Confinement : "Il y a des inégalités économiques qui vont se ressentir au niveau psychologique"

Alors que la France a entamé un nouveau confinement, nous avons interrogé Clément Guillet, psychiatre à l'hôpital La Chartreuse de Dijon, sur les conséquences psychiques de ce moment.

Est-ce qu'aujourd'hui une part de la population est inquiète, angoissée ?

Clément Guillet : Oui c'est évident. Ensuite, j'espère qu'on tirera les leçons du premier confinement, qu'on n'aura pas cette sidération mentale qu'on a pu avoir. Après, quand je vois les images de rayons de papier toilettes et de pâtes dévalisés, on peut se dire que ce ne sera pas totalement le cas. J'espère en tout cas qu'il y aura des leçons tirées de ce premier confinement.

Au niveau psychologique, ce qui est à retenir du premier confinement, c'est que le lien social est très important malgré tout. Ceux qui ont été très impactés sont ceux qui avaient perdu le lien social, qui arrêtaient de travailler, qui souffraient d'isolement social.

Je pense que, passé cet émoi du fait qu'on est reconfiné, garder un lien social est important pour garder la tête au-dessus de l'eau.


Se reconfiner une deuxième fois, qu'est-ce que ça veut dire ?

Ça veut dire avoir de nouveau la crainte, de nouveau l'isolement. Malheureusement, les études montrent qu'il y a eu un impact et une augmentation des troubles anxieux et dépressifs pendant ce premier confinement. Il faut pouvoir prévenir cela, anticiper.

Nous avons eu en psychiatrie un impact à moyen terme du confinement. En mars, il n'y avait pas beaucoup de monde dans les services de psychiatrie, mais sont arrivés à partir de juin, juillet, août des gens qui étaient directement impactés par ce confinement. Pour ne pas avoir de nouveau un afflux de patients après, il va falloir prévenir les choses.


Un confinement en hiver, est-ce que ce n'est pas pire ?

Ça peut l'être, vous avez raison. Mais l'impact psychologique du confinement recoupe les inégalités sociales. Les gens qui avaient un appartement en ville avec un enfant en bas-âge, qui n'avaient donc pas de travail et étaient impactés au niveau économique étaient beaucoup plus sujets à avoir des séquelles, de type troubles anxio-dépressifs, du confinement.

Mais il y avait des gens qui avaient un jardin, qui pouvaient aller dans leur maison de campagne, etc. Aujourd'hui, il va faire froid. Cela va être plus difficile. Donc on peut s'attendre à ce que ce soit plus difficilement vécu.


Dans ce confinement, il y a des réalités très différentes ?

Effectivement, il y a des gens qui à la campagne sont peut-être encore plus isolés, mais qui ont un jardin où ils peuvent sortir. Cela sera différent d'une réalité urbaine où on est dans un 15m² au centre-ville où on ne peut pas sortir. On comprend que ça va être pesant pour le psychisme de ces personnes.

Il y a des réalités très différentes. Il y a des inégalités économiques qui vont se ressentir au niveau psychologique. Si on a la possibilité de se mettre dans sa maison de campagne, si on a la possibilité de continuer à travailler…
 

Des études ont montré que même le télétravail permettait d'avoir une soupape de sécurité psychique assez importante pour garder un lien social et donc mieux supporter le confinement.




On a beaucoup parlé de la souffrance des personnes âgées au printemps. Autoriser les visites dans les Ehpad, c'était indispensable ?

Si c'est fait dans de bonnes manières, c'est-à-dire avec les mesures barrières sans impacter la santé physique des personnes âgées qui sont les plus fragiles, oui je pense que c'est important. On sait qu'il y a énormément de dépressions en Ehpad déjà naturellement, donc si en plus on ajoute l'isolement social, ça va être très dur pour eux. Donc ils vont souffrir aussi au niveau psychologique.


Il y a les personnes âgées dans les Ehpad, mais aussi celles qui n'y sont pas, qui ne peuvent pas sortir et qui ne voient pas le bout du tunnel ?

Oui c'est une globalité. Lors du premier confinement, il s'était développé des alternatives numériques où les gens essayaient de communiquer, même avec leurs anciens. C'est à mon avis à réutiliser.


Ces gens là viennent vous parler ? Vous les voyez en consultation ? Ou ce sont des gens qui cachent un peu leur souffrance ?

En travaillant en tant que praticien hospitalier, je les vois arriver lorsque c'est une crise, qu'il s'est passé quelque chose de très grave et qu'ils sont obligés d'être hospitalisés. Mais on les voit aussi rechuter en consultation tout à fait.


Quels conseils donneriez-vous aux gens pour bien gérer ce confinement ?

Je pense que l'une des bases est de garder justement les liens sociaux. Des études ont montré que le simple fait de se téléphoner régulièrement entre proches, voire même de communiquer par mail, via les réseaux sociaux, était très important parce que ça permettait de ne pas avoir de troubles anxio-dépressifs. Ils ont été quand même multipliés par deux à l'échelle française dans les premières semaines du confinement.
 
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