À l'occasion des Grands Jours de Bourgogne, le domaine Armand Heitz à Pommard (Côte-d'Or) a fait découvrir l'un des six cépages hybrides interdits à la commercialisation en France. Objectif : contester leur interdiction pour les remettre au cœur de la production, car ils présentent de nombreux avantages
Des viticulteurs de Bourgogne font de la résistance ! À l'occasion des Grands Jours de Bourgogne cette semaine, le domaine Armand Heitz à Pommard (Côte-d'Or) a partagé sa philosophie autour du monde viticole.
À cette occasion le maître des lieux, Armand Heitz a présenté une cuvée particulière. Un vin issu d'un des six cépages interdits, le noah.
Othello, herbemont, clinton...
Avant de s'intéresser à la production de ce viticulteur, il faut savoir qu'il existe six cépages interdits en France : le clinton, le noah, l'isabelle, le jacquez, l'othello et l'herbemont. Le 24 décembre 1934, un décret a interdit la commercialisation de ces cépages hybrides en France.
La raison officielle ? Ces vins pourraient rendre aveugles et fous à cause d'une forte présence de méthanol. Mais la réalité est tout autre. Ce composé organique est naturellement présent dans tous les vins français. En réalité, ce décret servait à faire face à la crise viticole qui traversait la France dans les années 20.
Le gouvernement voulait trouver une manière drastique de réduire l'autoproduction de vins de la part du monde paysan afin d'écouler les stocks invendus. Jusqu'en 1955, les paysans peuvent produire, mais seulement pour une consommation familiale.
Ce décret a été abrogé le 1er septembre 2003. Les vins provenant de ces cépages sont toujours interdits à la commercialisation, mais pas à la production et la consommation familiale.
Des cépages résistants au réchauffement climatique
Armand Heitz s'est donc lancé dans l'aventure de produire en Bourgogne du vin avec du noah. Le raisin provient lui de vignes du bocage nantais d'un ami. "Le but, ce n'est pas de le vendre", rassure le viticulteur. Le professionnel produit, depuis 2022, une cinquantaine de bouteilles par an pour faire découvrir ces cépages perdus aux curieux.
Les cépages interdits nécessitent zéro traitement contre six à huit traitements en moyenne pour des vignobles modernes
Armand Heitz, viticulteur à Pommard en Côte-d'Or
Selon lui, il est absurde que ces six cépages ne soient pas inscrits dans le catalogue dans lequel sont répertoriés tous les vins français, désignés sous le nom d'appellations viticoles (AOC, AOP et IGP).
Les avantages d'utiliser ces cépages seraient pourtant nombreux, notamment pour résister face au changement de température ou au mildiou. "Mais aussi éviter d'utiliser des traitements phytosanitaires. Ces vignes sont rustiques. Elles nécessitent zéro traitement contre six à huit traitements en moyenne pour des vignobles modernes", détaille Armand Heitz.
Dans un contexte où la filière est encore trop dépendante des produits phytosanitaires, ces cépages représentent donc un nouvel espoir.