Murielle Bolle, mise en examen et écrouée jeudi pour enlèvement suivi de mort, avait affirmé en 1984 avoir assisté au rapt du petit Grégory avant de se rétracter. Démêler le vrai du faux, 32 ans plus tard, est la priorité de l'accusation pour tenter de résoudre l'énigme.
Après avoir relancé l'affaire il y a deux semaines en mettant en examen un grand-oncle et une grand-tante de Grégory, soupçonnés d'avoir séquestré puis tué le petit garçon, les enquêteurs se concentrent désormais sur ce témoignage fluctuant et s'interrogent : pourquoi l'adolescente (Murielle Bolle, 48 ans aujourd'hui, en avait 15 à l'époque) avait-elle changé de version ?
Reportage de Christophe Tarrisse et Dalila Iberrakene, avec :
- Me Jean-Paul Teissonnière, avocat de Murielle Bolle
- Jean-Jacques Bosc, procureur général à la cour d'appel de Dijon
Murielle Bolle, mise en examen et écrouée jeudi pour enlèvement suivi de mort, avait affirmé en 1984 avoir assisté au rapt du petit Grégory avant de se rétracter. Démêler le vrai du faux, 32 ans plus tard, est la priorité de l'accusation pour tenter de résoudre l'énigme.
Depuis lors, elle accuse les gendarmes de lui avoir extorqué un témoignage accablant son beau-frère Bernard Laroche, premier suspect dans l'affaire. Mais pour l'accusation, ce serait au contraire dans sa famille qu'elle aurait "subi des pressions, voire des actes de violence de la part de son entourage", pour la faire revenir sur ses déclarations, dès le lendemain.
Un nouveau témoignage en ce sens, d'un cousin éloigné, semble être la pierre angulaire de la mise en cause de Murielle Bolle. L'idée n'est pas neuve : des témoins indiquaient depuis longtemps, dans le dossier, qu'elle aurait été "malmenée" à son retour chez elle, le 5 novembre 1984. Mais celui-ci est "très précis" et émane "de quelqu'un qui a vraiment vu ce qui s'est passé, il parle de violences physiques", assure le procureur général de Dijon, Jean-Jacques Bosc. Et pour Marie-Christine Chastant-Morand, avocate des époux Villemin, il est "essentiel que la parole se libère".
Témoignage 'très précis'
"Elle a toujours contesté qu'il y ait eu violences", rétorque l'avocat de Murielle Bolle, Me Jean-Paul Teissonnière, qui admet cependant qu'il ait pu y avoir "une réaction de très fort mécontentement" dans la famille. "S'il apparait régulièrement de nouveaux témoins à charge sur des faits (vieux) de 32 ans, qui viennent raconter ce que raconte la radio ou la télévision, et qu'on considère que c'est des témoignages sérieux (...) je suis très inquiet", ajoute-t-il. Le nouveau témoignage en question, en l'occurrence, est survenu tout récemment, après la mise en cause des Jacob.
Deux semaines après la découverte du corps de Grégory, quatre ans, le 16 octobre 1984 dans la Vologne, Murielle Bolle avait d'abord déclaré aux gendarmes avoir simplement croisé Bernard Laroche, ce jour-là, chez une tante où elle faisait ses devoirs. Mais cela ne collait pas avec la version du beau-frère et l'adolescente avait alors livré un témoignage accablant : il l'aurait en réalité récupérée à la sortie du collège (d'habitude, elle prenait le bus) puis serait passé prendre Grégory pour aller le déposer quelque part (chez des amis, pensait-elle).
Participation active ?
Elle avait répété ce témoignage devant le juge Lambert, qui avait inculpé Laroche sans attendre. Mais après une nuit en famille, elle se rétractait. Laroche était libéré en 1985, puis tué par le père de Grégory qui le croyait coupable. Pour le procureur général, il est encore trop tôt pour dire "quelle est la bonne version" : "On recueille des éléments précis, on n'échafaude pas de scénarios, on a des témoignages laissant penser qu'elle a pu faire l'objet de pressions et de violence pour se rétracter, l'instruction s'attache à vérifier ce point-là".
La qualification retenue pour sa mise en examen, "enlèvement suivi de mort", implique toutefois que Murielle Bolle ait eu une participation active, a minima en jouant le rôle d'appât pour faire monter l'enfant dans la voiture. Dans le passé, les enquêteurs avaient déjà exploré cette piste. Mais en 1993, la cour d'appel de Dijon avait écarté une "intention criminelle". Dans l'hypothèse où elle serait bien montée en voiture avec Bernard Laroche, "il n'est pas établi qu'elle ait su, avant d'apprendre le lendemain par la lecture des journaux, la mort de Grégory Villemin, le but de l'expédition à laquelle elle avait participé", jugeait-elle alors.