En drone, ils survolent la prison de Dijon pour larguer un iPhone 12 et du cannabis

Deux jeunes hommes résidents à Audincourt ont été condamnés à Dijon, mercredi 14 juin, pour cette pratique de plus en plus répandue : larguer des colis dans une prison à l'aide d'un drone.

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Ils sont cousins et habitent tous les deux à Audincourt (Doubs). Deux jours plus tôt, ils se sont fait prendre par des policiers à Dijon, alors qu'ils étaient en train de faire voler leur drone... au-dessus de la maison d'arrêt de Dijon, près de la rue d'Auxonne. Un drone auquel était attaché un colis : une chaussette glissée dans une bouteille, avec à l'intérieur un iPhone 12 et 100 grammes de résine de cannabis.

Abdelkrim et Daoud, tout juste majeurs, ont été interpellés vers 2 heures du matin dans la nuit du 12 juin, sur les voies SNCF près de l'Intermarché du boulevard de l'Université. Les policiers avaient repéré leur manège : ils disent avoir vu le drone faire plusieurs fois l'aller-retour jusqu'à la prison, avec un colis accroché à l'aller, avant de revenir à vide. Mais ce mercredi, les deux cousins ne sont jugés "que" pour le dernier colis, celui qui a pu être intercepté par les policiers.

"De la viande ? En maison d'arrêt ? Livrée par drone ?"

Pourquoi, ou plutôt pour qui ont-ils fait cela ? En audition, Daoud explique aux policiers "avoir rencontré un homme à Montbéliard" qui l'a menacé de lui "casser la gueule" s'il ne faisait pas ce qu'il lui demandait, à savoir survoler la prison et larguer des paquets. "Il a dit que si ça se passait bien, il me donnerait un peu d'argent. Entre 100 et 200 euros par paquet."

"Il y avait combien de paquets ?" demande la présidente.

"Deux", répond Daoud. "On n'a pu en larguer qu'un seul."

"C'est qui, cet homme qui vous a menacés ?"

"On l'appelle Momo, c'est Mohamed je crois. À la base, je fais du drone comme passe-temps. Il est venu vers moi, il m'a dit que si je faisais pas ça, il savait où j'habitais. Il m'a donné 70 euros pour faire la route jusqu'à Dijon."

La présidente demande ensuite à Abdelkrim pourquoi il a accompagné son cousin à Dijon ce soir-là. "Momo on le connaît dans la ville, c'est un fou. Si j'avais pas accompagné Daoud, je sais qu'il m'aurait tapé aussi." Abdelkrim dit avoir joué le rôle "d'assistant" de Daoud qui, lui, pilotait le drone. La présidente paraît douter de la version des deux cousins. 

"Vous ne saviez pas ce qu'il y avait dans le colis ?" demande-t-elle à Abdelkrim.

"Non. Je croyais qu'il y avait un téléphone et de la viande."

"De la viande ? En maison d'arrêt ? Livrée par drone ?" Des rires parcourent le box et l'assemblée.

"Ça vous fait rire ?" demande la présidente à Daoud qui sourit.

Daoud : "Non mais c'est parce que la dame, ça la fait rire." Il désigne une des assesseuses du tribunal, qui acquiesce en souriant.

"Ces affaires de drone commencent à prendre de l'ampleur dans les prisons françaises"

Passé ce moment qui prête à sourire, on en revient à l'histoire de "Momo le fou" : le tribunal n'y croit pas vraiment. Pas plus que le procureur, Thierry Bas : "Daoud. Votre grand frère, il est bien incarcéré en ce moment à la prison de Dijon ? C'est pas lui qui donne les ordres ?"

"Monsieur Daoud nous prend pour des imbéciles. C'est son grand frère qui donne des consignes, c'est vérifié d'ailleurs par l'administration pénitentiaire."

Thierry Bas

procureur

"Ce qui est ennuyeux, c'est que ces affaires de drone commencent à prendre de l'ampleur dans les prisons françaises. Il y a aussi des couteaux, des rasoirs, des pistolets qui peuvent être livrés."

"C'est une méthode qui se répand en France et à mon avis, c'est un problème qu'on doit prendre très au sérieux compte tenu de la dangerosité des produits qui peuvent être livrés", argumente le procureur. Il est vrai que ce mode opératoire est de plus en plus courant : en mars notamment, un colis par drone a été intercepté à la prison de Varennes-le-Grand en Saône-et-Loire. Ce procédé inquiète l'administration pénitentiaire, qui redoute que des armes soient introduites en prison.

► À LIRE AUSSI : Drogue, téléphones et console de jeux : les livraisons par drone en prison, phénomène "récent" à Varennes-le-Grand

L'exploitation des images du drone de Daoud démontrera aussi qu'un autre survol de la prison de Dijon avait déjà eu lieu le 6 juin dernier, mais les deux cousins ne sont pas poursuivis pour cela.

La nuit de leur arrestation, les policiers fouillent aussi la Peugeot 307 avec laquelle les cousins sont venus d'Audincourt. Ils y trouvent du scotch, des chargeurs de drone, 1 gramme de résine de cannabis ("pour ma conso personnelle", explique Abdelkrim) et 940 euros en liquide, dont Daoud aura bien du mal à expliquer la provenance. Il explique que c'est à sa mère, mais celle-ci dément... Et que l'autre partie lui a été donnée par un ami pour qu'il le donne à son père. On aura pas davantage d'explications.

"J'ai passé une nuit en prison, ça m'a servi de leçon"

Appelés à s'exprimer en dernier avant la décision du tribunal, les deux cousins affirment qu'ils ne recommenceront pas.

Abdelkrim : "J'ai passé la nuit en prison, j'ai pas dormi de la nuit. Ça crie, ça s'insulte... Ça m'a servi de leçon."

Daoud : "Il n'y a pas d'hygiène, pas d'intimité, ça pue, les détenus crient tout le temps... Ça m'a chamboulé. Moi non plus, j'ai pas dormi de la nuit."

"J'ai passé une seule nuit en prison, ça fait peur. Je ne me vois pas dedans. Je regrette ce que j'ai fait", conclut Abdelkrim. "Pour ma mère ça fait trop, j'ai déjà un grand frère en prison. Je promets qu'on ne me verra plus jamais devant un tribunal", affirme Daoud.

Abdelkrim et Daoud sont condamnés à la même peine : 6 mois de détention à domicile avec un bracelet électronique, et 500 euros d'amende. Les scellés (le drone, l'iPhone, le cannabis, les 940 euros en liquide) sont confisqués.

► FAIRE VOLER SON DRONE : QUE DIT LA LOI ?

Le vol de drones est interdit au-dessus de certains sites sensibles ou protégés (centrales nucléaires, terrains militaires, monuments historiques, prisons, réserves naturelles et parcs nationaux... ). Il est interdit à proximité des aérodromes, et dans les zones connaissant une activité aérienne particulière (exemple : trafic militaire). Le survol des personnes est toléré. Par contre, vous devez rester éloigné des rassemblements de personnes. (Source : service-public.fr).

Vous pouvez vérifier ici les zones de restriction de survol des drones en France.

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