Au lendemain du débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, des Dijonnais nous donnent leur avis sur la prestation des deux candidats et sur l'intérêt, ou non, d'organiser un débat d'entre-deux-tours.
Marine Le Pen, tailleur noir et blouse blanche d'un côté. Emmanuel Macron, costume bleu marine et cravate tirant sur le noir de l'autre. Si les derniers prétendants en course pour l'Élysée s'opposent sur de nombreux points, hier, ils se sont réunis dans le choix d'un certain classicisme vestimentaire en marge du débat d'entre-deux-tours.
Depuis sa création en 1974, le duel aux allures de joute verbale entre les finalistes de la présidentielle est l'un des moments les plus attendus d'une campagne. Mais ce jeudi 21 avril, au lendemain des débats entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, difficile de ressortir des phrases, ou des punchlines selon votre vision des choses, qui laisseront une trace dans l'histoire de France. Le cru 2022 des échanges d'entre-deux-tours n'aura pas son "monopole du cœur", son "vous avez tout à fait raison monsieur le Premier ministre", ou son "moi, président".
59 % des Français ont trouvé Emmanuel Macron plus convaincant
Non, les téléspectateurs auront finalement suivi des échanges cordiaux, parfois très techniques entre deux candidats aux postures différentes. Une Marine Le Pen qui a joué la carte de la sobriété, afin de gagner en crédibilité après une prestation de 2017 qui l'a traumatisée. Et un Emmanuel Macron qui a tenté de se montrer moins professoral qu'il y a 5 ans au moment de défendre son bilan.
2h45 déchanges sur le pouvoir d'achat, l'international, le modèle social, l'environnement, l'attractivité française, la jeunesse, la sécurité, l'immigration ou encore les institutions, dont Emmanuel Macron semble sortir vainqueur. 59 % des Français ont trouvé le président-sortant plus convaincant selon un sondage Elabe, contre 39 % pour sa rivale du Rassemblement national.
Croisé sur la place François Rude de Dijon, Steve*, un jeune étudiant partage l'avis général des Français et fait d'Emmanuel Macron le vainqueur du débat. "Son aisance m'a marqué. Il avait l'air sûr de lui, comme il y a 5 ans. Il avait l'air préparé. Il savait quoi dire et comment dire les choses pour atteindre Marine Le Pen", juge-t-il.
Sophie a également été convaincue par Emmanuel Macron. La Dijonnaise a tout de même trouvé Marine Le Pen plus performante qu'il y a 5 ans. "Elle était plus préparée et moins agressive. Elle a plus parlé de son programme. Mais Emmanuel Macron était prêt, il a réussi à contrer tous ses arguments".
Toujours dans le centre-ville de Dijon, Marie, elle, se montre plus dubitative. "Personne n'est sorti de sa zone de confort. Je ne suis pas convaincue, ni par l'un ni par l'autre. J'ai trouvé Marine Le Pen relativement calme, elle s'est beaucoup défendue. Et Emmanuel Macron était plus sur l'offensive. Il s'est un peu moqué d'elle à certains moments. Mais c'est sur la forme, sur le fond, il n'y a rien de nouveau".
Karine, elle-aussi, ne parvient pas à déterminer de vainqueur. La jeune femme regrette surtout le manque de place accordée à l'écologie dans le programme de deux candidats. "Ce n'est pas à la hauteur des enjeux actuels. C'est bien regrettable".
Le débat le moins suivi de l'histoire
Dans le centre-ville de Dijon, nous avons également discuté avec plusieurs citoyens qui n'ont pas voulu regarder les échanges entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Les électeurs ne semblent ainsi plus voir le débat d'entre-deux-tours comme un élément déterminant de la campagne.
Selon un baromètre Ifop, 14 % des personnes interrogées avant l'émission attendaient l'échange pour choisir pour qui elles voteront ce 24 avril. Et seulement 36 % des Français s'impatientaient de suivre le duel télévisé. "Ce débat ne m'a pas aidé à savoir pour qui j'allais voter, ça m'a plus embrouillé qu'autre chose", confie ainsi Sébastien.
L'évènement, véritable tradition depuis sa création en 1974, est-il désormais trop déconnecté des attentes des Français ? D'autant plus au cœur d'une élection où des candidats, dont Marine Le Pen ont opté par une campagne au plus près des électeurs pour éviter de paraître trop éloignés du terrain. "La mécanique du débat est complètement usée, tranche Sophie. Il faudrait moderniser tout ça, surtout maintenant avec les réseaux sociaux".
Luc aussi prône pour une modernisation de la formule afin de relancer l'intérêt des téléspectateurs pour le débat. "Le format est un peu débile. Je trouve que le débat d'entre-deux-tours ne sert pas à grand-chose. La très grande majorité des gens ont déjà fait leur choix. C'est bien pour voir les personnalités qui se font face, mais ça ne va pas faire bouger les choses du tout".
Mercredi soir, le débat a été suivi par 15,5 millions de téléspectateurs, toutes chaînes confondues, soient 67,7 % du public. Il s'agit du score le plus bas historiquement pour un duel d'entre-deux-tours. Par exemple, en 2017, le premier affrontement Le Pen/Macron avait réuni 16,4 millions de personnes devant leur écran, signant déjà la pire audience pour un tel programme.
Depuis 2007, on constate alors une véritable érosion de l'audience du débat d'entre-deux-tours, avec une perte de près de 4,5 millions de téléspectateurs.
Si les deux finalistes de cette présidentielle ont tout stoppé pendant quelques jours pour se préparer au débat, certains téléspectateurs, eux, n'ont pas fait le choix de rompre avec leurs habitudes ce mercredi soir.
*Les prénoms de nos interlocuteurs ont été changés.