À cause du changement climatique, la moutarde de Dijon fait face à des pénuries de graines et des hausses de prix importantes. Les moutardiers et les producteurs tirent la sonnette d'alarme.
La moutarde de Dijon sera-t-elle la prochaine victime du dérèglement climatique ? Entre hausse des prix des matières premières et pénuries, la filière fait face à une crise sans précédent. En cause, chute de 28 % de la production de graines de moutarde au Canada, premier producteur mondial. Cette chute est notamment due à une importante sécheresse dans l'ouest du pays.
"Ceux qui veulent de la moutarde haut de gamme vont payer plus cher", résume Ramzy Yelda, analyste des marchés de matières premières. Et les prix devraient atteindre des niveaux records, à hauteur de 1700 dollars la tonne (environ 1510 euros).
Une augmentation généralisée des prix
En Bourgogne, où se situe la majorité des fabricants de moutarde, la situation est tout aussi alarmante. "On est dans une crise qu'on n'a jamais vue depuis 25 ans", se désole Christophe Planes, directeur des ventes France chez "Reine de Dijon", filiale du groupe allemand Develey. "Le prix des graines a été multiplié par trois ou quatre et peut-être cinq bientôt."
Il n'y a plus d'offre.
Christophe Planes, directeur des ventes France chez Reine de Dijon
À cette augmentation s'ajoute la hausse des coûts des matières utilisées pour les pots de moutarde : +42 % pour les capsules métalliques, +12 % pour le verre, +20 % pour le carton. De son côté, le vin blanc de Bourgogne, autre ingrédient essentiel, a vu son prix doubler en raison des épisodes de gel tardif au printemps 2021.
"En plus, il n'y a pas d'offre", poursuit Christophe Planes. "La raréfaction est telle qu'on a une diminution potentielle de 50 % des graines. Notre production est donc de moins 50 %."
Le Canada, un marché trop concurrentiel ?
Si la culture des graines a fait la réputation de Dijon depuis le Moyen-Âge, elle a depuis subi un net déclin. En cause, la mondialisation des échanges et la concurrence de pays aux rendements plus élevés.
Parfois, on n'a plus de production du tout
Fabrice Genin, producteur de graines de moutarde
"La production de graines de Bourgogne a été divisée par trois en quatre ans, de 12 000 tonnes à 4000 tonnes en 2021", souligne Fabrice Genin, producteur de graines de moutarde en Côte-d'Or. Malgré des efforts de relance, les cultivateurs locaux pâtissent en effet du réchauffement climatique, qui provoquerait une augmentation des populations d'insectes.
"La filière n'a plus le droit d'utiliser des insecticides, alors qu'ils sont autorisés au Canada", déplore le cultivateur. "Parfois, on n'a plus de production du tout."
Face à l'augmentation des coûts, les moutardiers ont décidé d'augmenter leur prix. Chez Fallot par exemple, la dernière entreprise française du secteur, une augmentation entre 7 et 16 % est attendue.
