Avec les canicules de plus en plus fréquentes, les champignons souffrent eux aussi. Dans la région de Dijon, en Bourgogne, des producteurs tentent de s’organiser pour trouver des solutions face aux chaleurs extrêmes.
Quel est l’impact de la chaleur sur les champignons ?
Blandine et Luc Lecherf sont champignonnistes, un univers qu’ils ont découvert un peu par hasard. "A la suite d’une reconversion professionnelle, nous étions à la recherche d’un emploi en 2013. On voulait une activité qui pourrait nous réunir tous les deux. On a eu la chance de rencontrer des gens qui nous ont aidés."C’est ainsi qu’ils ont démarré leur exploitation en 2014. A La Champignonnière de Dijon, ils produisent plusieurs variétés de champignons qu'ils vendent sur le marché aux Halles de Dijon et notamment :
-le champignon de Paris, "que nous appelons le champignon de Dijon parce qu’on le personnalise dans la façon dont on le cultive. Il pousse sur un substrat composé notamment de calcaire issu de la carrière de Plombières-les-Dijon"
-le shiitaké ou lentin des chênes
-le pleurote gris, rose ou jaune
-le pholiote du peuplier, le pied bleu ou violet, etc
"Il y a trois ans, sur nos anciens sites de la vallée de Dijon (le fort de Beauregard et le fort d’Hauteville), on s’était aperçu que l’été, on avait parfois des pointes de chaleur. Or, cela crée des problèmes, voire des maladies chez les champignons. A partir d’une certaine température, le mycélium (les filaments que l’on trouve dans le sol ou le substrat de culture et qui forment la partie cachée des champignons) se met en sommeil, voire souffre et on perd une partie de la production. On a donc cherché une nouvelle implantation", explique Luc Lecherf.La réflexion sur le changement climatique s’est imposée à nous il y a déjà quelques années.
C’est ainsi qu’ils ont déménagé au château de Corcelotte-en-Montagne, situé sur l’axe Sombernon - Vitteaux. "Le fait d’être à 500 mètres d’altitude, c’est déjà profitable car les nuits sont plus fraîches, même en période de canicule."
Mais, des problèmes subsistent lors des périodes de chaleur intense comme celles qu’on a connues cet été 2019, fin juin, fin juillet et fin août.
Quelles solutions face au réchauffement climatique ?
Cela commence par le choix des champignons.
"On a des variétés qui souffrent plus que d’autres quand il fait chaud. L’idée, c’est donc de privilégier les variétés qui supportent mieux les montées de température. Par exemple, avant l’été on a de très beaux pleurotes gris, mais ils n’aiment pas les fortes chaleurs, ce qui n’est pas le cas avec les pleurotes roses ou jaunes."
On peut aussi utiliser certaines techniques.
"Le château de Corcelotte-en-Montagne a été construit il y a plusieurs centaines d’années. Il se trouve quasiment sur le lit d’une rivière. Cette source d’eau circule dans un canal de pierre et apporte de la fraîcheur et de l’humidité dans la champignonnière.
Mais, en période de canicule, quand il y a une chaleur excessive la journée et pas de refroidissement la nuit, toute l’atmosphère se réchauffe même dans des locaux enterrés ou semi-enterrés. La température atteint 20 degrés et ça devient problématique. C’est le même problème que les caves des viticulteurs.
Si le réchauffement climatique se poursuit, peut-être faudra-t-il utiliser parfois la climatisation
Ce contexte nous oblige à chercher des solutions pour faire face aux hausses de températures. D’où une réflexion sur le puits provençal : si on met une aspiration d’air dans les salles de productions et qu’on relie le canal aux salles, il va y avoir un air frais et humide très utile, et cela sans consommer trop d’énergie, sans mettre en place un système de climatisation.
On a encore quelque chose d’autre à tester, c’est la brumisation.
Mais, si le réchauffement climatique se poursuit, peut-être faudra-t-il mettre en place une petite climatisation momentanée à des moments critiques."
Les champignons sauvages souffrent-ils aussi de la chaleur ?
Outre leur production en champignonnière, Blandine et Luc Lecherf font appel à des récoltants pour les cèpes."On constate que le réchauffement climatique a des effets sur les champignons sauvages qui poussent dans la nature. En effet, quand il fait très chaud certaines variétés apparaissent plus tard ou n’apparaissent pas du tout. Ou alors, on en trouve mais sur d’autres sites. C’est le cas des girolles. Cette année, il n’y en avait pas en Bourgogne, mais on en a trouvé dans le Massif central.
Quant à la truffe de Bourgogne, on n’en trouve pas si la terre est trop sèche. Cette année, j’ai des craintes. Cela dit, un producteur a mis en place un système d’irrigation en goutte à goutte qui a donné de bons résultats dans sa truffière cet été", conclut Luc Lecherf.