Pour éviter la propagation du coronavirus Covid-19, nous sommes tous confinés depuis le 16 mars dernier. Pour faire face à l'ennui et parce qu'ils ne peuvent plus sortir, beaucoup de Français passent du temps devant les jeux vidéos. Une façon pour eux de se déconnecter du quotidien.

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Depuis le début du confinement, nombreux sont ceux qui ne peuvent plus travailler. Et pour ceux qui sont en télétravail, le quotidien n'en reste pas moins chamboulé. "Nous avons perdu beaucoup de nos habitudes quotidiennes" explique le psychologue Milan Hung. Une des manières de répondre à ce bouleversement des habitudes : les jeux vidéos !

Les enfants ne vont plus à l'école. Même s'il y a toujours une priorité pédagogique, avec notamment l'école à la maison, le cadre n'est pas le même. Fanny nous a contacté sur Facebook et déplore que ses enfants passent beaucoup de temps sur la console. "Ils ne font pas leurs devoirs et se couchent parfois très tard." 
 

Une manière de recréer du lien

Le confinement a eu un impact sur nos vies sociales. Jouer est, pour certains, une façon de ne pas perdre le lien avec leurs proches.

Alicia et son compagnon ont l'habitude de jouer tous les deux. Ils se considèrent eux-mêmes comme des gamers. "En moyenne, on joue six heures par jour". Le couple joue aujourd'hui plus que d'habitude. "On travaillait plus avant le confinement. Donc maintenant qu'on travaille moins, on joue !" 

Jouer pendant cette période, ça nous permet de nous occuper l'esprit tout en gardant une vie sociale. On joue avec d'autres, en ligne. 

Florian partage le même avis. Lui se considère comme un streameur amateur. C'est-à-dire qu'il filme sa partie et la diffuse en direct sur une plateforme adaptée, comme Twitch. Le jeu en direct permet d'intéragir avec des spectateurs mais aussi d'autres joueurs"Même si ce n'est que virtuellement, je ne perds pas le contact avec mes amis et on passe un bon moment ensemble.


Pour Rafael, "on peut moins profiter d'une promenade ou de nos proches." Alors 4 à 6 heures par jour, il les retrouve aussi en ligne. Tout comme Joe, Rafael est seul chez lui. Joe, lui, se présente comme un grand fan de jeux vidéos : Minecraft, Worms, Age of Empire, Animal Crossing... Autant de possibilités qu'il s'offre pour passer le temps, seul, ou accompagné virtuellement. "Quand je ne joue pas, je regarde beaucoup de streamers sur Twitch. C'est un peu comme regarder la télé."
 

Des rendez-vous en ligne

Les plateformes et les gamers s'organisent aussi pour créer des rendez-vous pendant le confinement. Joe songe ainsi à prendre part au "marathonfinement" du joueur ZeratoR. Ce marathon consiste en une succession de défis sur plusieurs jeux. Les vainqueurs remportent des lots. Joe conclue et précise qu'il n'est pas "dépendant".
 

Qu'en pensent les spécialistes ?

En ce qui concerne les jeux-vidéos, les spécialistes y trouvent globalement des effets bénéfiques. Le psychologue Milan Hung, joint par appel vidéo, trouve que c'est "excellent que les gens jouent aux jeux vidéos en cette période de mesures exceptionnelles de confinement." Selon lui, jouer n'a jamais été quelque chose de mauvais puisque "les jeux vidéos permettent de développer une forme de bien-être psychologique".

En fait, il faut penser les choses avec du recul et s'intéresser aux effets du confinement. Être confiné, c'est vivre dans un climat général angoissant.
- Milan Hung, psychologue

En pleine épidémie de Covid-19, on ne sait pas ce qu'il va se passer demain. Le psychologue met en avant nos difficultés à se projeter dans le futur. "Quelque part, le confinement nous ôte nos libertés de mouvement et on a perdu la maîtrise de la situation." Les jeux vidéos permettraient ainsi pour beaucoup d'entre nous de reprendre un peu le dessus, se sentir davantage maîtres de la situation. 

Le jeu vidéo est une médiation simple, accessible à tout le monde. Dans le jeu, on contrôle les choses. On est maître des actions qui se déroulent au cours d'une partie.
Milan Hung, psychologue

Les premiers jours de confinement étaient peut-être vécus comme des "vacances" pour Milan Hung. Mais la situation perdure et jouer permet de donner du sens : "Ca nous revitalise. On reprend le contrôle sur l'angoisse suscitée par l'épidémie." 

Jouer... mais avec quelques limites

L'une des préoccupations reste bien évidemment la limite de temps. Pour Milan Hung, psychologue, la question se pose lorsque nous perdons le contrôle sur d'autres aspects de nos vies : travail, relations sociales, écoles, etc. 

Pour Emmanuel Benoît, directeur de la SEDAP (Société d'Entraide et d'Action Psychologique), "la difficulté serait que les jeux vidéos viennent occuper l'ensemble de nos activités et notre espace." La perte de repères doit nous alarmer comme oublier d'aller manger, ou de faire ses devoirs, comme pour les enfants de Fanny. Même si nous venons de voir que les jeux-vidéos étaient des vecteurs de lien social, il faut rester prudent et faire attention aux excès. 

Ca peut parfois renforcer une perte de contrôle. La difficulté, c'est de revenir à un rythme de jeu plus normal. Il faut se fixer des limites.
Emmanuel Benoît, directeur de la SEDAP

Passer un contrat moral avec ses enfants par exemple, ou avec soi-même ! Ne pas hésiter à noter chaque jour le nombre d'heures jouées, pour soi-même faire l'évaluation de son activité en ligne. 

 



Pour Emmanuel Benoît, l'autre risque c'est de conserver ces nouveaux repères que l'on se crée, notamment avec les jeux vidéos. "Il ne faut pas qu'à la reprise de l'école, les enfants conservent l'habitude de jouer dès le réveil par exemple. Le jeu doit rester un plaisir, ponctuel et partagé dans la durée."

Le directeur de la SEDAP en appelle à la vigilance des parents. Ils peuvent avoir tendance à se décharger d'un certain poids, s'ils travaillent à la maison par exemple et installer leurs enfants devant les jeux vidéos.

Mais le jeu vidéo peut être extrêmement riche en histoire, en qualité de design ou en terme artistique. On peut utiliser notre temps pour se fixer de nouveaux objectifs.
Milan Hung, psychologue

D'autres manières de garder le lien 

Même si la période est propice à plus de temps passé devant les jeux vidéos, à une reconstruction du lien social par les parties en ligne, il ne faut pas tomber dans une certaine démesure

Milan Hung et Emmanuel Benoît se rejoignent et précisent que le confinement est aussi un moment propice à se retrouver en famille parfois, et qu'il y a diverses possibiltiés aujourd'hui d'entretenir des liens : les réseaux sociaux, le téléphone, etc. "Il faut éviter la mono-activité et veiller les uns sur les autres." 

Reportage en Côte-d'Or

Le reportage de Valentin Chatelier, Gabriel Talon et Pascal Rondi :
 
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