Le baccalauréat 2023 s'ouvre particulièrement tôt, ce lundi 20 mars, avec les épreuves des enseignements de spécialité. Une grande première depuis la réforme de l'examen, qui ne fait l'unanimité ni chez les élèves, ni chez les professeurs.
"On se disait que mars, c'était loin, mais finalement ça arrive vite !" Stylo à la main, Gaylor, 17 ans, griffonne habilement calculs et formules mathématiques sur son cahier. Scolarisé au lycée Carnot de Dijon, le garçon profite d'une heure de cours banalisée pour se concentrer sur ses ultimes révisions. "Pour le moment, ça va, pas trop stressé parce que j'ai travaillé tout au long de l'année. Mais ça va sûrement venir plus tard", avoue-t-il avec un sourire.
La première application de la réforme Blanquer
"Plus tard", c'est-à-dire ce lundi 20 mars, date du coup d'envoi du bac 2023. L'examen s'ouvre cette année avec les épreuves des enseignements de spécialité, nées de la réforme de l'ex-ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Pour la première fois, ces épreuves se déroulent en mars, comme le veut le calendrier de la réforme - leur organisation avait été perturbée par le Covid-19. Mais pour de nombreux élèves et enseignants, elles ont lieu (beaucoup) trop tôt.
Un système calé sur Parcoursup sans "aucune justification pédagogique"
Pour Olivier Thiebaut, représentant de la fédération syndicale unitaire (FSU) dans l'Yonne, c'est même "la quasi-totalité du corps enseignant" qui est en désaccord avec l'organisation actuelle des épreuves du bac. "Dans mon établissement, je ne connais pas un collègue qui pense que cette réforme est positive. Cette date d'examen pose vraiment question à tout le monde", assure celui qui est professeur d'histoire-géographie à Auxerre.
Si ces épreuves ont lieu si tôt dans l'année scolaire, c'est pour correspondre au calendrier de Parcoursup, la plateforme d'orientation post-bac. Les lycéens devaient en effet déposer leurs vœux au maximum le 9 mars dernier à 23h59. "C'est la justification officielle : avec les épreuves de spé à ce moment-là, les notes peuvent être intégrées dans les dossiers sur Parcoursup", poursuit l'enseignant. Ce qui n'est pas le cas pour les épreuves qui se déroulent en juin, par exemple.
À l'ère du numérique, il est difficile de comprendre pourquoi on ne peut pas intégrer des notes dans Parcoursup en fin d'année scolaire.
Olivier Thiebaut,professeur d'histoire-géographie et représentant FSU 89
"Le problème en mars, c'est que ça tombe juste après la fin du deuxième trimestre", justifie de son côté Paul, 18 ans. Pour ce lycéen dijonnais, "ça veut dire beaucoup de stress parce que les dernières notes pour Parcoursup tombent, donc il y a beaucoup de contrôles et de notes qui arrivent à ce moment. Et en même temps, il faut réviser le bac !"
Une charge de travail supplémentaire pour les élèves, donc... comme pour les enseignants. "Ça crée des problèmes pour corriger les copies notamment", avance Olivier Thiebaut. D'ordinaire, les professeurs ne donnent en effet plus cours pendant la période de corrections du bac. "Mais à cette période de l'année, tout le monde enseigne encore... ce qui peut causer des suppressions de cours pour d'autres classes. La justification ne tient pas, parce qu'à l'ère du numérique, il est difficile de comprendre on ne puisse pas intégrer des notes dans Parcoursup en fin d'année scolaire. C'est un système aberrant pour lequel il n'y a pas de justification pédagogique."
Une fin d'année scolaire trois mois plus tôt ?
Autre crainte des professeurs : la démobilisation des élèves pour le reste de l'année. Les épreuves de spécialité sont les plus importantes, du fait de leur coefficient 16, soit le plus élevé pour les contrôles terminaux. "C'est vraiment énorme et ça écrase trop le reste", estime Maxime Lacroix, secrétaire académique UNSA.
On a l'impression que tout se stoppe en mars, alors que c'est loin d'être le cas.
Maxime Lacroix,secrétaire académique UNSA
"Il y a une fixation là-dessus parce qu'on se dit que si on se loupe à ce moment, on met son bac en péril", ajoute-t-il. "Par conséquent, il y a une fixation qui se fait sur mars. Et on a l'impression que tout se stoppe à ce moment de l'année, alors que c'est loin d'être le cas. Tous les thèmes des spécialités n'ont pas été traités, parce que certains n'étaient pas dans la liste pour mars par exemple !"
"Comme le programme est amputé, ça nous fait moins à réviser"
Timothée17 ans
Pour certains lycéens en revanche, ce "n'est pas plus mal" que l'examen des spécialités se déroule avant juin. "Comme le programme est amputé, ça nous fait moins à réviser", glisse Timothée, 17 ans, pendant une séance de révision en classe. Mais sera-t-il autant impliqué dans ces matières le reste de l'année ? "Pas sûr", admet-il, l'air espiègle. "Moi, je pense qu'on ne se reposera pas sur nos lauriers après", affirme Sofian, son voisin de derrière. "C'est du travail qu'on fait pour notre avenir."
Alléger le programme ou revoir le calendrier
Pour d'autres, même abrégé, le programme reste trop chargé. "On n'a pas le temps de tout traiter, il y a un sentiment d'urgence", grince Olivier Thiebaut. "Le calendrier est mal géré et ne nous laisse pas suffisamment de temps pour approfondir", appuie Maxime Lacroix. "Il y a beaucoup de chapitres et les groupes sont très chargés, c'est la course !"
Alors comment améliorer la situation ? Pour Paul, une solution : réduire le programme. "Il faut l'alléger ! Même en libérant deux jours avant les épreuves, on n'a pas assez de temps pour tout revoir !" Les enseignants, eux, prônent un changement de calendrier. "Il faut que ces épreuves soient décalées. Sur le fond, ça ne changerait rien pour Parcoursup parce qu'il y a déjà toutes les notes des premiers trimestres ou semestre, le bulletin...", détaille Maxime Lacroix. "Mais ça permettrait surtout d'enlever une pression inutile aux élèves."
Une pression qui pourrait pourtant être exacerbée par la mobilisation contre la réforme des retraites. Plusieurs syndicats de l'Éducation nationale ont effet appelé à une grève des surveillants lors des épreuves, de lundi à mercredi.