C’était le dernier de Dijon. Après 43 ans d’existence, le magasin bio indépendant et précurseur Miss Terre Verte s’arrête ce samedi 23 septembre. À quelques heures de la fin, les clients se pressent dans la boutique, avec nostalgie et regret.
Ce matin ressemble à tous les autres, depuis 43 ans. Bénédicte Barraud discute derrière son comptoir. Les cosmétiques sont alignés sur les étagères en bois. Les clients poussent la porte vitrée. Mais aujourd’hui, ils s’attardent. La plupart sont des habitués, et ont un pincement au coeur : demain, samedi 23 septembre, Miss Terre Verte, le dernier magasin bio indépendant de Dijon, ferme ses portes définitivement.
Alors, ils sont venus dire au revoir à Bénédicte. La gérante de la boutique prend sa retraite. "C’est le bon moment, je ne regrette rien et j’ai besoin d’un peu de repos !", dédramatise la sexagénaire à la joie de vivre. Même si elle admet être émue : "J’ai beaucoup pleuré, ces derniers temps. J’avais des clients incroyables, depuis plusieurs semaines certains viennent avec des cadeaux. Ils vont me manquer."
"Il y a des produits qu’on trouve ici et pas ailleurs, avec un service exceptionnel. Ça va être un grand manque."
Corinne, cliente depuis 20 ans
"Le dinosaure du bio" à Dijon, comme le surnomme sa gérante, n’a pas trouvé repreneur. Dommage, mais pas étonnant selon elle : "On est dans une période compliquée, il y a la crise du bio, l’inflation, et puis c’est un métier fatigant".
Il faut dire que Miss Terre Verte n’est pas un magasin bio comme les autres. Ici, les compléments alimentaires et les cosmétiques sont la spécialité. Des produits sélectionnés pour leur composition par Bénédicte, diplômée en naturopathie. "C’est un cas unique, défend Mohsen, client depuis deux mois. Dans les chaînes de magasin bio, l’offre est plus standardisée car ce sont d’abord des épiciers. Ici, on a vraiment des conseils personnalisés." Conseiller, c’est le point fort de Bénédicte. La plupart de ses clients viennent d’ailleurs pour soulager un problème précis. Un peu comme dans une pharmacie ? "On n’a pas le droit de dire ça ! rigole-t-elle. Mais c’est un peu l’idée, on conseille des produits naturels pour se sentir mieux, c’est du bien-être."
Précurseur du bio
L’aventure commence en 1980, lorsque Bénédicte s’installe dans la boutique à 16 ans, avec sa mère. A l’époque, le bio est un marché de niche. "On s’est dit, « on ne va jamais s’en sortir », mais deux ans plus tard, il y avait 11 boutiques bio indépendantes à Dijon !" La demande grandit, et Bénédicte reprend des études pour devenir thérapeute. Lorsqu’elle revient, elle aménage le premier étage de la boutique en salle de soins. S’y tiendront des consultations, ateliers et conférences jusqu’au premier confinement. Ce qui explique sûrement, selon elle, le succès du magasin. "On a des clients qui viennent de Dole, Besançon… On envoie des colis en Charente et même une fois en Corée !"
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Une vraie success story, qui n’a pas été de tout repos. La multiplication des chaînes de magasins bio, dont une qui s’est implantée juste devant Miss Terre Verte, a dopé la concurrence, offrant une plus grande variété de produits à des tarifs plus réduits. "Il a fallu se battre pour cette boutique, admet Bénédicte, mais je ne me suis jamais sentie vraiment menacée."
Les clients, eux, sont un peu désoeuvrés ce matin. Vers qui se tourner désormais ? Quels produits acheter ? "Vous allez tout arrêter ?", s’enquiert une cliente auprès de Bénédicte. "Qui sait, je ne dirai peut-être pas non pour conseiller dans un rayon compléments alimentaires… même d’une franchise !"
