Le deuxième volet de la saga de James Cameron a dépassé les 10 millions d'entrées en France cette semaine. Comment expliquer ce carton absolu ? France 3 Bourgogne a posé la question à quatre directeurs de cinéma de la région.
En quatre semaines, plus de 10 millions de spectateurs se sont pressés dans les salles obscures pour découvrir ce qui était annoncé comme LE carton cinématographique de la fin 2022 : Avatar 2 : la voie de l'eau. Une tendance valable dans toute la France, y compris en Bourgogne. Nous avons contacté quatre directeurs de cinémas de la région, de différentes tailles, en zone rurale et urbaine, pour évoquer ce succès incontestable, tenter de l'expliquer et envisager l'avenir de cette saga :
- Cyril Jacquens, directeur du cinéma Cap-Vert à Quétigny (12 salles, 2400 places)
- Valérie Sutter, directrice du cinéma Pathé à la Cité de la gastronomie de Dijon (9 salles, 1200 places)
- Franck Fourrier, directeur du cinéma l’Empire à Paray-le-Monial (3 salles, 513 places)
- Maxime Munier, directeur du cinéma Agnès-Varda à Joigny (1 salle, 114 places)
Combien d'entrées avez-vous enregistré depuis la sortie du film le 14 décembre ?
Cyril Jacquens, directeur du Cap-Vert : "Nous avons plus de 45 000 entrées pour Avatar, et notre deuxième film le plus vu fait 6 000 entrées. Mi-décembre, on diffusait une séance d'Avatar par heure et chaque séance était complète, pendant 5 à 6 jours de suite ! Par rapport à Spiderman, qui était le premier film important depuis le covid, on a davantage de monde et plus de familles."
Maxime Munier, directeur du cinéma Agnès-Varda de Joigny : "On totalise 1 700 entrées, contre 150 pour le deuxième film qui rencontre le plus de succès chez nous (Le chat potté 2). Depuis le 14 décembre, on a diffusé 15 films pour 2 600 entrées. Les gens viennent quasi-exclusivement pour Avatar. C’est écrasant."
Valérie Sutter, directrice du Pathé de la Cité de la gastronomie : "C'est vrai que le marché est largement dominé par Avatar. Il est vu environ 10 fois plus que les autres films. Surtout, il s'inscrit largement plus dans la durée. Ça fait bientôt un mois de diffusion et le film est toujours au top !"
"Le bouche à oreille marche bien. C’est très familial. C’est rare, un film aussi fédérateur."
Valérie Sutter
Franck Fourrier, directeur du cinéma Empire de Paray-le-Monial : "Dans notre salle 3D, on a moins de lunettes que de places : 165 paires sur 224. Pendant les vacances de Noël, on a dû refuser 30 à 40 personnes par séance ! Aujourd'hui, on totalise 4 200 entrées pour Avatar, et certaines personnes reviennent le voir. C'est un record absolu pour nous, à Paray-le-Monial. Pour comparer à d'autres films à succès, Top Gun récemment a fait 2 260 entrées, et même le Roi Lion en 2019 n'a fait "que" 2 500 places."
Comment expliquer ce succès, selon vous ?
Franck Fourrier : "Pour le premier Avatar, on n'avait pas la 3D dans notre salle, donc pas toute la "hype" qui allait avec. Mais désormais, on a la 4K et le 48 images par seconde, une salle haut de gamme pour visionner le film. Il y avait une attente depuis 2009 et Avatar 1 qui avait fait plus de 15 millions d’entrées. Les gens s’attendaient à voir un spectacle exceptionnel, en immersion totale grâce à la 3D."
Maxime Munier : "C'est vrai qu'il y a un gros engouement pour la 3D, les trois quarts du public viennent pour ça."
Cyril Jacquens : "Déjà, le premier volet avait été un phénomène incroyable. Le deuxième volet est un film qui parle à ceux qui étaient ados à l’époque, un film transgénérationnel, qui touche tout le monde."
Que penser du film, concrètement ? Quels retours recevez-vous du public... Et quel est votre avis plus personnel ?
