sortent fouir dans les champs et dans les friches industrielles. Ils vont même jusqu'aux stabulations des agriculteurs."

Thierry Besançon est le représentant de la FDSEA qui suit le dossier "sangliers". Il confirme que les agriculteurs de tout le département remontent des dégâts causés par les sangliers sur leurs parcelles : "Aujourd'hui, la forêt côte-d'orienne ne peut plus accueillir toute la population donc ça déborde dans les cultures, les prairies et même les villes", explique l'agriculteur. 

Pour que la population puisse se nourrir uniquement en forêt (de fruits et de larves notamment), il faut en moyenne 5 sangliers pour 100 hectares de forêt. En Côte-d'Or, dans certaines zones, on est à 50 têtes pour 100 ha.

Thierry Besançon, président de la commission dégâts de gibiers FDSEA

Une surpopulation préoccupante

Pontailler-sur-Saône, Fontaine-Française, Montigny-sur-Aube...  Depuis 2018, la direction départementale des territoires (DDT) de Côte-d'Or confirme que le problème de surpopulation est identifié et qu'il y a "treize points noirs".

"Nous avons mis en place un comité de suivi avec les lieutenants de louveterie, les chasseurs et les agriculteurs. Quand il y a une zone où il y a beaucoup de dégâts dans les cultures, nous pouvons organiser des chasses simultanées sur plusieurs communes, augmenter la fréquence des chasses ou attribuer de nouveaux bracelets dans les zones de surpopulation", explique la DDT. 

Pour cette campagne de chasse, jusqu'au 31 mars 2022, la préfecture et la DDT ont autorisé la chasse de 20.898 sangliers. Pascal Sécula, le patron des chasseurs du département précise : "Il faut savoir, qu'à fin décembre, nous en avions déjà prélevés 10.000. C'est un record et la preuve qu'il y a une augmentation des populations." 

Autre record préoccupant : le nombre de signalements de dégâts dans les cultures reçus par la FDSEA.

"Tous les secteurs géographiques sont touchés. J'estime que les sangliers ont déjà fait pour 1 million d'euros de dégâts."

Thierry Besançon, président de la commission dégâts de gibier FDSEA 21

Quelles solutions ?

Le problème de surpopulation de sangliers est difficile à régler et, de l'avis général, cela passera par la chasse. D'ailleurs, le nombre d'attribution de bracelets pour la campagne 2021-2022 va être relevé ces prochains jours par la DDT.

Pour limiter les dégâts sur les cultures, le chasseur Pascal Sécula milite lui pour maintenir l'agrainage toute l'année. Cette pratique, très contestée, consiste à mettre de la nourriture à disposition du gibier.  "Un agrainage raisonné permettrait de maintenir l'animal en forêt, de pouvoir le chasser davantage et d'éviter qu'il y ait des impacts sur les cultures et dans les villes", argue le chasseur.

Depuis six ans, en Côte d'or, la pratique est suspendue entre le 1er décembre et le 28 février 2022, à la différence de l'Yonne ou la Haute-Marne.  De nombreux agriculteurs, comme Thierry Besançon, sont vent debout contre cette pratique : "agrainer revient à transformer des animaux sauvages en animaux domestiques et à contrer toute sélection naturelle. Lorsque vous nourrissez les laies, elles se reproduisent encore plus et elles peuvent faire jusqu'à dix petits. Cela ne protège pas nos cultures. Au contraire, c'est un cercle vicieux." 

A la DDT, même son de cloche, l'agrainage ne sera pas autorisé jusqu'à nouvel ordre car ce serait contre-productif : "Si le sanglier sort de son territoire, c'est qu'il y a surpopulation et qu'il cherche un refuge. Dans les friches industrielles, il y a à manger et une zone de quiétude où il n'est pas chassé" nous explique-t-on.

Le sujet est sensible car les sangliers s'approchent de plus en plus des exploitations agricoles. La transmission d'épidémies, comme la tuberculose bovine ou la peste porcine présentes en Europe, est dans les esprits. L'écosystème forestier souffre lui aussi.

Les chasseurs, les agriculteurs et l'Etat sont d'accord sur un point : la maîtrise de la surpopulation des sangliers est un enjeu majeur pour la faune sauvage et domestique, mais il faudra plusieurs années pour réguler cette espèce intelligente.

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