À Quetigny (Côte-d'Or) subsistent certains des derniers bouilleurs de cru de France. À l'aide d'un alambic centenaire, ils continuent de distiller les fruits qu'on leur amène, selon un savoir-faire en voie de disparition. Rencontre.
C'est un savoir-faire ancestral qui, au fil des ans, disparaît peu à peu. Il subsiste toutefois dans un petit atelier situé à Quetigny (Côte-d'Or), dans la métropole dijonnaise. Il y a quelques années, plusieurs bouilleurs de cru s'y sont réunis pour former un syndicat, autour d'un vieil alambic âgé de plus d'un siècle. Et chaque année, en janvier, l'appareil reprend du service pour distiller les fruits qu'on lui apporte.
En cette fraîche matinée de janvier 2024, ce sont Daniel et Henri, respectivement président et secrétaire du collectif, qui s'attèlent à la distillation. "C'est un beau métier, mais c'est épuisant", sourient-ils. "Il faut faire du bois, surveiller pendant que ça chauffe... On est tout le temps sur le qui-vive !"
"C'est nous qui continuons la tradition"
Pour rappel, les bouilleurs de cru sont habilités à produire leurs propres eaux-de-vie à partir des fruits qu'ils ont eux-mêmes récoltés, ou qu'un particulier les possédant leur demande de distiller.
Daniel et Henri, eux, pratiquent ce métier depuis 40 ans. "C'est mon père qui nous a appris", explique Daniel. "Avant, à Quetigny, tout le monde avait le droit de distiller, parce que tout le monde avait le privilège de bouilleur de cru. Mais les anciens sont morts et il y en a de moins en moins. Maintenant, c'est nous qui continuons la tradition."
Il faut bien arrêter un jour, on n'est pas immortels. Mais on a tellement de demandes qu'on ne peut pas arrêter !
Daniel Bruley,président du syndicat des bouilleurs de cru de Quetigny
Une tradition qui rencontre un franc succès dans la commune. Les deux bouilleurs s'apprêtent à distiller 80 kilos de mirabelles, que Jean-Claude, un habitué, vient de leur fournir. "C'est une production qui vient des vergers familiaux", relate-t-il. "En fonction de ce que l'on récolte chaque année, on en fait distiller. La consommation a beaucoup diminué, mais ça se sert toujours lors des repas de famille ou bien ça se donne en cadeau."
Moins de taxes pour les bouilleurs de cru grâce à la loi de finances 2024
Dans les années 1950, les bouilleurs de cru ont obtenu un "privilège" les exonérant de droits de distillation dans la limite de 10 litres d'alcool pur (ou 20 litres d'alcool à 50 degrés). À l'époque, ce privilège était transmissible par héritage, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. En conséquence, les bouilleurs qui n'en bénéficient pas se voyaient taxés à hauteur de 50% sur les 10 premiers litres produits, puis 100% sur les suivants.
Mais la loi de finances 2024, entrée en vigueur au 1er janvier 2024, a modifié la réglementation. Désormais, tous sont exonérés de la taxe (dite "accise") sur les 50 premiers litres. Une façon d'encourager à perpétuer ce savoir-faire ? La profession en aurait, en tout cas, bien besoin : en 2021, on estimait à 600 ou 700 les bouilleurs de cru en France.