Cyril Jacquens : "Les retours que l'on a sont très bons. Dans le pire des cas, certaines personnes trouvent l'histoire un peu légère. Mais la 3D est exceptionnelle et donne une réelle immersion. Après, l'écriture est librement inspirée de contes et légendes américaines, notamment Pocahontas... Donc, oui, certains trouvent l'histoire un peu bateau."
Franck Fourrier : "On en a pour son argent, même si c'est sûr que le scénario ne vole pas haut. Il y a un réel intérêt à le voir en 3D car en 2D, on n'a ni le scénario, ni les effets visuels..."
Maxime Munier : "Je trouve le film très bien, mais un peu surcoté. Ce n'est pas un mauvais film, on passe même un excellent moment. Mais le scénario, les répliques… Tout est très attendu."
"Moi je dirais que c’est une soupe. Une excellente soupe, attention, je ne veux pas du tout "démonter" ce film ! Mais j'avoue ne pas comprendre pourquoi il fait 10 millions d'entrées alors qu'il y a au moins 10 films qui valent la qualité d'Avatar, qui sont plus courts aussi donc plus digestes à regarder."
Maxime Munier
"Ce n'est pas non plus révolutionnaire, comparé à The Batman ou Topgun, en termes d'image, de son, de lumière... Si révolution il y a, c'est peut-être dans notre appréciation de ce qui est beau au cinéma. Je pense qu’on a “shifté” vers quelque chose où l’on veut que ce soit pléthorique, bourré de CGI… En fait, je ne trouve pas ça si immersif. Je pense que ça risque d’encourager les studios à ne faire que des choses comme ça. Le HFR (48 images/seconde) tend à être un gadget un peu inutile, voir perturbant. Alors qu’un film bien réglé en 24 images par seconde est tout aussi beau."
Avatar a-t-il les clés pour devenir une grande saga cinématographique, à l'image de Star Wars, Le Seigneur des Anneaux ou Harry Potter ?
Cyril Jacquens : "Ça l’est déjà ! C’est tout à fait comparable, et ce n’est pas du tout un hasard. On est sur cette dynamique-là. On est sur un public qui veut rêver, voir de belles choses, de l’aventure."
Franck Fourrier : "On est parti pour une belle saga. Avatar 3 est prévu en 2024, et deux autres sont déjà tournés, puisque le réalisateur voulait rester fidèle à l'âge des enfants et éviter "l’effet Stranger things", où l'on des acteurs de 22 ans se retrouvent à jouer des enfants de 14 ans. La production commence déjà à teaser Avatar 3, qui sera visiblement une guerre entre Na'vi gentils et méchants."
"Après, il n’y aura pas une énorme différence technique entre Avatar 2 et Avatar 3.... Donc il faudra que le scénario soit plus à la hauteur."
Franck Fourrier
Valérie Sutter : "Avec ces autres volets prévus dans les deux-trois ans à venir, je pense que ça peut devenir une saga, un vrai rendez-vous avec un partage et une transmission générationnelle comme Star Wars."
Pour finir, parlons du reste de la programmation. Quels autres films incontournables conseillez-vous en ce début d'année ?
Maxime Munier : "Pour le coup, Tirailleurs, avec Omar Sy, est vraiment très immersif. Je conseille aussi Les Banshees d'Inisherin, qui ne vise pas le même public qu'Avatar mais qui sera probablement oscarisé. Il y a Babylon de Damien Chazelle, qui s'annonce comme un énorme film à succès. Dans un autre genre, j'ai aussi un vrai coup de cœur pour Super Mario Bros, un film d'animation réalisé par les mêmes studios que Les Minions et Moi, moche et méchant, qui sortira au printemps."
Valérie Sutter : "Nous avons cette semaine une grosse sortie avec Babylon, dans lequel figure Brad Pitt notamment. Le 1er février, ce sera le nouvel Astérix et Obélix, une comédie française avec un casting d'exception. On a aussi Alibi.com 2 avec Philippe Lacheau. Pour le jeune public, je conseille Pattie et la colère de Poséïdon, et aussi La guerre des Lulus. Et à compter de ce mercredi, on diffuse L'immensità, avec Penelope Cruz, dans un tout autre registre."
