Moins d'accidents, moins de donneurs, moins de personnel... les délais d'attente prolongés pour les greffes d'organes

La crise de coronavirus met à mal les services hospitaliers. Les services de prélévements et de transplantations d'organes doivent aussi réorganiser leur activité. Ils font face à un manque important de donneurs, notamment parce que la mortalité sur les routes a fortement diminué.

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« On a fait face à une baisse des dons d’au moins 50 % » selon Sophie Marion. Forcément, la mortalité n’est plus la même qu’il y a trois ou quatre mois en arrière. Le confinement et les restrictions de sortie ont empêché les déplacements habituels sur les routes, entrainant de fait moins d’accidentset donc moins de prélèvements.

Le début d’année 2020 a été marqué par la crise de coronavirus Covid-19. Entre des services hospitaliers saturés et un confinement qui, de fait, fait chuter le nombre potentiel de donneurs, les centres de prélèvements et de transplantations d’organes ont dû se réorganiser.

En Bourgogne, il y a cinq centres de coordination : Chalon-sur-Saône, Mâcon, Auxerre, Nevers et Dijon. Ces deux derniers ont poursuivi leur activité depuis la mi-mars, moment où le confinement a été décrété par le gouvernement. « On tenait à maintenir l’activité. Même si elle a été forcément beaucoup ralentie », nous confie Sophie Marion, infirmière coordinatrice pour le prélèvement d’organes et de tissus au CHU de Dijon. Le transfert de personnels soignants dans les services de réanimation -en tension-, est la première cause de diminution de l’activité.

Du côté du service des transplantations d’organes, là-aussi les interventions ont été moins nombreuses, « les lits de réanimation ayant été occupés par les patients atteints du Covid », nous explique le Professeur Olivier Bouchot, chirurgien cardiaque au CHU de Dijon. Il ajoute qu’en France, les services de prélèvements et de transplantations se sont organisés selon trois niveaux :

  • un arrêt total de l’activité
  • un arrêt partiel des opérations avec le seul maintien des opérations urgentes comme les greffes cardiaques
  • et enfin le maintien de l’activité globale en tentant de prendre en charge tous les patients. 

Une liste d'attente de plus en plus longue à cause du Covid-19

Pour faire face à la crise sanitaire, l’Agence de la biomédecine avait demandé aux centres hospitaliers de repousser les greffes rénales dans la mesure du possible, notamment pour les patients dialysés. Seules les transplantations d’organes vitaux ont été maintenues : foie ou coeur par exemple. 
 

Encore fallait-il trouver des donneurs... Rappelons qu’un prélèvement ne peut se faire qu’en état de mort cérébral lorsque les organes n’ont pas été endommagés.

Mais pour la coordination de prélèvements d’organes du CHU de Dijon, ces patients se font fait rares. Une absence sur laquelle le corps médical a très vite alerté. « On ne saurait expliquer pourquoi, mais peu de patients victimes d’AVC ou d’infarctus se sont présentés dans les services d’urgences ces dernières semaines. »

Pour maintenir les greffes urgentes, comme ce fut demandé au CHU de Dijon, il était essentiel d'avoir des donneurs potentiels. « Malheureusement, on a eu un patient urgent à qui nous n’avons pu trouver un coeur compatible… Alors on l’a placé sous assistance cardiaque. »
Ce système permet aux patients d’attendre une greffe, parfois des années. « Nous avons beaucoup de patients qui arrivent en fin de traitement, que nous devons placer sous assistance alors que la liste des donneurs est de moins en moins extensible… » Une problématique générale que rencontrent les centres de prélèvements et de transplantation toute l’année, aggravée aujourd'hui par la crise du Covid-19. « On fait face à une vraie inadéquation entre une liste de greffes qui s’allongent et la liste de donneurs qui diminue… »

Un vaccin contre le Covid pour tous les greffés ? 

Malgré l’activité réduite, Sophie Marion souligne qu’aucun patient n’a été refusé et que de nouveaux patients ont même pu être accueillis. « L’essentiel, c’est de ne pas avoir rater les donneurs ! » Avec des mesures sanitaires appliquées strictement, bien évidemment. Tous les donneurs potentiels ont été testés au Covid-19, selon les recommandations de l'Agence de la biomédecine. « On ne prend aucun risque de greffer un patient avec un organe d’un donneur qui aurait le Covid. » Les futurs greffés sont en effet sous immunodépresseurs et sont donc fragiles face au coronavirus.

Il a parfois fallu anticiper, pour répondre aux délais souvent trop longs des résultats des tests. « Les transplantations ne peuvent parfois pas attendre alors on se base sur les signes cliniques qui évoquent le coronavirus : toux, fièvre, difficultés respiratoires… » Mais le Professeur Olivier Bouchot l’assure, toutes les précautions sont prises afin que la sécurité et la santé de chaque patient restent au coeur des préoccupations.  

Les patients en attente de greffe qui auraient malheureusement été atteints par le Covid-19 ne peuvent pas être transplantés « s'ils présentent encore des traces du virus » affirme le Professeur Bouchot. « Il faudra que le scanner ne présente aucun signe de présence du coronavirus. » D’autant qu’aujourd’hui, le corps médical n’a pas encore assez de recul sur les séquelles au long cours du Covid-19. « Certains patients ont été sévèrement atteints au niveau pulmonaire, parfois se retrouvant même en insuffisance pulmonaire grave ou victimes de fibrose (la destruction des tissus) ».
Tous les risques de transmission de maladies, de surcontaminations doivent être écartés. Des batteries sérologiques sont toujours effectués en amont d’une opération

Lorsqu’ils ne présentent aucun symptôme du coronavirus et que les opérations de greffe peuvent se maintenir, les patients sont isolés dans des circuits hors-Covid. « Il y a notamment un risque d’infection pulmonaire post-opératoire pour tout patient d’une chirurgie cardiaque… Alors on ne peut pas prendre le risque de les exposer au Covid. »

Dans l’hypothèse d’un vaccin contre le coronavirus Covid-19, il serait obligatoire pour tous les futurs greffés. « On ne sait pas combien de temps ça va durer… » s’inquiète le Professeur Bouchot, « mais tous les patients seront protégés. On est déjà très protecteurs mais on sera encore plus vigilants ». Ces patients adoptent déjà les gestes barrières : port du masque, lavage rigoureux des mains.
 

Une reprise de l'activité de chirurgie compliquée

En dehors des greffes, les opérations cardiaques ont été massivement annulés. Au CHU de Dijon, ce sont environ 70 opérations annulées entre mars et avril. Les patients s’inquiètent d’une deuxième vague épidémique et préfèrent ne pas s’exposer. « D’habitude, nous avons 2 mois de programmation… » Depuis une semaine, les opérations sur liste d’attente ont repris, mais s’adaptent toujours en fonction des urgences qui arrivent. « On va bientôt rentrer dans la période estivale, avec les congés, la fermeture de certains blocs opératoires… La période va être compliquée jusqu’à septembre-octobre » s'inquiète Olivier Bouchot.
 
Tous donneurs ?
Le 22 juin est la Journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe, et de la reconnaissance aux donneurs.
A cette occasion, rappelons qu’en France, la loi Cavaillet de 1976 précise que nous sommes tous considérés comme donneurs. Le principe a été réaffirmé par la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016.

► LIRE PAR AILLEURS : Don d'organes : donneurs ou receveurs, pourquoi nous sommes tous concernés

Il est cependant possible de s’opposer au prélèvement de ses organes, en l’exprimant clairement à ses proches ou en s’inscrivant sur le registre national du refus
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