D’ici 4 mois, les médecins de ville pourront mieux accompagner leur patient en fin de vie. Ils auront le droit d'administrer du Midazolam, un puissant sédatif dont l'usage était jusque-là autorisé uniquement en milieu hospitalier. En Bourgogne, médecins et associations émettent des réserves
Mourir à domicile plutôt qu’à l’hôpital, c’est une volonté exprimée par de nombreux patients auprès des professionnels de santé. D'ici quatre mois, le midazolam, un puissant sédatif jusqu'ici réservé à un usage hospitalier, sera disponible dans les pharmacies de ville pour les « médecins qui prennent en charge des patients en fin de vie à leur domicile ». La Haute autorité de santé (HAS) avait publié ce lundi une recommandation en ce sens. Car si la loi autorise en théorie la « sédation profonde et continue jusqu’au décès » à domicile, les traitements utilisés pour la mettre en œuvre sont aujourd’hui très difficiles d’accès hors de l’hôpital. Le ministère de la santé a aussitôt donné son accord. L'annonce a été faite ce lundi 10 février.
"Un parcours de soins à respecter"
Depuis la mise en place de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie, en février 2016, de nombreux médecins réclamaient de pouvoir prescrire et administrer la sédation profonde aux patients qui le souhaitent. Pour Aurélien Vaillant, médecin généraliste du syndicat MG France et président du GPSPB (Groupement des Professionnels de Pays Beaunois), il s’agit d’une avancée. « Sur des situations ponctuelles, cela peut permettre d’éviter une hospitalisation lorsque le patient la refuse ». Néanmoins, le professionnel de santé insiste : « l’administration du midazolam doit se faire au cas par cas. C’est un élément du puzzle mais cela ne fait pas tout. Nous devons répondre à une détresse physique mais également psychologique ».
La loi impose que la décision de mettre en œuvre cette sédation profonde soit prise de façon collégiale, une condition plus difficile à remplir pour les médecins de ville, d'autant plus dans les déserts médicaux où les structures d'hospitalisation à domicile ne sont parfois pas disponibles. Sur ce point, la HAS rappelle que son guide « parcours de soins » paru en 2018 prévoit de respecter cette obligation de collégialité en organisant une réunion avec une équipe de soins palliatifs pluri professionnelle et en faisant intervenir l'avis d'au moins un médecin extérieur.
"Gare à la banalisation"
Si pour de nombreux médecins de ville, cette nouvelle disposition se présente comme une avancée dans l’accompagnement des patients en fin de vie, il s’agit de l’appliquer dans le cadre d’un parcours sécurisé. « Il est important que les médecins bénéficient d'une formation sur les indications et sur les modalités du midazolam » explique Véronique Alavoine, chef du service de soins palliatifs de la Mirandière à Quetigny. Elle accueille cette annonce du ministère de la santé avec une certaine réserve et craint une banalisation dans le recours à ce type de sédation. « Il faut prendre gare à la solution de facilité. En situation de crise pour le patient et sa famille, la précipitation est toujours un ennemi. Chaque cas est différent. Il s’agit d’adopter une démarche collégiale et interdisciplinaire avant l’usage en dernier recours du midazolam ».
Apaiser la souffrance des patients en fin de vie en leur apportant un soutien, c’est la mission que se fixe quotidiennement la soixantaine de bénévoles au sein de l’association JAMALV (Jusqu’à la mort accompagner la vie) à Dijon. Pour sa présidente, Dominique Barrière, cette autorisation du gouvernement donnée aux médecins est une avancée dans la loi Claeys-Leonetti. « Bien souvent, les bénévoles sont confrontés à des patients qui refusent d’aller en EHPAD. Ils doivent alors faire face à des situations de crise très compliquées. Si la possibilité est donnée aux patients de pouvoir rester et mourir à leur domicile comme ils le souhaitent, alors pour nous, c’est forcément une avancée qui va dans le bon sens ».
La construction du prochain plan de développement des soins palliatifs, évoqué par Agnès Buzyn début janvier, sera finalisée "avant la fin du premier semestre" a annoncé le ministère de la santé. D’après l’Institut national de la statistique et des études économiques, seulement une personne sur quatre décède à son domicile en France. Là où elles seraient aujourd’hui 80 % à le souhaiter.