Le GFA (Groupement Foncier Agricole) de Mâlain, à 25 km de Dijon, a été créé par des particuliers. Ils ont déjà acheté plusieurs hectares de terre pour soutenir l’installation de jeunes agriculteurs bio. Une nouvelle souscription est lancée pour acquérir d’autres terrains.
C’est quoi le GFA citoyen Champs Libres ?
Le GFA citoyen Champs Libres a vu le jour à Mâlain, en juillet 2015, en partant d’un constat : un des freins à l’installation des jeunes, c’est l’accès au foncier.Si on ne vient pas d’une famille d’agriculteurs et si on n’a pas de réseau, c’est très difficile de s'installer. D’où l’idée de créer un groupement foncier agricole : 123 particuliers ont acheté des parts sociales. "En cinq ans, cet argent a permis au GFA d’acheter 9 hectares de terres agricoles en Côte-d’Or et de les louer à de jeunes agriculteurs pour leur permettre de s’installer. Grâce à cette formule, le GFA n’a pas besoin de faire appel à une banque ou d’avoir recours à des subventions", explique Léo Coutellec, un des responsables du groupement foncier de Mâlain.
"On fait un travail de veille foncière sur le territoire pour étudier la possibilité de racheter des terres. Et il se trouve qu’il y a des opportunités intéressantes en ce moment. Au mois de juin, on a donc lancé une campagne de souscription pour accueillir de nouveaux associés et augmenter le capital social afin d’acheter de nouvelles terres. Notre projet est d’acheter environ 40 hectares de terres agricoles et d’augmenter notre capital de 50 000 euros pour le porter à 100 000 euros."
La campagne de souscription a commencé au début du mois de juin et ça marche très fort : "on en est déjà à 30 000 euros et une trentaine de nouveaux associés. On est très contents, il y a un vrai enthousiasme. La plupart sont des gens du coin, mais tout le monde peut entrer dans le GFA, même ceux qui n’habitent pas le territoire. On peut acheter des parts sociales d’un montant de 100 euros, dans la limite de 68 parts.
La souscription prendra fin le 15 septembre. Si on dépasse les 50 000 euros, ce sera de la réserve pour des acquisitions futures et c’est très intéressant. Cela nous permettra d’être très réactifs : si une vente doit se faire rapidement parce que le propriétaire est pressé, il n’y aura pas besoin de lancer tout le processus d’une campagne de collecte."
Quels projets ont bénéficié de l’aide du GFA citoyen Champs Libres ?
Ce GFA permet aussi aux habitants de "se réapproprier la gestion des terres nourricières", précise Léo Coutellec. "C’est très important à l’heure du réchauffement climatique où il faut relocaliser la production. Et c’est l’affaire de tous, les citoyens doivent reprendre en main leur autonomie alimentaire."En cinq ans, le GFA citoyen Champs Libres a accompagné plusieurs projets.
Deux d’entre eux sont déjà concrétisés, ils vont être consolidés et développés :
-un paysan-boulanger (qui produit des céréales qu’il transforme en farine pour fabriquer du pain) va accueillir deux nouveaux associés
-un élevage de poules pondeuses et d’œufs bio : cette ferme avicole va être accompagnée sur son autonomie alimentaire, pour qu’elle puisse produire les aliments pour ses poules.
Aujourd’hui, plus de 200 familles sont nourries avec le pain et les œufs qui sont produits sur les terres du GFA de Mâlain.
Deux autres installations vont se concrétiser prochainement :
-un projet de maraîchage biologique
-un élevage de brebis laitières avec installation fromagère.
D’autres projets sont déjà en vue : ils concernent :
-le maraîchage, car "on est en carence de légumes localement".
-l’arboriculture, car "en Côte-d’Or on est très pauvres en fruits. On réfléchit à une installation à moyen terme.
Ensuite ça dépendra des opportunités, des gens qui nous contacteront."
"Notre projet est une utopie, mais une utopie concrète"
"Au début, les agriculteurs du territoire et les instances comme la Safer nous regardaient de haut en nous prenant pour des rêveurs, des utopistes", se souvient avec amusement Léo Coutellec."Aujourd’hui, ce n’est plus le cas ; on est reconnu comme un acteur du foncier et de l’animation du territoire. Notre projet est une utopie c’est vrai, mais une utopie concrète. On veut vraiment changer le modèle agricole et le modèle alimentaire parce que, pour nous, le modèle actuel ne fonctionne pas. On veut le changer assez radicalement et plutôt que de le dire et le revendiquer avec des slogans, on l’expérimente."
"On est une expérimentation concrète d’une utopie. On ne prétend pas que c’est la solution miracle et que tout le monde doit faire la même chose. Le mérite qu’on a, c’est de faire, c’est que ça marche, que des gens nous suivent et nous fassent confiance."
Le GFA Champs Libres de Mâlain est né en regardant ce qui se passe en Bretagne, où il y a une culture du GFA citoyen. "On a été inspirés par des GFA bretons. Maintenant, nous aussi, on fait référence et on va essayer d’aller essaimer ailleurs ces valeurs de solidarité, de coopération et d’échanges entre citoyens. Des gens nous contactent pour créer leur GFA, on partage notre expérience. Dans le Jura et le Doubs, des gens réfléchissent à créer leur projet. En Bourgogne, en Côte-d’Or, un GFA a vu le jour aux Maillys, dans la plaine d’Auxonne, il s’est créé sur notre modèle et on l’a accompagné, mais il n’a pas autant d’associés pour le moment."
"Il faut créer des outils stables et efficaces pour changer de paradigme. Ça ne se fera pas uniquement par des gestes individuels. Il faut vraiment des dynamiques collectives et d’une ampleur significative pour changer le système. C’est vrai qu’au niveau de l’écologie, il peut y avoir une tendance au repli sur soi : « je vais faire mon petit jardin, ma petite maison bien isolée et ça va suffire ». C’est bien, il faut faire ça évidemment et on encourage ça. Mais, ça ne suffit pas, car le défi devant nous est énorme. Il faut qu’on s’organise collectivement et on a un outil pour ça."
Comment fonctionne le GFA citoyen Champs Libres de Mâlain ?
"On est 100% bénévoles et on n’envisage pas de prendre de salariés, on a un modèle économique qui aujourd’hui ne le permet pas. On investit 100% de ce que l’on souscrit dans l’achat de terres, car on pense que c’est la priorité. Pour le reste, on compte sur l’énergie citoyenne.
Le GFA réunit actuellement 123 associés qui, chaque année, en assemblée générale, élisent un collectif de gérance, qui est composé de cinq personnes : Jean-Marc Vuillaume, Louis Bignand, Youri Meignan, Renaud Galle, Léo Coutellec. Toutes les décisions sont prises collectivement par ces cinq personnes pendant un an et elles rendent des comptes à l’assemblée qui reconduisent leurs mandats ou pas : il y a du turnover, ce qui est très bien.
Ces cinq bénévoles sont co-gérants de l’activité du GFA, en plus de leur activité professionnelle. C’est du travail, car on y consacre de l’énergie et de la rigueur pour faire quelque chose de bien. Ça prend du temps, mais comme on est un collectif, les tâches sont réparties, on est bien organisé, ça fonctionne."