La crise politique en France et les tensions géopolitiques ont un effet direct sur le cours de l’or. À Dijon, les salles de ventes et les agences spécialisées d’achat-revente sont prises d’assaut.
Après la dissolution estivale et le passage-éclair de Michel Barnier à Matignon, la France se retrouve à nouveau sans gouvernement à deux semaines de Noël. En Syrie, la dictature de Bachar Al-Assad vient de tomber ; aux États-Unis, Donald Trump s’apprête à être de nouveau investi ; la guerre en Ukraine continue… Dans ce contexte fait de tensions et d’incertitudes financières, une valeur reste stable : l’or. Et cela se traduit très concrètement chez nous, en Bourgogne.
"Une hausse très significative"
Cela se remarque d'abord dans les salle de ventes des maisons d'enchères. Ce jour-là à Dijon, Laure, une acheteuse, est venue pour une bague de luxe qu’elle a repérée, estimée à 300 euros. “Je me suis fixé 400 euros maximum.” Elle est une habituée des salles de ventes. “J’investis et j’achète ; et quand je n’ai plus d’argent ou que je veux me payer un voyage, je revends un peu”, explique-t-elle.
Cela fait une dizaine d’années que cette Bourguignonne suit les cours des matières précieuses, et notamment de l’or. “Depuis un an, ça a augmenté très vite. Surtout depuis cet été”, fait-elle remarquer.
Le téléphone n'arrête pas
Corine Vastgérante d'une boutique d'achat-vente d'or
Cette hausse spectaculaire, les professionnels la notent aussi. Corine Vast, gérante d’une boutique d’achat et de vente d’or au centre-ville de Dijon, enregistre une demande inédite. “Le téléphone n’arrête pas ! Il y a vraiment une hausse de fréquentation très significative depuis le début de l’année, et particulièrement depuis le printemps. De plus en plus de gens viennent faire estimer et vendre leurs bijoux, soit pour se faire plaisir soit pour payer des factures. Et beaucoup s’intéressent à l’investissement."
Certains clients poussent sa porte pour la première fois. "Souvent, ils viennent prendre des renseignements, et ils reviennent investir et acheter de l'or, parce qu’ils se rendent compte que c'est vraiment une valeur-refuge.”
Huit fois plus cher qu'il y a 10 ans !
Corine Vast observe un clair lien de “cause à effet” entre la hausse du cours de l’or et le contexte géopolitique. “Dès qu’il y a un événement - covid, guerre en Ukraine, dissolution de l’Assemblée Nationale - cela a un impact sur la montée de l’or.”
Résultat : en décembre 2024, le kilo d’or est valorisé à 80 000 euros. C’est huit fois plus qu’il y a 20 ans. “Et l’année dernière, c’était 55 000 euros le kilo”, ajoute Mathieu Lesprit, responsable d’une autre agence d’achat-vente d’or à Dijon.
Les gens font de moins en moins confiance aux banques
Mathieu Lespritresponsable d'une boutique d'achat-vente d'or
Comment expliquer cette hausse spectaculaire ? “Les gens cherchent à sécuriser leur pouvoir d’achat. Ils font de moins en moins confiance aux banques, aux placements bancaires d’épargne”, analyse Mathieu Lesprit. Il rappelle : “Au cours de toutes les années, l’or a toujours dépassé les crises monétaires."
“Aujourd’hui, si vous placez des euros, vous savez que votre pouvoir d’achat baissera avec l’inflation. A contrario, l’or suit toujours l’inflation.” Pour un lingot de 20 grammes, il faut compter environ 1 600 euros ; pour une pièce en or de 20 francs, entre 450 et 500 euros. “Vous pouvez en attendre une augmentation de 7 à 8 % supplémentaires par an.”
Des investisseurs de plus en plus jeunes
Récemment, le marché de l'or a commencé à attirer une nouvelle clientèle. Les deux gérants que nous avons rencontrés le disent : “De plus en plus de jeunes s’intéressent à ce placement”, indique Corine Vast. Mathieu Lesprit l'a remarqué aussi. "Quand j’ai commencé il y a une dizaine d’années, c’était une population plutôt vieillissante, des retraités qui voulaient sécuriser ou diversifier leur patrimoine. Là, on a des jeunes, plus informés aussi car on en parle de plus en plus.”
Ce 9 décembre, le gramme d’or est valorisé à environ 80 euros. Selon les observateurs, cette flambée devrait se poursuivre dans les prochains mois. En France, le contexte national n’est en tout cas pas à l’apaisement : cinq jours après la censure du gouvernement Barnier, Emmanuel Macron est encore loin d’avoir trouvé son nouveau Premier ministre.
► Avec Carla Génévrier et Chloé Bouchasson