Jean-Benjamin Sleiman, archevêque de Bagdad était en visite mardi 10 mars 2015 à Dijon. Dans le cadre de « la Nuit des Témoins », il a participé à une veillée à la cathédrale Saint-Bénigne mêlant prières et témoignages de responsables chrétiens d’Orient.
Cette « Nuit des témoins », organisée par l’association L'Aide à l’Eglise en Détresse fait se rencontrer fidèles et responsables chrétiens d’Orient. Outre Jean-Benjamin Sleiman, archevêque de Badgad, Ignatus Ayau Kaigama, archevêque de Jos (Nigeria) et Sœur Hanan Youssef, responsable d’un dispensaire dans un camp de réfugiés syriens à Beyrouth, au Liban, étaient les invités de cette veillée.
L’archevêque de Bagdad est venu à Dijon attirer l’attention sur la situation des chrétiens d’Orient. En 1987, l’Irak comptait 1,2 million de chrétiens. Aujourd’hui, il en reste 500 000 selon le rapport 2013 du département d'Etat américain sur les libertés religieuses dans le monde.
L’intervention américaine de 2003 a-t-elle apporté la démocratie?
Jean-Benjamin Sleiman a été nommé à Bagdad en 2001. Il a notamment vécu l’intervention américaine de 2003 et revient sur l’idée de démocratie apportée comme une des justifications de l’intervention militaire :
Le langage politique n’est pas porteur de vérité
Aujourd'hui, le pays est traversé par une crise politique. A Bagdad, la situation est à peu près stable, selon M. Sleiman, mais c'est une "normalité au mileu d'une anormalité".
Des persécutions dans tout le pays
Les chrétiens qui subsistent à Bagdad et dans le reste du pays vivent constamment sous la menace. Pourtant les rapports entre les autorités musulmanes et chrétiennes en Irak sont cordiaux. Mais ce sont les idées qui se répandent dans la population qui inquiètent l'archevêque.
Il y a dans les populations musulmanes des gens qui croient que c’est la bataille d’Allah, la guerre sainte…
Jean-Benjamin Sleiman n’hésite pas à parler de réelles persécutions des chrétiens. Ces violences sont allées en s’intensifiant. C’est notamment le cas dans la banlieue de Bagdad ou en 2008 dans la ville de Mossoul, au nord de l’Irak :
Si vous ne voulez pas vous convertir, il faut payer l’impôt […] ou bien on vous tue
Un instruments dans les mains de grandes puissances
Ces violences sont le fait de groupes musulmans fondamentalistes violents, ainsi que de l’Etat islamique. L'archevêque de Bagdad regrette la faiblesse de l’Etat irakien. Mais, selon lui, une intervention militaire contre les fondamentalistes ou contre l’Etat islamique ne réglerait pas le conflit :
Combattre militairement l'Etat islamique n'est pas suffisant
Jean-Benjamin Sleiman ne veut pas citer de nom. Il renvoie la balle aux médias occidentaux, qui doivent, selon-lui, « dénoncer ces grandes puissances ».
Une réaction du gouvernement français ?
Quand on lui demande s’il attend une réaction de la part du gouvernement français en direction des chrétiens d’Irak, l’archevêque de Bagdad se montre sceptique :
La France n’a plus une parole française…elle suit.
Cependant, Jean-Benjamin Sleiman est sensible aux actions menées par des associations françaises comme L'Aide à l’Eglise en Détresse ou encore l’appel de Jacques Julliard et Jean d’Ormesson, signé par de nombreuses personnalités telles Michel Rocard, Alain Juppé, Michel Onfray ou Robert Badinter.
Malgré la situation de ses fidèles, l’archevêque de Bagdad se montre déterminé. « Je dois rester et je reste à Bagdad, c’est ma mission ».