Ce vendredi 14 octobre, des hommages seront rendus à Samuel Paty dans les établissements scolaires. Deux ans après l'assassinat du professeur d'histoire-géographie, le respect du principe de laïcité à l'école reste un travail de longue haleine. Entretien avec le référent laïcité en Bourgogne.
Deux ans après l'assassinat de Samuel Paty, décapité à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) après avoir montré en classe des caricatures de Mahomet, un hommage sera rendu vendredi matin, ou lundi 17 octobre, au professeur d'histoire-géographie. Mais la question des atteintes à la laïcité reste un sujet sensible, et le phénomène prend même de l'ampleur : 313 signalements ont été recensés en septembre 2022. 51% des faits concernent des lycées, 36% des collèges, et 13% des écoles.
Plus de la moitié des faits concernent le port de signes et de tenues. Dans une plus faible proportion, on retrouve la suspicion de prosélytisme, le refus d'activité scolaire, la contestation d'enseignement, les revendications communautaires, les provocations verbales. Et dans 2% des cas, le refus des valeurs républicaines. Le ministère de l'Education ne souhaite pas communiquer des chiffres académiques exacts, pour éviter des comparaisons entre académies.
Entretien avec la référent laïcité dans l'académie de Dijon, Frédéric Battle, dont l'une des missions est d'accompagner les chefs d'établissements, "pour rencontrer des familles et des élèves pour faire cesser la difficulté autour des valeurs de la République"
Dans l'académie de Dijon, y a-t-il beaucoup d'atteintes à la laïcité ?
Frédéric Battle : "On est dans une académie qui est relativement préservée, par rapport à nos collègues d'Ile-de-France par exemple. Nous avons eu un nombre important de signalements lors de la minute de silence à Samuel Paty, l'année de l'assassinat. On en a eu beaucoup moins l'an dernier. On sera très vigilants cette année.
Le discours du recteur est clair : toute atteinte aux valeurs de la République doit faire l'objet d'un signalement de la part des chefs d'établissement. Et tout signalement doit faire l'objet d'un accompagnement, côté établissement".
Quels sont les types d'atteintes qui reviennent le plus souvent ?
F.B : "Ce sont les questions autour de port de signes manifestant une appartenance religieuse et les contestations d'enseignement, c'est-à-dire des comportements inadéquats lorsque les professeurs évoquent telle ou telle partie du programme. Parfois nous avons des élèves qui respectent les valeurs de la République dans l'établissement, mais qui à l'occasion d'une sortie ou d'un voyage scolaire, ont un comportement inapproprié en manifestant une appartenance religieuse. Tout notre rôle est de rappeler de manière ferme, mais dans le dialogue, que les règles des signes et tenues s'appliquent également lors des sorties scolaires, ou à l'extérieur de l'établissement, lors des activités sportives par exemple".
Qui sont les auteurs de ces atteintes ?
F.B : "On retrouve les familles des élèves, quand il y a contestation d'enseignement : une famille qui va se demander pourquoi son enfant doit travailler sur tel ou telle partie de programme, étudier tel ou telle œuvre. Dans ce cas-là, on a un travail avec les familles."
Quelles réponses apporter ?
F.B : "Ça va du dialogue jusqu'à l'application de sanctions disciplinaires. Dans des cas complexes, c'est un signalement aux autorités judiciaires. Il y a des procédures établies, des signalements qui vont aussi aux renseignements territoriaux, aux services de la préfecture, dans le cadre de la lutte contre la radicalisation. On agit en parfaite transparence.
Dans les cas les plus menaçants, on met en place un service de protection pour le personnel en question, et c'est la justice qui intervient. C'est souvent les services de la justice qui prennent la main : on intervient dans le soutien et l'accompagnement du professeur. C'est aussi abordé dans les formations qu'on met en place, à savoir comment on réagit individuellement et collectivement aux atteintes aux valeurs de la République."
Le respect des valeurs de la République, un combat sans fin ?
F.B : "Il faut une vraie détermination et fermeté de l'Institution dans sa globalité autour de ces questions. Il est aussi important que ces questions soient abordées à travers les programmes, toutes matières confondues. On insiste auprès des équipes lors des formations, il ne faut pas qu'il y ait de sujet tabou, il ne faut pas que des enseignants soit amenés à s'auto-censurer non plus ! C'est un travail de longue haleine, mais il ne faut pas que l'Institution recule."