Dijon : après les pelleteuses, les salades de retour aux Jardins de l'Engrenage... jusqu'à la prochaine expulsion ?

Après une expulsion en avril 2021 par les forces de l'ordre, les militants se sont en partie réapproprié le terrain des Jardins de l'Engrenage. A Dijon, en Côte-d'Or, le site est occupé depuis le 17 juin 2020 par le collectif, qui lutte ainsi contre la bétonisation du quartier.

"Vous savez ce que c'est, ça ?" Claire, amie des Jardins de l'Engrenage, observe avec fierté les lignes de légumes qui repoussent. Il y a deux mois, les pelleteuses retournaient le paysage pour laisser un champs de terre, Avenue de Langres à Dijon. Les plantations ont depuis été réinstallées par les militants. On y retrouve par exemple des tomates, des courgettes et... "Du céleri ! Voilà ce que c'est", s'amuse Claire.

L’intervention des gendarmes et des policiers du 20 au 23 avril dernier avait pour objectif d'expulser les membres du collectif du terrain non bâti, conformément à une décision de justice rendue le 4 novembre 2020. Un complexe immobilier de 330 logements doit en effet être construit sur la parcelle. 

Une seconde décision rendue le 19 mars 2021 accordait un délai de six mois aux habitants qui occupent la maison située sur le terrain. La ville de Dijon a fait appel dans le but de réduire ce répit. Les résultats sont attendus le 29 juin.

Un îlot de fraicheur au cœur de la ville

Le projet contre lequel les militants luttent se nomme "Garden State". En plus de la création de 330 logements, il prévoit l'apport de 2000 m³ de terre végétale. Selon l'entreprise, les espaces verts devraient représenter plus de 60% du terrain une fois les travaux terminés. Ils comprendront notamment un jardin partagé et un verger conservatoire.

Mais les injonctions et les opérations menées par les autorités n'ont en rien érodé la motivation des militants. Ils veulent combattre ce qu'ils appellent la bétonisation du quartier. Autour des jardins qu’ils ont replanté, d’imposants blocs de bétons. Disposés après l’intervention des forces de l’ordres, ils étaient supposés empêcher l’accès à la parcelle. "Ils sont loués pour environ 50 000 euros. De l'argent public bien dépensé", ironisent les miliants. Ils accueillent aujourd’hui des slogans hostiles au maire de Dijon et au promoteur immobilier.

Dans la partie du terrain dédiée à la culture des salades, une dizaine de personnes s'affaire. Parmi eux, Eloi Delaporte, Alinoë Gentaz-Bourchanin et Aude Tonnin, respectivement candidat et suppléants au premier tour des élections départementales sur le deuxième canton de Dijon.

On a besoin que le maire et Ghitti remettent en cause leur projet.

Eloi Delaporte,

candidat aux élections départementales dans le canton Dijon-2

Plus qu'un espace de fraicheur au milieu du béton, les Jardins de l'Engrenage sont pour eux un véritable lieu de vie. A l'ombre des arbres épargnés par les engins de chantier, les rires fusent au rythme de la musique en cette fin d'après-midi. Le plaisir de chacun de profiter d'un coin de nature en pleine ville est palpable. Des cerises fraîchement cueillies circulent entre les habitants des lieux. "Mais attention aux fameuses salades à la fumée de LBD, on n'a pas encore étudié leur impact sur la santé", se moque Alinoë Gentaz-Bourchanin.

A grand renfort de cartes du terrain et de schémas, les militants insistent sur les richesses de cet espace. "On trouve de la terre, de l'eau, les légumes poussent... Au vu du besoin d'îlots de fraicheur en ville, on peut faire des choses ici", défend Eloi Delaporte. "Aujourd'hui, on a besoin que le maire et Ghitti remettent en question leur projet. Il faut qu'ils s'adaptent à la volonté et aux besoins des habitants ainsi qu'aux capacités du terrain." Et il ajoute : "Si les riverains veulent la bétonisation et la création de tous ces logements, alors soit. Mais il faut une consultation."

Une lutte portée jusqu'aux urnes

Éliminés au premier tour, les candidats des Jardins de l'Engrenage restent néanmoins satisfaits de leur score. "15% sur le canton et pratiquement 25% dans les bureaux de vote les plus près des jardins", explique Eloi Delaporte. "Ça représente 753 voix en tout. Ce qui montre bien que les gens du quartier sont vraiment touchés et engagés contre le projet de la mairie et de Ghitti." Face à eux, la première adjointe à la maire de Dijon, candidate sur le canton, a recueilli plus de 47% des voix.

L'équipe affirme que leur candidature est avant tout symbolique. En plus d'afficher le soutien des habitants du quartier, ils disent vouloir prouver qu'ils ne sont pas des "anarcho-zadistes" et que leur cause s'étend à une échelle plus large qu'aux simples Jardins de l'Engrenage. Un engagement synthétisé par leur slogan de campagne, "Contre le béton, pour la nature".

"Malgré l'importance du symbole, on avait bien sûr des propositions concrètes, on n'était pas seulement là pour faire coucou", insiste Aude Tonnin, tandis que Alinoë Gentaz-Bourchanin ajoute : "On n'est pas en dehors de toute procédure démocratique. On est prêt à tout pour défendre cette cause."

S'ils ne seront pas candidats au deuxième tour des élections départementales, ils appellent tout de même à voter pour les Jardins de l'Engrenage. "Les bulletins seront comptabilisés comme nuls, mais ça montrera le soutien porté à notre action."

Quel avenir pour les Jardins de l'Engrenage ?

Pour faire entendre ses revendications, l'association des Amis de l'Engrenage a écrit début juin au maire de Dijon. Ce courrier fait suite à une lettre ouverte publiée en mars par le collectif. Dans les deux cas, aucun retour ne leur est parvenu.

"Ce qu'on veut vraiment, c'est qu'il y ait une concertation entre toutes les parties prenantes", martèle Claire, amie des Jardins. "Si ce lieu est occupé depuis le 17 juin 2020, c'est en opposition à un projet immobilier. On ne lutte pas pour s'accaparer une terre."

Le 29 juin, la justice se prononcera à nouveau sur l'avenir des Jardins de l'Engrenage. Si la décision est favorable à l'appel déposé par la ville de Dijon, l'expulsion définitive du site pourrait avoir lieu plus tôt que prévu. Les engins de chantier pourraient alors détruire la maison implantée sur la parcelle.

Thomas Ghitti, PDG de l'entreprise chargée du projet immobilier, affirme de son côté que le projet est actuellement en "stand-by". Selon lui, les entreprises de construction sont prêtes à travailler, mais sont dans l'attente de l'application des décisions de justice. Après la dernière expulsion, elles n'avaient pu travailler que quelques jours avant de renoncer.

Alors que feront les militants si l'expulsion définitive est ordonnée ? Une chose est sûre, ils ne contestent pas les décisions de justice. Ils avouent cependant ne pas encore savoir ce qu'ils feront si aucune concertation avec leurs opposants n'a lieu avant l'échéance de leur expulsion. "La décision de justice est la décision de justice", admet Aude Tonnin. "Nous sommes juste les porte-paroles d'un collectif. Nous ne sommes pas en mesure de dire ce que nous ferons, parce que ce sera une décision qui sera réfléchie par tous les amis des Jardins."

Malgré les injonctions de la Justice, les membres du collectif ne désespèrent pas. "C'est ça pour nous l'écologie : un créateur de lien social", conclut Eloi Delaporte. Et pour préserver ce lieu de vie, leur combat semble loin d'être terminé.

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