Deux suspects, le grand-oncle et la grand-tante, écroués puis libérés en moins d'une semaine, pour un crime vieux de 32 ans. Et après ? La suite de l'enquête sur l'affaire Grégory s'annonce déterminante si la justice veut éviter un nouveau fiasco.
En 1985, Bernard Laroche, premier suspecté dans cette affaire, avait été remis en liberté avant d'être tué par le père de Gregory, Jean-Marie Villemin, son cousin. Les soupçons se portèrent ensuite sur Christine Villemin, la mère du garçon de quatre ans, finalement innocentée. Dans le dossier, plusieurs fois rouvert depuis, les noms de Marcel et Jacqueline Jacob figuraient dès l'origine mais ils n'avaient jamais été inquiétés jusqu'alors. Pourquoi aujourd'hui ?
Les époux Jacob restent suspectés
Après quatre jours de détention, les deux septuagénaires résident désormais séparément, dans des lieux tenus secrets, sous étroit contrôle judiciaire. Ils ont interdiction absolue de communiquer avec les médias, dans un dossier souvent pollué par la presse. Leur remise en liberté constitue un revers pour les enquêteurs et le parquet général mais le couple demeure au coeur des soupçons et reste mis en examen pour l'enlèvement et la séquestration du petit Grégory, suivis de sa mort.
Les enquêteurs pensent, a minima, avoir mis la main sur les "corbeaux" de l'affaire grâce à une nouvelle expertise graphologique attribuant à Jacqueline Jacob un courrier de 1983. Mais ils vont plus loin en faisant un lien - l'utilisation récurrente du terme "le chef", employé par Marcel Jacob lors d'une dispute avec Jean-Marie Villemin - avec la lettre qui avait revendiqué l'assassinat, postée avant la découverte du corps. Et donc avec le crime lui-même. Une "justice-fiction" selon les avocats des époux Jacob, Mes Giuranna et Lagardette, qui crient à l'absence de preuves et ont déjà annoncé un recours en nullité de la mise en examen.
Me Stéphane Giuranna, avocat de Marcel Jacob, réagit à la remise en liberté du couple, sous contrôle judiciaire, mardi 20 juin 2017 à Dijon.
L'enquête se poursuit
La suite des investigations passe par une vérification des emplois du temps de chacun ce fameux 16 octobre 1984, ce qui s'annonce malaisé trois décennies plus tard. Pour l'accusation, les Jacob n'ont pas d'alibi "confirmé ou étayé". Marcel affirme cependant qu'il était au travail au moment de la mort de Grégory. Selon Le Figaro, un procès-verbal de réunion syndicale, retrouvé chez lui par les gendarmes lors d'une perquisition, en atteste. Des documents écrits de la main de Jacqueline ont aussi été saisis pour une nouvelle comparaison d'écriture.
Dans son arrêt retentissant du 3 février 1993 innocentant Christine Villemin, la cour d'appel de Dijon n'excluait pas "l'éventualité d'une absence momentanée de leur lieu de travail". Mais pointant une "enquête les concernant entreprise trop tardivement", elle concluait qu'"en l'état, il n'existe pas contre eux de présomptions suffisantes pour justifier de nouvelles investigations et a fortiori une inculpation". Une relecture attentive des 12.000 pièces de la procédure aurait permis aux enquêteurs de porter un "regard neuf" sur le dossier et d'y repérer de nouvelles incohérences.
Reste à savoir si de nouvelles auditions, dont celle de Murielle Bolle, belle-soeur de Bernard Laroche - un proche des époux Jacob - qui l'avait mis en cause en 1984 avant de se rétracter, permettront d'éclaircir les zones d'ombre et le rôle présumé de chacun dans la mort de l'enfant, que l'accusation considère comme un "acte collectif".
Des errements depuis 1984
"Il y a au sein de cette famille plusieurs personnes qui se sont liées pour réussir cette action criminelle", persistait à affirmer, mardi, Me Thierry Moser, l'avocat des parents de Grégory. "Vous avez le corbeau, vous avez les guetteurs, vous avez celui qui enlève l'enfant, vous avez celui qui va tuer l'enfant. Je pense que ceci va se confirmer dans les semaines et les mois à venir", assurait-il. Mais ce n'est pas la première fois, loin s'en faut, que le dossier "rebondit", que l'affaire est "relancée", sans que l'énigme soit résolue. De nombreuses analyses ADN, jamais probantes, ont notamment douché les espoirs des époux Villemin dans le passé.