ENTRETIEN. Erreur médicale à Dijon : comment l'institut de cancérologie a-t-il pu se tromper de sein en soignant une patiente ?

L'institut de cancérologie de Dijon s'explique en détails sur l'erreur médicale qui a valu à une femme de subir 20 séances de radiothérapie sur son sein droit au lieu du gauche, cancérigène.

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C'est une erreur médicale rarissime... et difficilement compréhensible. Nous vous le révélons dans cet article : le 26 mars dernier, l'institut de cancérologie de Dijon, situé aux allées du Parc, s'est aperçu qu'une de ses patientes venait de faire subir 20 séances de radiothérapie sur son sein droit, alors que c'était son sein gauche qui présentait une tumeur.

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Comment expliquer cette méprise ? Le docteur Edouard Lagneau, oncologue-radiothérapeute à l'institut de cancérologie de Dijon, répond aux questions de France 3 Bourgogne. 

D'où est partie l'erreur initiale ?

Edouard Lagneau : "La patiente devait recevoir un traitement de radiothérapie à la suite de son opération du sein. Or, lors de la préparation du traitement, il y a eu erreur : le médecin a écrit "sein droit" au lieu de "sein gauche". Normalement, il y a un certain nombre de procédures et de vérifications. Mais là, ça n'a pas été détecté.

C'est très multifactoriel. En fait, c'est assez incompréhensible. Ce genre d'erreur peut arriver, mais d'habitude, il y a toujours des éléments qui finissent par nous alerter.

Edouard Lagneau

oncologue-radiothérapeute à l'institut de cancérologie de Dijon

Par exemple, la patiente venait d'être opérée du sein gauche ; elle avait une cicatrice bien visible... Effectivement, il y a eu un enchaînement malheureux. Un concours de circonstances."

La patiente n'a-t-elle pas vu qu'il y avait un problème pendant la radiothérapie ?

Edouard Lagneau : "A priori, elle s'en est rendue compte. Elle dit qu'elle l'a signalé à un manipulateur au début du protocole, mais que ça n'a pas été pris en compte. Ça, ce n'est pas normal."

Est-ce que les manipulateurs n'ont pas fait attention, n'ont pas entendu ? Ils ne se souviennent pas vraiment. On n'a pas réellement d'explication.

Edouard Lagneau

oncologue-radiothérapeute à l'institut de cancérologie de Dijon

La patiente, elle, dit qu'elle l'a signalé une fois, mais que comme elle n'a pas eu de réponse, elle n'a rien redit ensuite. Elle n'a pas relancé lors des séances suivantes. Elle dit qu'elle n'a pas osé."

Quels sont les risques pour la santé de la patiente ?

Edouard Lagneau : "À ce stade, le traitement n'a pas généré d'effets secondaires, mis à part quelques effets cutanés de type rougeurs sur le sein traité par erreur, mais qui se sont résorbées par la suite. 

On considère qu'il n'y a pas de séquelles, ni de pertes de chances quand au retard de traitement de son sein pathologique. Les recommandations nationales sont de commencer les radiothérapies dans les trois mois post-opératoires. On a pris du retard, mais on reste dans le délai.

En découvrant l'erreur, nous avons immédiatement informé la patiente, qui a entamé une nouvelle radiothérapie. Elle est en train de terminer ce traitement. En revanche, il y a un traumatisme psychologique, oui."

La clinique a réalisé son erreur lors du rendez-vous post-traitement, le 26 mars. Quelles mesures ont été prises ?

Edouard Lagneau : "En cas d'erreur de ce type, il y a un processus à suivre. Une déclaration a immédiatement été faite à l'Agence régionale de santé et à l'Autorité de sûreté nucléaire. Au moment de ce signalement immédiat, l'ASN demande une analyse rapide pour prendre des mesures correctives immédiates.

Maintenant, on essaie d'analyser plus en détails ce qu'il s'est passé. Ce rapport sera transmis, d'ici la fin du mois, à tous les autres centres de traitement du cancer de France.

Concernant le processus de validation des traitements, nous avons mis en place un item spécifique "validation du côté droit ou gauche".

Edouard Lagneau

oncologue-radiothérapeute à l'institut de cancérologie de Dijon

C'est une mesure encore plus contraignante que jusqu'à présent. Avant, on faisait valider le traitement dans son ensemble par deux professionnels de santé. Maintenant, une troisième personne sera spécifiquement chargée de vérifier que l'on traite le bon côté du patient, quand il s'agira de traitements sur des zones impliquant une latéralité.

Par ailleurs, nous avons informé tout le personnel. Nous avons rappelé l'ensemble des mesures de sécurité et de vérification à adopter sur tous nos sites [l'institut possède des antennes à Dijon, Auxerre et Chalon-sur-Saône]."

Une procédure juridique est-elle en cours ?

Edouard Lagneau : "A priori, la patiente n'engagera pas de poursuites, elle ne souhaite pas se lancer dedans. Il devrait y avoir une négociation à l'amiable, avec une conciliation."

Y aura-t-il des sanctions envers le personnel de l'institut de cancérologie ?

Edouard Lagneau : "Justement, non. C'est une demande de l'Autorité de sûreté nucléaire : la règle de non-sanction. Car l'un des risques serait que les personnels essaient de cacher leur erreur plutôt que d'en parler, comme ce qu'on a vu à Épinal." [Entre 2001 et 2006, 448 patients atteints d'un cancer de la prostate ont reçu des surdoses de radiation, donnant lieu à un procès très médiatisé en 2012.]

Le but aujourd'hui est que les centres signalent les erreurs, pas qu'ils les cachent.

Edouard Lagneau

oncologue-radiothérapeute à l'institut de cancérologie de Dijon

"Toute personne est susceptible de faire une erreur, le risque zéro n'existe pas même s'il est très faible - des millions de séances ont lieu chaque jour, il n'y a eu que trois incidents recensés l'année dernière."

"Quoi qu'il en soit, il faut limiter le risque et être transparent. Je suis moi-même intervenu en tant qu'expert dans divers incidents médicaux ; le problème est souvent le défaut d'information. Dans notre cas, nous en avons immédiatement informé la patiente, et elle l'a compris."

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