Journaliste à la rédaction de France 3 Bourgogne, je ne saurai jamais où et quand j'ai été contaminée. On voit tellement de monde dans ce métier ! Mais peu importe... Ce récit est le mien. Un simple témoignage, parmi d'autres.
Aujourd'hui je vais bien. Enfin, presque. Car j'ai encore, de moins en moins heureusement, de gros coups de fatigue et cette toux sèche résiduelle qui s'accroche et que j'aimerais voir disparaître.
Une toux sèche absente au début de la maladie. Pas de fièvre non plus. Les premiers symptômes qui apparaissent le 11 mars ne m'inquiètent pas.
Pourquoi s'inquiéter pour un mal de tête? c'est tellement banal... Et puis je suis en pleine forme, vraiment. Heureuse de travailler avec mon équipe, prête pour une nouvelle journée bien remplie.
Je ne m'inquiète pas non plus de la fatigue qui se fait ressentir le soir. Pourtant elle s'abat sur moi comme un coup de massue. A peine assise au salon, je m'écroule dans un sommeil profond, ce qui n'est pas mon habitude.
Le coronavirus, on en parle déjà depuis quelques jours dans l'actualité régionale. La pénurie de masques dans les pharmacies, les médecins qui en demandent et qui n'arrivent pas à s'en procurer ou trop peu.
Les gestes barrières sont à ce moment là, les seules recommandations. Je les respecte consciencieusement, allant jusqu'à me laver les mains toutes les heures au bureau, avant d'appliquer du gel hydroalcoolique.
Mon mal de tête se fait persistant et violent. Il ne me quitte pas depuis trois jours. Une légère sensation de gorge sèche s'est installée. Malgré cela, je suis toujours en pleine forme. Je pense à une petite angine. Rien de grave.
Quatrième jour : la maladie se révèle
Au quatrième jour, je me réveille avec toujours ce très fort mal de tête, mais aussi la sensation d'avoir des picotements brûlants dans les yeux, des courbatures dans le dos et les épaules. J'ai des frissons et de la fièvre. Un peu plus de 38° C.Je téléphone au secrétariat de mon médecin. J'ai rendez-vous deux heures plus tard, à son cabinet. Il n'y a pas d'autre patient et il m'accueille tout de suite. Il m'ausculte et diagnostique prudemment un syndrome grippal avec suspicion de Covid 19.
Traitement : paracétamol et repos. Rien de plus. On est à la veille du 1er tour des élections municipales. Le virus rode et je suis probablement contaminée. Je suis inquiète pour moi, mais aussi pour les autres.
J'ai prévenu ma hiérarchie. Tout ceux aux côtés de qui j'ai travaillé sont en quartorzaine. Je m'inquiète pour eux et pour leur famille. Tous les endroits où je suis passée, la salle de montage, mon bureau, la voiture de reportage, sont désinfectés.
Septième jour : mon état de santé se dégrade
La toux s'est installée et elle s'accompagne d'une immense fatigue ainsi que de courbatures très douloureuses en haut de la colonne vertébrale et sur les épaules. J'ai froid dans les poumons, et comme une impression de brins d'herbes et de grains de poussières, un voile de plus en plus envahissant, gênant la respiration.
J'ai le numéro de portable de mon médecin et la consigne d'appeler le 15 si ça ne va vraiment pas.
Mais où se situe la limite ? Quand appeler ? Je m'angoisse. Et si ça empire ? Si j'attends trop tard ? Le soir, je n'ose pas éteindre la lumière.
Je pense à mon arrière-grand-mère maternelle, Laurence, décédée de la grippe espagnole, en octobre 1918, à l'âge de 36 ans, laissant deux enfants de 3 et 8 ans et son mari, mon arrière-grand-père, tout juste revenu de la guerre pour enterrer sa femme.
Le roman "L'écume des jours" de Boris Vian, me revient en mémoire. Le nénuphar qui pousse dans les poumons de Chloé... C'est ça. On ne peut meilleure description de la pneumonie.
Laminée et inquiète
La fièvre ne monte pas à plus de 39°C mais je suis à plat, laminée, exténuée. Impossible de me lever. Si je fais quelques pas j'ai tout de suite des vertiges. La toux, les courbatures, pas faim du tout. Seul le bouillon de légumes passe, et encore parce que je me force à avaler quelque chose. Cela fait maintenant une dizaine de jours depuis l'apparition des premiers symptômes. Mon état se stabilise mais je ne suis sûre de rien. Je n'ai plus de fièvre et puis elle revient.
Je tousse de plus en plus fort et fréquemment. Une toux sèche. J'ai des douleurs musculaires et toujours mal dans le dos et les épaules. Mon corps se bat contre la maladie. Je suis épuisée.
Je passe mon temps à me reposer, à dormir, et à répondre aux nombreux coups de fil et aux messages que je reçois de mes proches, de mes amis, de mes collègues, qui me demandent des nouvelles.
J'ai besoin de savoir, de comprendre. J'écoute les informations, je lis sur mon smartphone tous les articles qui parlent du virus. J'ai peur. Et je ne comprends pas tout ces gens qui dehors ne respectent pas le confinement.
Mon médecin passe me voir à domicile. Il confirme la suspicion de Covid 19. Je suis un cas très probable.
Je souhaite avoir un dépistage. Mais il faut aller à l'hôpital. Je suis vraiment K.O. Pas de dépistage pour moi. Il n'y en a pas assez pour tout le monde. J'apprends que le résultat n'est pas forcément fiable. Et pourtant je voudrais savoir.
La confirmation viendra quelques jours plus tard. Je me rends compte que j'ai perdu l'odorat. Je ne sens plus rien. Pas même mon parfum. Aucune odeur. C'est l'un des symptômes caractéristiques du Covid 19.
Affaiblie comme jamais
Les jours passent. Il y a maintenant près de quinze jours que je suis malade. Il y a des moments où je me sens mieux. La fièvre est partie pour de bon.Restent les courbatures toujours aussi douloureuses, et la fatigue immense. Je ne tiens toujours pas très longtemps debout. J'ai vite besoin de m'asseoir ou de m'allonger. Je ressens le besoin impérieux de me reposer encore. Et je m'inquiète pour mon odorat. Quand va t-il revenir ?
A la télévision, à la radio, dans les journaux, le nombre de personnes diagnostiquées augmente de jour en jour. Les images dans les services de réanimation sont terrifiantes. Les soignants sont débordés. Des gens meurent partout. Le virus frappe dans toutes les tranches d'âges.
J'ai eu tous les symptômes cliniques du Covid 19. Il y a peu de place pour le doute. J'espère une sérologie. Ai-je développé des anticorps ? Suis-je immunisée ? Je n'ai pas de réponse à mes questions.
Enfin guérie
Le 7 avril, je suis considérée comme guérie mais je suis loin d'être vaillante. Pour moi l'épreuve a duré un peu plus de trois semaines. Je mesure ma chance, par rapport à d'autres, de m'en sortir aussi bien.Mon odorat est revenu. Les symptômes ont disparu sauf un reliquat de toux et des accès de fatigue qui me terrassent encore parfois.
Il me faudra plusieurs jours pour retrouver un peu de tonus et sans doute plusieurs semaines pour retrouver la forme que j'avais avant.
Bonne nouvelle : si vous lisez cet article, c'est que je suis de retour en télétravail, confinement oblige. Comme tout le monde, je reste chez moi.
Et si je retourne sur le terrain en reportage, peut-être bientôt je l'espère, évidemment ce sera équipée d'un masque de protection avec toutes les précautions en vigueur pour faire barrière à la transmission du virus.