Murielle Bolle - témoin clé de l'affaire du petit Grégory tué il y a 32 ans - restera-t-elle en prison ou sera-t-elle placée sous contrôle judiciaire ? La décision sera prise par la chambre de l'instruction de Dijon mardi 4 juillet 2017.
Murielle Bolle est arrivée vers 8h20 au palais de justice à bord d'un fourgon, dissimulée aux regards des journalistes.
Elle était suivie par Me Thierry Moser, avocat des parents de Grégory, qui n'a pas fait de déclarations.
Un crime "collectif" ?
Murielle Bolle est aujourd’hui âgée de 48 ans. Il y a 32 ans, elle avait accusé Bernard Laroche du rapt du petit Grégory Villemin, le garçonnet de quatre ans retrouvé mort dans la Vologne un peu plus tard. Puis, Murielle Bolle, qui avait 15 à l'époque, s’était brusquement rétractée. Pourquoi ? C’est ce que les enquêteurs veulent savoir. Elle a été mise en examen et écrouée à titre conservatoire jeudi 29 juin.Le 16 octobre 1984, son beau-frère Bernard Laroche est-il venu la chercher en voiture à la sortie du collège avant de passer prendre Grégory chez ses parents, comme elle l'avait d'abord raconté aux gendarmes puis au juge Lambert ? Ou bien l'a-t-on forcée à le dire, comme elle l'avait affirmé le lendemain – une version qu'elle maintient depuis des années ?
Trois décennies après cette volte-face, l'accusation veut démêler le vrai du faux dans les déclarations de Murielle Bolle pour tenter de résoudre l'une des plus grandes énigmes judiciaires en France. Une analyse scientifique du dossier a permis de déceler de nouvelles incohérences.
Les enquêteurs sont convaincus d'avoir affaire à un crime "collectif". A la mi-juin, ils ont relancé le dossier en mettant en examen Marcel et Jacqueline Jacob, le grand-oncle et la grand-tante de Grégory, soupçonnés de l'avoir séquestré puis tué. L’enquête se concentre désormais sur les raisons du revirement de l'adolescente qu’était Murielle Bolle. Pour les enquêteurs, ce n'est pas en garde à vue mais à son retour en famille qu'elle aurait "subi des pressions" après l'inculpation de Laroche.
Que cherchent les enquêteurs ?
Que s'est-il donc passé le soir du 5 novembre 1984 ? Le procureur général Jean-Jacques Bosc a évoqué jeudi un "témoignage récent" et "très précis" d'un "parent" qui "a vraiment vu ce qui s'est passé" et "parle de violences physiques" sur la jeune fille."On fait des vérifications", a-t-il précisé. Ce témoin, un homme de 54 ans se présentant comme un cousin germain de Murielle Bolle, a déclaré au quotidien Le Parisien qu’à l’époque l’adolescente "a été frappée par plusieurs personnes, elle a pris une sacrée volée".
Cette information n'est pas neuve : des témoins indiquaient depuis longtemps, dans le dossier, que Murielle Bolle aurait été "malmenée", ce soir-là. Mais ce "cousin éloigné" qui s'est exprimé tardivement, après la mise en examen des époux Jacob le 16 juin dernier, ne s'était jusqu'alors jamais manifesté. En revanche le dossier mentionne d'autres témoins de la scène familiale.
Pour Me Jean-Paul Teissonnière, avocat de Murielle Bolle, ce témoignage de la part d'un homme "qui a eu un passé difficile marqué par la violence", a été "entièrement forgé" a posteriori, sur fond de médiatisation de l'affaire.
Quels sont les nouveaux éléments ?
Parmi les autres nouveaux éléments, selon L'Est Républicain, figure l'enregistrement d'une conversation téléphonique entre Jean-Marie Villemin et l'infirmière de la mère de Murielle Bolle, qui aurait été présente lors de la fameuse soirée. Dans ce document remis à la justice en 2015, après sa mort, elle parlait de "gifles" et de "coups de pied" infligés à l'adolescente.Le quotidien évoque aussi des confidences de la journaliste Laurence Lacour, spécialiste de l'affaire, au père de Grégory : alors qu'elle accompagnait un jour Murielle Bolle sur la tombe de sa mère, celle-ci lui avait confié qu'elle n'avait pas pris le car scolaire le jour du drame - elle serait donc bien montée dans la voiture de Laroche.
Dans son arrêt de 1993 innocentant Christine Villemin, la mère du petit Grégory, la cour d'appel de Dijon ne disait pas autre chose. Elle accréditait même l'idée que, par sa présence, l'adolescente avait "facilité l'enlèvement" en rassurant la victime et en gardant le fils de Bernard Laroche dans le véhicule. Mais elle écartait toute "intention criminelle" de sa part, là où la justice, en retenant la qualification d'"enlèvement suivi de mort" à l'encontre de Murielle Bolle, considère désormais qu'elle a pu jouer sciemment un rôle dans le rapt que les époux Jacob auraient fomenté.